Maroc

Inflation : le Conseil de la concurrence vent debout contre la “subvention”

Face à l’inflation, nombreux sont les Marocains qui peinent à boucler les fins de mois devenues de plus en plus difficiles. Désormais, tous les regards se tournent vers l’État providence et son système de subvention, qui est en réalité un «gaspillage» qui fausse le jeu de la consommation, s’insurge le Conseil  de la concurrence. 

Le coût de la vie bat des records au Maroc. L’indice des prix à la consommation a connu, au cours du mois d’avril 2022, une hausse de 1,8% par rapport au mois précédent, selon le HCP. Ce dernier souligne que cette variation est le résultat de l’évolution de l’indice des produits alimentaires (+3%) et de celui de l’indice des produits non alimentaires (+0,9%).

Un chiffre en constante hausse et qui pèse lourd sur le budget des ménages. Face à l’inflation, et avec un pouvoir d’achat sévèrement écorné par la crise sanitaire et économique, nombreux sont les Marocains qui peinent à boucler des fins de mois devenues de plus en plus difficiles. Désormais, tous les regards se tournent vers l’État providence et son système de subvention.

Et pourtant, celui-ci n’est pas l’antidote idéale à la cherté de vie inédite que vit le Royaume, laquelle est imputable pour les pouvoirs publics à la sécheresse et la guerre en Ukraine. C’est du moins la doctrine que défend le Conseil de la concurrence pour qui subventionner les prix des produits de base revient à jeter de l’argent par les fenêtres.

Or, de l’argent, le pays en a cruellement besoin dans le contexte actuel marqué par la hausse tous azimuts des prix de la plupart des produits et services.

«Nous, nous sommes totalement contre le système de subvention», a déclaré Ahmed Rahhou, le président du Conseil de la concurrence qui intervenait, vendredi dernier, lors d’une conférence-débat, organisée à l’ESCP business school, sur le thème «Droit de la concurrence, entre protection du consommateur et garantie pour l’investisseur». En réalité, l’institution qu’il dirige n’est pas contre l’idée de la subvention en elle-même.

«Ce n’est pas parce que je ne veux pas que les consommateurs aient des prix bon marché, tout au contraire. Notre doctrine, c’est qu’il faut faire jouer la vérité des prix», nuance Rahhou pour qui le système de subvention au Maroc, en «faussant le jeu de la consommation», est injuste et inefficace. À titre d’exemple, explique-t-il, aujourd’hui, «si vous subventionnez l’essence, vous subventionnez davantage celui qui a un 4×4, et qui consomme du 20L, que le pauvre qui prend le bus».

Ce qui est quand même “horrible” car la subvention se fait au détriment de l’investissement. En somme, c’est moins d’hôpitaux, de routes, de barrages, de ponts…, soutient Rahhou qui en appelle à «une vraie réflexion sur un bon système». Pour améliorer le sort des consommateurs marocains, le Conseil prône une aide directe et mieux ciblée, afin que l’argent public «puisse aller directement aux ayants droit».

Dans le fond, cette proposition -qui peut même aller jusqu’à une restitution d’impôt aux “pauvres”- n’a rien d’original puisqu’un projet, qui épouse parfaitement cette idée, existe déjà. Il s’agit du fameux registre social unifié (RSU) dont le lancement de la phase pilote était prévu cette année, à Rabat, avant une généralisation à l’ensemble du territoire en 2024.

Ce RSU s’inspire de la plus grande base de données d’empreintes et d’iris au monde, le système d’identification biométrique indien. En lieu et place du système actuel basé sur le “tout subventionner”, le RSU, une des composantes de la réforme de la généralisation de la protection sociale au Maroc, se propose de cibler les ménages éligibles aux subventions grâce, notamment, au système de scoring.

Tout semble indiquer que ce projet, considéré comme un plan ambitieux à même de mettre fin au système actuel de subvention des produits de base et de passer à un modèle qui lutte spécifiquement contre la pauvreté, reste d’actualité.

En tout cas, le Conseil de la concurrence, qui espère que le Maroc se dotera rapidement d’un système de soutien direct (dont la finalité première est d’optimiser l’affectation des ressources publiques consacrées à la lutte contre la pauvreté et la vulnérabilité), compte bien défendre sa doctrine «systématiquement». En attendant, le problème que le RSU est censé résoudre se pose encore avec acuité. Le gaz butane et le sucre, principaux produits subventionnés au Maroc, ont vu leurs cours exploser.

Il faut noter que le Maroc consacre aux programmes de filets sociaux environ 2% de son PIB, taux considéré par les Institutions financières internationales comme très proche de la moyenne mondiale. Selon Larabi Jaïdi, économiste, les dépenses liées aux programmes de protection sociale, non assortis de subventions, représentent une part importante de ce total.

La RSU dans les starTing blocks  

Alors que les spéculations sur la mise en place du Registre social unifié (RSU) vont bon train, le ministre de l’Intérieur, Abdelouafi Laftit, rassure en affirmant que ce dispositif sera opérationnel très prochainement et que sa mise en place se déroule dans des conditions optimales.

En réponse à une question orale du groupe de l’Authenticité et de la modernité, à la Chambre des représentants, Laftit est allé plus loin, précisant que le Registre national de la population (RNP) compte, à ce jour, 120.000 personnes. Ce dernier contribuera au ciblage précis des personnes ayant réellement besoin de soutien, dans le cadre de l’ensemble des mécanismes de subvention publique existants, a-t-il souligné.

Et d’ajouter que la période expérimentale de mise en œuvre de ce chantier, lancé au niveau de Rabat et de Kénitra, se poursuivra jusqu’à fin 2022, avant sa généralisation ultérieure à l’ensemble du territoire national. Pour rappel, le RNP vise à déterminer les modalités d’application des articles 6, 7, 8, 28 et 30 de la loi 72.18 relative au système de ciblage des bénéficiaires des programmes d’appui social et à la création de l’Agence nationale des registres.

De son côté, le RSU vise à déterminer les modalités d’enregistrement à ce registre, de notation des familles inscrites, de déclaration de tout changement survenu sur les données enregistrées lors de l’inscription et de présentation des demandes de révision de la notation des ménages, en plus des modalités d’annulation de l’inscription au RSU.

Khadim Mbaye / Les Inspirations ÉCO



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