Maroc

Intégrité territoriale. Mohammed Zakaria Abouddahab : “Le Maroc ne devrait pas baisser sa garde”

Mohammed Zakaria Abouddahab
Professeur de Relations internationales à l’Université Mohammed V de Rabat

À la veille du sommet de la Ligue arabe, prévu les 1er et 2 novembre prochains à Alger, Mohammed Zakaria Abouddahab partage avec nous sa vision sur la situation géopolitique du Royaume face aux dernières gesticulations diplomatiques de l’Iran, l’Algérie et la Tunisie, ainsi que sur les perspectives des relations régionales.

Comment se présente la situation géopolitique du Maroc, notamment dans le cadre du plan d’autonomie, face aux dernières agitations diplomatiques de l’Iran, l’Algérie et la Tunisie ?
Le Maroc se situe en droite ligne d’une position qui le conforte dans sa revendication légitime. L’affaire du Sahara est une question d’unité nationale érigée au rang du sacré. Une constance immuable comme souligné dans le préambule de la Constitution. L’internationalisation de ce dossier, depuis pratiquement 1965, n’a fait que renforcer la détermination du Royaume et sa résilience tous azimuts. Au fil des ans, la diplomatie marocaine a affûté ses armes, et les réalisations majeures de ces dernières années le témoignent amplement. Néanmoins, la garde ne devrait pas être baissée, lorsque l’on sait que le Maroc est exposé à des menaces proférées par les séparatistes et ceux qui les soutiennent. Des pays affichent leur hostilité et d’autres agissent de manière sournoise. Il est donc nécessaire de maintenir le cap stratégique et d’élargir le cercle des États qui soutiennent l’intégrité territoriale du Royaume. Autant dire la pertinence d’une démarche proactive mais axée sur des résultats concrets, visibles sur le terrain : ouverture de plusieurs consulats dans les villes marocaines sahariennes, lancement de projets d’envergure avec des pays qui pèsent dans les relations internationales…

Comment analysez-vous l’ingérence de l’Iran dans les affaires internes du pays par l’armement et l’entraînement d’éléments séparatistes menaçant l’intégrité territoriale, la sécurité et la stabilité du Royaume du Maroc ?
Pour ce qui est du cas de l’Iran, ce n’est pas la première fois que ce pays nuit aux intérêts du Maroc. Dans les années 80 déjà, alors que la révolution menée par Khomeini battait son plein, le Maroc s’est rallié aux monarchies du Golfe pour dénoncer les ingérences iraniennes et les actions déstabilisatrices menées par le régime de Téhéran. À deux reprises, les relations diplomatiques ont été suspendues, le Royaume accusant l’Iran de contribuer à l’armement des milices polisariennes par Hezbollah interposé. À l’heure actuelle, l’antagonisme géopolitique structure encore les relations entre les deux anciens empires.

Selon vous, les derniers remous politiques avec la France auront-ils un impact sur la situation géopolitique du pays ?
Les relations entre le Maroc et la France sont ancrées dans l’histoire. Elles ne sont pas à apprécier au gré des présidents qui se succèdent à l’Elysée, mais à la lumière des forces profondes qui les structurent : des forces historiques aux forces économiques, démographiques, culturelles, linguistiques…, la dynamique fait son œuvre. Il est vrai que la conjoncture géopolitique du moment dicte certaines contraintes et commande des réajustements. De même, chaque Chef d’État a ses priorités et ses préférences, son style et son agenda. Néanmoins, les relations avec la France devront être inscrites dans le long terme : à des cycles d’euphorie, succèdent des séquences un peu moroses, et à celles-ci, se substituent des conjonctures fluides (pour reprendre une expression de Régis Debré, utilisée dans sa Sociologie des crises politiques). En d’autres termes, le Royaume guettera sans doute des fenêtres d’opportunité pour réajuster le tir avec la République française qui, stratégiquement, ne pourrait pas se défaire de ses relations multidimensionnelles avec le Royaume chérifien.

Est-ce que le Maroc doit craindre une alliance Algérie-Tunisie visant à restreindre son influence diplomatique grandissante ?
Le pacte algéro-tunisien, scellé en décembre 2021 par la déclaration de Carthage, a été dicté par la crise profonde traversée par le Tunisie et l’ambition géopolitique de l’Algérie de reprendre la vieille stratégie des axes, d’isoler le Maroc sur le plan régional et de l’éloigner de la Libye. Une politique vouée d’emblée à l’échec car elle n’est pas fondée sur une approche de l’intégration régionale qui tienne compte des équilibres géopolitiques et prenne en considération les intérêts bien compris de toutes les parties prenantes. Il s’agit plutôt d’une approche qui cherche à cliver en accentuant les divisions et en encourageant les tendances séparatistes. De cette manière, Alger enterre le projet de fondation d’une Union du Maghreb et jette l’ensemble de la Région dans l’incertitude. Cette approche d’hostilité nuit aussi à l’idée d’une Union arabe véhiculée par la Ligue des États arabes. Le prochain sommet de cette organisation risque par conséquent d’être un non-événement.

Quelle lecture faites-vous du récent rapport d’Antonio Guterres sur le Sahara Marocain ?
Le rapport présenté au Conseil de sécurité par le Secrétaire général des Nations Unies fait suite au travail d’investigation mené aussi bien par son envoyé personnel que par son représentant spécial/chef de la MINURSO. Il s’agit d’un rapport devant servir de base à l’adoption, fin octobre, de la résolution du Conseil de sécurité sur le Sahara. L’enjeu est de proroger d’un an le mandat de la MINURSO et de relancer les tables rondes, comme souhaité par M. Staffan de Mistura. Mais rien n’est moins sûr compte tenu du refus systématique algérien de s’impliquer activement dans la recherche d’une solution politique ordonnée autour du Plan marocain d’autonomie. Désormais, la question qui se pose est la suivante : après 47 ans de conflit autour du Sahara marocain, le moment n’est-il pas venu de sortir de cette spirale, et d’engager un processus d’intégration régionale étendu à d’autres espaces limitrophes, en vue de faire face aux nouveaux périls globaux et aux menaces transnationales croissantes ?

Mehdi Idrissi / Les Inspirations ÉCO


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