Maroc

L’UMT va-t-en-guerre

L’Union marocaine du travail (UMT)  mobilise ses troupes et annonce une série de grèves multi-sectorielles en février. Son secrétaire général, Miloudi Moukharik, fait le point sur ce bras de fer avec le gouvernement dans l’émission Fi Samim, chez nos confrères d’Horizon TV.

Il ne fait aucun doute que ce début d’année 2018 est marqué par un contexte social tendu. En plus de la continuation des mouvements sociaux nés durant l’année 2017 à Al Hoceïma, Zagora et Jerada, les hausses des prix des matières premières ont fini par pousser à la rue l’une des principales centrales syndicales du pays, l’Union marocaine du travail (UMT). Cette dernière a prévu en effet une série de grèves multi-sectorielles, avec pour slogan la «lutte contre les inégalités». «Il y a eu plusieurs discussions au sein du comité avant de prendre cette décision de mobilisation. La majorité a considéré que la situation actuelle ne peut plus être tenable pour les travailleurs, ouvriers ou employés», martèle d’entrée Miloudi Moukharik, secrétaire général. Selon lui, il y a aujourd’hui, de la part du gouvernement «une guerre contre le pouvoir d’achat du citoyen et une atteinte aux libertés syndicales et au droit de grève». Le tout couplé au gel du dialogue social et la hausse des prix des matières premières. «Il est vrai aujourd’hui que certains prix sont fixés par le marché, mais le rôle de l’État est de réguler les inflations flagrantes qui sont souvent due à des spéculations».

Sourde oreille
Moukharik dénonce l’attitude «démissionnaire» du gouvernement face au tout-puissant marché. Une attitude, visible, selon lui, depuis «l’élaboration de la loi de Finance». Il faut en effet remonter aux premières discussions autour du budget de 2018 pour comprendre le «ras-le-bol» du syndicat. Moukharik parle en effet d’une «consultation de forme» de la part des ministères des Finances et des affaires générales. Pourtant, l’UMT tenait à faire valoir la révision de l’IR pour certaines catégories de salaires, une revalorisation du SMIG industriel (de 2870 à 4000 DH) – l’actuel permettant de «faire vivre une famille de 3 personnes pendant seulement 9 jours, la solidarité familiale faisant le reste» -, et enfin une hausse des allocations familiales. Des revendications auxquelles l’Éxécutif a, sans grande surprise, fait la sourde oreille. «Le gouvernement essaie de faire croire à la population que l’austérité est la seule issue possible pour sauver les caisses de l’État, mais c’est là un faux constat. Le Maroc est, contrairement aux idées reçues, un pays riche en ressources minières, agricoles, maritimes… Seulement, il existe aujourd’hui un oligopole qui s’accapare ces richesses stratégiques». Selon Moukharik, ces inégalités sont à l’origine de la crise du modèle de développement, un constat dont «Sa Majesté le Roi lui-même a fait part». Pour lui, c’est aux catégories les plus aisées que bénéficient les mesures d’incitations fiscales tandis que les travailleurs et employés sont «submergés de taxes et d’impôts prélevés à la source sur le revenu». Et c’est là l’un des leitmotiv de la campagne de l’UMT : «Un Maroc juste et solidaire». Le SG du syndicat n’hésite pas à citer, à ce titre, le dernier rapport accablant de l’ONG Oxfam, sur les inégalités au Maroc. Même si la situation globale des Marocains s’est améliorée au cours des dernières années avec un taux de pauvreté passé de 15,3% en 2001 à 4,8% en 2014 et une dépense annuelle moyenne qui s’est bonifiée de 5.000 DH par personne, l’augmentation des richesses semble bénéficier principalement à un petit nombre de personnes très fortunées. Selon le rapport, les trois milliardaires marocains les plus riches détiennent à eux seuls 44 milliards de DH. Leur richesse est telle que la croissance de leur fortune en une année représente autant que la consommation de 375.000 de leurs concitoyens les plus pauvres sur la même période.

Pouvoir d’achat en chute
Une accumulation de richesses pour un petit nombre qui contraste avec le reste des habitants, rappelle l’ONG qui précise que la moitié des Marocains ont un niveau de vie inférieur à 966 DH/mois. Déjà importantes, ces disparités se creusent davantage entre les territoires. La pauvreté reste très prégnante en milieu rural, avec près de 10% de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté en 2014 alors qu’elle est devenue beaucoup plus rare en milieu urbain (1,6%). «Une situation réellement intenable, où il est impensable, au risque de vouloir allumer la mèche de la violence, de porter atteinte aux libertés syndicales». Il est vrai que le projet de loi organique sur le droit de grève, qui a intégré le circuit législatif en mai 2017, est également l’une des sources de mobilisation. Selon Miloudi Moukharik, la méthode de mise en place du texte était déjà «annonciatrice du contenu», il s’offusque : «trouvez-vous normal que le SG du plus grand syndicat du Maroc et du monde arabe ne puisse pas recevoir un draft, une copie du texte avant qu’il ne soit déposé au parlement ?». Sur le fond et dans la logique des choses, le successeur de Mahjoub Benseddik indique un «no pasaran» aux dispositions dites «léonines» du projet de texte. Il s’agit notamment de la condition de réunir les ¾ des salariés d’un secteur afin de pouvoir déclencher une grève, la possibilité de préciser dans une convention collective une période pendant laquelle les salariés s’abstiennent de tout arrêt collectif de travail, celle de pouvoir faire appel à des employés extérieurs à la société pour continuer l’activité de la société et de l’approvisionnement du marché… Tout en précisant qu’il n’est pas un «anti-libéral» dans la mesure où il trouve «la stratégie de l’État en matière de promotion des investissements «pertinente» (ndlr : il s’agit de contrer l’argument du patronat selon lequel l’activité syndicale serait un frein aux IDE). Il indique cependant que «le droit de grève est un principe fondateur de notre pays, une arme des militants nationalistes durant le protectorat, il ne s’agit donc pas de la brader»…


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