Inflation : bientôt la bonne nouvelle ?
Malgré les très forts taux enregistrés en début d’année, l’inflation, essentiellement tirée par les produits alimentaires, devrait commencer à retomber très prochainement. Et pour cause, l’amélioration de certains facteurs sur le plan international. Toutefois, pour le Maroc, d’autres freins internes risquent de compliquer la donne. Explications.
L’économie marocaine pourra-t-elle profiter de la baisse attendue des cours mondiaux de pétrole et de certaines matières premières pour réussir à faire baisser l’inflation? C’est ce que l’on est tenté de croire, au regard de la dernière livraison du FMI sur les perspectives de l’inflation au Maroc. En effet, l’Institution de Bretton Woods espère que cette inflation ne dépassera pas 4,6% en 2023, alors que durant les deux premiers mois, le Haut-Commissariat au Plan (HCP) a observé une évolution de plus de 10% en moyenne. Il est vrai que les chiffres du FMI sont étalés sur toute l’année, mais ils annoncent qu’une déflation est en vue.
«Ce que nous dit le FMI, c’est que les prix des matières premières et du pétrole seront en baisse, mais est-ce que notre inflation dépend uniquement de ces facteurs? Ce n’est pas le cas. Comme l’a relevé le HCP, nous avons un problème d’offre locale qui ne satisfait plus la demande. Nous devons donc nous habituer à une inflation structurelle», note l’économiste et le fiscaliste, Mohamed Rahj.
Rente
«Une inflation structurelle», c’est désormais le leitmotiv auprès des économistes et des organismes de prévisions. En tout, elle restera élevée cette année quel qu’en soit l’organisme. Pour le gouvernement, le taux d’inflation sera de 4,5%, alors que pour Bank Al-Maghrib, il grimpera jusqu’à 6,2%. Le HCP l’augmente à 6,6%, pour ne citer que ces trois. Les institutions de Bretton Woods, à l’image de la Banque mondiale et du FMI, semblent moins alarmistes. Quand le Fonds monétaire international parle de 4,6%, c’est qu’en réalité, il mise sur la conjoncture mondiale qui devrait s’améliorer, sauf que l’inflation au Maroc est désormais plus un facteur endogène qu’exogène. «Si l’on voit ce qui se passe actuellement avec les produits agricoles cultivés au Maroc, on se rend compte que notre production est davantage modelée en fonction du marché des exportations», renchérit le professeur Mohammed Rahj. «D’où, selon-lui, une révision nécessaire de ce modèle».
Subventions
En attendant de venir à bout de cette inflation non importée, l’État semble obligé de revoir certains de ses plans. Il s’agit, notamment, de la suppression des subventions à travers la Caisse de compensation. Le porte-parole du gouvernement avait rapidement démenti dernièrement tout arrêt éventuel des subventions du sucre et du gaz en 2024, contrairement à ce qui est contenu dans un rapport de Bank Al-Maghrib. Pour rappel, selon le FMI, qui vient de publier sa dernière prévision de livraison sur le Royaume, l’économie marocaine devrait enregistrer un taux de croissance de 3% en 2023 et de 3,1% en 2024. L’inflation devrait atteindre 4,6% cette année, avant de retomber à 2,8% en 2024.
MOHAMMED RAHJ
Fiscaliste“
Nous avons un problème d’offre par rapport à la demande”
Comment expliquez-vous que le FMI anticipe une inflation de 4,6% à fin 2023, alors que pour les deux premiers mois nous sommes à 10% en moyenne ?
Le FMI table surtout sur des facteurs extérieurs, en misant sur une baisse des prix des matières premières au niveau mondial, ainsi que sur les cours mondiaux du pétrole. Vu sous cet angle, il est logique de prévoir une inflation qui va baisser durant le reste de l’année. Sauf que, dans le cas du Maroc, nous avons affaire à une inflation liée aussi en grande partie à des facteurs internes. Nous avons un problème d’offre par rapport à la demande. Ce qui crée une inflation structurelle. Il faut donc concentrer les efforts à ce niveau, en plus de mettre l’accent sur la fin de cette économie de rente qui ne profite qu’à une poignée d’intervenants. Ces derniers voient parfois davantage leurs intérêts dans les exportations que dans la satisfaction de la demande locale.
Pensez-vous qu’avec le rythme actuel, le pouvoir d’achat, par exemple de la classe moyenne, pourra tenir à terme ?
Une chose est sûre. Avec la situation que nous vivons actuellement, le gouvernement peut penser à tout sauf à supprimer les subventions pour certains produits comme le sucre et le gaz via la Caisse de compensation. La classe moyenne est déjà suffisamment affectée et une bonne partie risque de se voir déclassée. Que dire donc si les subventions sont supprimées ? Ce serait une décision suicidaire dans le contexte actuel, qui ne le favorise absolument pas.
Quelles solutions alors préconiser afin de faire face à cette inflation que l’on dit désormais structurelle ?
Comme je l’ai dit tout à l’heure, nous avons une économie de rente qui continue de faire très mal à la majorité. Il faut enfin s’attaquer à ce mal. La situation actuelle profite à ceux dont les activités sont tournées vers l’export. De plus, il faut des actions strictes pour revoir le système de consommation au Maroc. Malgré la crise dont on parle, ou encore le stress hydrique et la sécheresse, le gaspillage alimentaire et d’eau continue. C’est très paradoxal et cela nous montre à quel point nous devons faire des efforts pour changer de nombreux paradigmes.
Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO