Maroc

Jeunes NEET : ces oubliés des stratégies nationales !

De nombreux dispositifs intégrant la dimension «jeunesse» sont mis en place en vue d’arrêter le flux de ces jeunes NEET. Pour l’ONDH, ceux-ci relèvent de l’empilement, sans réelle coordination ni cohérence. Décryptage.

La situation des jeunes sans emploi, hors du système scolaire et sans formation préoccupe plus d’un. Dans son dernier rapport, présenté le vendredi 29 janvier, l’Observatoire national du développement (ONDH) déplore l’inefficacité de la réponse institutionnelle à la problématique de ces jeunes, communément, regroupés sous l’acronyme anglo-saxon NEET pour Not in Education, Employment or Training, en ces termes : «Une réponse institutionnelle et politique relevant de l’empilement, sans réelle coordination ni cohérence». Le rapport souligne la nécessité de porter une attention particulière aux phénomènes de rupture induits par des situations de fin de droit (exemple de la couverture médicale couverte par la famille jusqu’à 18 ans), s’assurer d’une véritable participation de tous les acteurs, ou encore activer la mise en place de la stratégie intégrée pour la jeunesse. D’où la proposition d’un nouveau paradigme politique appréhendant la jeunesse comme «un nouvel âge de la vie», avec les droits qui lui sont rattachés.

Résultats chiffrés de l’étude
S’agissant des résultats de l’étude, sur 6 millions de jeunes de 15 à 24 ans, le taux des jeunes NEET s’élève en 2019 à 28,5% soit 1,7 million de jeunes, tandis que 55% des jeunes, soit 3,2 millions, poursuivent leurs études, effectuent un stage ou suivent une formation professionnelle. 16,1%, soit 1 million, exercent un métier. Soulignons que cette catégorie de Marocains montre l’extrême difficulté à trouver sa place dans la société. Par ailleurs, sur le plan quantitative, l’étude a identifié cinq profils de NEET, à savoir les femmes au foyer rurales à responsabilité familiale (54,3% des NEET), les jeunes citadins découragés (25%), les NEET en situation de transition (7,8%), les NEET volontaires par choix (7,5%), et les NEET souffrant de problèmes de santé (5,1%). Les jeunes femmes représentent 76,4% des NEET dont 36,1% sont ruraux contre seulement 23,3% urbains.

Recommandations
Les rédacteurs du rapport émettent une série de recommandations. A commencer par sécuriser le parcours des jeunes de 15-24 ans, assurer l’intégration politique et économique des jeunes les plus vulnérables et renforcer l’accès à la santé de ces jeunes vulnérables. Pour sécuriser le parcours des jeunes de 15 à 24 ans, l’étude préconise de mettre en place une garantie jeunesse, assortie d’une carte jeunesse, permettant d’attacher réellement les droits aux individus et non à leur statut. Cette garantie jeunesse devra être associée à un revenu inconditionnel jeune. Pour ce faire, concrètement, il va valoir individualiser l’offre des politiques publiques adressées aux jeunes, en fonction de leurs besoins réels, restaurer la confiance avec les institutions. Remettre le jeune au cœur de son projet et l’écouter. Leur permettre d’accéder à la mobilité (transports publics, permis de conduire) et aux NTIC dans l’optique de répondre aux offres de formation, de stage et d’emploi, accès aux emplois requérant de plus en plus de technicité, etc. Toutefois, il faudra veiller à ce que les NEET ne s’installent durablement pas dans l’invisibilité en leur donnant des aides financières temporaires. En ce qui concerne l’intégration politique et économique des jeunes. Il faudra commencer par informer les jeunes sur leurs droits, mettre en place des comités locaux (douars/quartiers) de jeunes, en vue d’une prise en compte de leurs préoccupations dans les budgets et programmes communaux. Ces comités auront à participer à la production de plan d’action dédié à la jeunesse ainsi qu’à l’évaluation, chemin faisant, du volet « Jeunesse » des plans de développement communal. L’autre levier de la réussite de l’intégration politique et économique des jeunes passera par l’émergence de programmes d’insertion de jeunes en difficulté, initiées par les organisations patronales et professionnelles. L’objectif étant de préparer les jeunes en difficulté au monde du travail et, par ce biais, développer l’estime de soi, un savoir-faire et un savoir-être professionnels. Il faudra également favoriser le développement des TPE via l’accès à des prêts d’honneur, à la formation et au conseil. En ce qui concerne les jeunes ruraux, il faudra les former grâce aux écoles de la deuxième chance et à l’enseignement professionnel. Sans la santé, on ne jouit de rien. Ainsi donc, l’étude recommande de renforcer la prise en charge de la santé mentale et des troubles de l’apprentissage des jeunes les plus vulnérables. Concrètement, il va falloir assurer le diagnostic précoce des troubles de l’apprentissage. Travailler sur la prise en charge des plus vulnérables le plus en amont possible, développer les centres médicaux psychologiques pour jeunes adultes sur l‘ensemble du territoire national et renforcer le nombre d’intervenants. Pour finir, il faudra mieux organiser le travail effectué par les différents acteurs sur le terrain (associations, etc.) afin qu’ils puissent être davantage identifiés par les jeunes les plus vulnérables et leurs familles.

Avis des parties prenantes
Intervenant lors de la rencontre de présentation des résultats de l’étude, le secrétaire général de l’ONDH, El Hassan El Mansouri, a souligné que l’Observatoire attache une importance particulière à la question de la jeunesse de part ses travaux, car il est conscient que cette catégorie de citoyens est un acteur de développement économique et social et un levier pour la création de la richesse, notant que de nombreux dispositifs intégrant la dimension «jeunesse» sont mis en place en vue d’arrêter le flux de ces jeunes NEET. Évoquant les initiatives telles que les établissements de protection sociale, les centres de la Fondation Mohammed VI pour la réinsertion des détenus, les programmes de réinsertion scolaire et la lutte contre le décrochage scolaire et ceux en faveur de l’autonomisation des femmes, El Mansouri a mis en lumière l’ambition générale de placer les jeunes au cœur des politiques publiques et notamment de répondre aux lignes directrices de la Constitution du Royaume du Maroc. Pour sa part, le directeur régional de l’UNICEF pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient, Ted Chaiban, a affirmé que la question des NEET est une problématique n’est pas commune qu’au Maroc, mais bien partagée par plusieurs pays, en l’occurrence ceux de la région MENA. À ce titre, il a noté que pour l’UNICEF, la solution réside dans la mise en place d’une approche multisectorielle qui implique à la fois le secteur public et privé, au niveau national et local, et qui soit particulièrement axée sur la situation des jeunes filles et des femmes, notamment dans les régions rurales. Il a, en outre, insisté sur la promotion d’une éducation de qualité, accessible, et à même de pallier ce phénomène social qui constitue un manque à gagner sur le plan socio-économique. La représentante de l’UNICEF au Maroc, Giovanna Barberis, a, pour sa part, souligné «l’extrême» pertinence qui servira de guide à l’Organisation onusienne dans le cadre de ses programmations futures, mettant l’accent sur la transition démographique du Royaume sur laquelle il est essentiel de capitaliser pour que la jeunesse marocaine se transforme en levier de développement socio-économique du pays. Pour ce faire, Barberis a également relevé la nécessité de la mise en œuvre d’une approche intégrée et multisectorielle. De son côté, le directeur de la Jeunesse, de l’Enfance et des Affaires Féminines au ministère de la Culture, de la Jeunesse et des Sports, Othmane Gair, a indiqué que lors de la réalisation du diagnostic en vue de l’élaboration de la Stratégie nationale intégrée de la Jeunesse -2015-2030 (SNIJ), le ministère avait relevé la nécessité de la convergence de l’ensemble des intervenants de l’inclusion et de l’intégration des jeunes. Après avoir souligné que cette nécessité demeure toujours d’actualité pour combler la problématique handicapante des NEET, Gair a fait observer que l’âge éventuel de déperdition des jeunes se situe entre 15 à 29 ans pour un taux de 28% au niveau national.

Méthodologie de l’étude
Réalisée en partenariat avec le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), cette étude, dont l’enquête qualitative a reposé sur 549 entretiens individuels et 83 groupes de paroles avec des jeunes de 15 à 24 ans au niveau de 23 localités, vise, à travers un diagnostic et une analyse quantitative et qualitative, à comprendre les causes de l’émergence des NEET, d’analyser l’hétérogénéité de leur situations et de formuler des propositions pour leur insertion économique et sociale.

Modeste Kouame / Les Inspirations Éco


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