Intersession parlementaire : L’institution législative au chômage
Depuis la clôture de la session printanière, le Parlement tourne au ralenti. Pourtant, les commissions permanentes sont appelées à poursuivre leurs travaux pendant l’intersession parlementaire. La fin d’une session n’est pas synonyme de vacances parlementaires prolongées. L’accélération de la cadence s’impose pour renforcer la production législative.
«Depuis que cette législature a commencé, le Parlement est en état de mort cérébrale. Il est actuellement à l’arrêt alors qu’entre les deux sessions, les commissions sont censées travailler. Je n’arrive pas à comprendre cette situation !». Ces propos acerbes ne sont pas formulés par un observateur sévère de l’échiquier politique, mais plutôt par l’un des députés des plus blanchis sous le harnais: Abdellatif Ouahbi, ancien président du groupe parlementaire du parti du tracteur au sein de la chambre basse.
Les présidents des deux chambres du Parlement sont appelés à assumer leurs responsabilités en convoquant les réunions des commissions conformément au règlement intérieur des deux chambres. Seules les séances plénières ne peuvent pas être tenues. La période entre les sessions parlementaires, qui dure plusieurs semaines, ne doit pas être considérée comme des vacances prolongées pour les parlementaires qui, certes, ont le droit de bénéficier de quelques jours de répit après la clôture de session, mais sans exagération.
L’expérience démontre que les législatures se suivent et se ressemblent en la matière. Depuis la clôture de la session printanière il y a plus d’un mois, le Parlement en est visiblement au point mort, à part quelques missions diplomatiques accomplies par certains députés ou conseillers qui, d’ailleurs, ne sont pas nombreuses. Malheureusement, les commissions ne se sont pas réunies alors que sur le plan législatif, il reste un grand effort à déployer. Plusieurs textes sont, en effet, en stand-by et nécessitent l’accélération de la cadence pour qu’ils puissent franchir le cap du Parlement. Les parlementaires sont très attendus pour lancer de véritables débats sur des dossiers importants et passer à la vitesse supérieure, d’autant plus que la première session automnale de la première année législative de cette législature a été blanche.
Maillon faible
Le redoublement d’efforts s’impose pour passer les textes qui sont soumis à l’institution législative et discuter également les projets de propositions de loi qui sont le maillon faible de la production législative depuis le démarrage de l’expérience parlementaire au Maroc. Au sein de la Chambre des représentants, pas moins de 21 projets de loi et 35 propositions de loi sont au menu des commissions parlementaires. Le travail de fond de législation se fait au sein des commissions dont certaines sont appelées à passer de longues heures à discuter les détails des textes, comme tient à le préciser le politologue Ahmed El Bouz qui déplore le ralentissement du rythme parlementaire surtout entre la session de printemps et celle d’automne qui coïncide avec les vacances estivales. Il s’avère important que députés et conseillers accordent une importance particulière à leur mission au sein des commissions. Or, durant la précédente session parlementaire, l’absentéisme a miné les travaux de bon nombre de commissions aussi bien dans la Chambre des représentants que celle des conseillers. Mais il est à préciser que c’est plutôt la chambre haute qui est fortement gangrenée par le fléau de l’absentéisme des parlementaires, surtout lors des travaux des commissions. Parfois, des textes importants sont votés par une poignée de parlementaires. De quoi ternir davantage l’image de l’institution législative dont les responsables affichent la volonté de l’améliorer auprès de l’opinion publique. Mais cette volonté restera un vœu pieux tant que des actions concrètes ne sont pas effectivement encore mises en œuvre, surtout l’activation du règlement intérieur en matière de tenue des travaux des commissions pendant la période intersession et la lutte contre l’absentéisme. L’heure est à la mobilisation.
Principe de «méritocratie»
Certaines commissions sont plus concernées que d’autres. Ainsi, à titre d’exemple, les yeux sont rivés sur la Commission de l’enseignement, de la culture et de la communication de la première chambre qui doit entamer la discussion du projet de loi organique portant sur le caractère de l’officialisation de l’amazigh et celui du Conseil supérieur des langues et de la culture marocaine après la présentation des deux textes en juillet dernier. Du côté de la Commission des finances et du développement économique, l’espoir est de pouvoir non seulement entamer l’examen du projet de loi 99-15 visant l’élaboration d’un régime de retraite au profit des catégories des professionnels, des travailleurs indépendants et des non-salariés exerçant une activité professionnelle libre, mais de finaliser son adoption avant la soumission du projet de loi de budget 2018 au Parlement. Il faut dire que le projet de loi de Finances accapare l’attention des députés pendant presque toute la session automnale, au point de reléguer au second plan -voire de geler- tous les autres textes. Le projet de loi sur la retraite des indépendants a été adopté quelques jours seulement avant la clôture de la session du printemps par la chambre haute, avant d’être présenté par le gouvernement en commission à la Chambre des représentants.
À ce titre, le président de la première force numérique parlementaire au sein de la première chambre, qui n’est autre que l’ancien ministre du Budget, Idriss El Azami Idrissi, ayant défendu bec et ongles cette législation lors du précédent mandat gouvernemental, est appelé à convaincre son confrère au Parlement et au parti, le président de la Commission des finances Abdellah Bouanou, de convoquer le plus tôt possible les parlementaires pour s’atteler à la tâche avant d’être pris de court par l’examen du projet de loi de Finances. Des députés expérimentés imputent l’actuelle léthargie aux profils de bon nombre de parlementaires dont la sélection par les partis politiques n’était pas basée sur le principe de «méritocratie» ainsi qu’au manque de formation des nouveaux représentants de la nation et le gel des dispositions du règlement intérieur du Parlement. S’y ajoutent les problèmes et les guerres intestines au sein des deux plus grands groupes parlementaires de la chambre basse: ceux du PJD et du PAM.