Maroc
Inclusion des femmes : encore des siècles avant d’y parvenir !
Le statut des femmes accuse encore bien du retard par rapport à la gent masculine, et ce, dans bon nombre de domaines. Il va falloir attendre plus d’un siècle avant d’y parvenir, et plus exactement 182 ans ! Pourquoi le combat est si long ?
On ne saurait le nier, plusieurs paramètres conservent une teinte genrée. Qu’il s’agisse de formation au marché du travail, d’inclusion sociale ou de droits, les inégalités perdurent. Depuis la mise en œuvre de la réforme de 2004, qui se voulait être le début d’une révolution juridique et sociale, diverses études ont été menées et de grands efforts ont été déployés. Pourtant, le constat est loin d’être reluisant.
Le chemin est encore long
D’après le rapport Indice WeWorld 2022, les statistiques portant sur des éléments constitutifs clés pour affirmer et exercer les droits des femmes et des enfants, dévoilent de faibles niveaux d’inclusion d’un point de vue économique, social et de droits fondamentaux. Sur un ton peu rassurant, Simon Whyte, président du conseil d’administration de ChildFund Alliance, a annoncé qu’en sept ans, «le monde ne s’est amélioré que de 1,4 point sur l’indice We-World. Cela signifie qu’à ce rythme, il faudrait 182 ans pour atteindre un niveau d’inclusion adéquat pour les femmes et les enfants dans le monde !». Et d’ajouter que «le monde n’est pas en mesure d’atteindre les Objectifs de développement durable (ODD), et les progrès en vue d’améliorer la vie des groupes les plus vulnérables de la planète ont ralenti». Petite consolation quand même, le Maroc figure parmi les pays qui ont améliorer leur position dans le classement mondial, passant de la 106e place en 2015 à la 100e en 2022 avec un score de 70,6. Il est suivi par le Botswana (102e avec 69.6), l’Égypte (103e : 69.3), l’Iran (110e : 66.7) et l’Afrique du Sud (111e : 65.9).
À noter que la Norvège est en première position avec un score de 91.3, devant l’Islande (2e : 90.6) et la Suède (3e : 89.8). Plusieurs dimensions ont été prises en compte dans ce classement dont l’environnement, le logement, les conflits et guerres, la démocratie et la sécurité, l’accès à l’information, la santé, l’éducation, les opportunités économiques des femmes… Le Royaume a enregistré les scores suivants : 1,96 en émissions de CO2 par habitant ; 3,77 pour les personnes mortes ou affectées par des catastrophes naturelles et technologiques ; 90,4 pour les personnes utilisant au moins des services d’eau potable de base ; 87,3 pour celles utilisant des services d’assainissement de base ; 1,24 pour l’homicide intentionnel ; 18,7 pour la mortalité des enfants de moins de cinq ans ; 3,43 pour le chômage ; 298 pour la mortalité maternelle ; 42,4 pour la présence féminine dans les parlements nationaux ; et 20,2 pour la violence entre partenaires intimes. Et c’est sans surprise que Simon Whyte a révélé que des risques nouveaux et en constante évolution concernent actuellement des millions de femmes et d’enfants. Il estime que ces risques en affecteront inévitablement un nombre exponentiel si rien n’est fait pour y remédier. «L’analyse présentée dans l’Indice WeWorld 2022 intervient pour montrer pourquoi il est essentiel de faire entendre la voix des femmes et des enfants, qui font partie des populations les plus vulnérables face à l’escalade des catastrophes mondiales», met-il en garde.
Cadre juridique vide et absence de loi
Principale épine dans le pied du Royaume, l’absence d’une loi portant sur les régimes matrimoniaux n’arrange guère les choses. En ce sens, l’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM) a tenu une conférence de presse, le 22 novembre, pour livrer sa vision de la conduite du chantier de révision du Code de la famille axée sur le travail qu’elle mène pour protéger les droits des femmes et mettre en place une législation familiale garantissant l’égalité dans les droits et la justice dans les situations. Verdict, le fossé entre les femmes et les hommes est loin d’être comblé, et pour cause, l’absence d’une loi distincte portant sur les régimes matrimoniaux. L’association appelle, en ce sens, à la mise en place d’une réglementation stricte de la gestion des biens des époux. Il s’agit également, de mettre en lumière de nombreuses contradictions et incohérences dont l’obligation faite à la mère disposant d’une aisance financière de contribuer à l’entretien de sa famille sans pour autant lui garantir des droits égaux à ceux de l’époux, notamment vis-à-vis des enfants. Dans le but d’appuyer la réforme du Code de la famille, l’ADFM insiste sur la nécessité de contextualiser le débat en tenant compte des changements qui s’opèrent dans la société.
Un changement de mentalité s’impose
Sur un autre volet, parmi les changements à prendre en compte, on cite la conviction, chez 75% des Marocains des deux sexes, de la nécessité de la contribution des époux aux revenus du ménage. «Or, les femmes contribuent à l’entretien de leur famille par leur travail rémunéré et par le travail ménager et les soins, lesquels représentent 23 milliards d’heures/an, effectuées à 92% par les femmes», fait savoir l’association.
Afin de remonter dans le classement et atteindre 30% de travail féminin, le gouvernement ambitionne, de son côté, de renforcer leur employabilité et leur autonomisation économique. Une démarche qui faisait cruellement défaut. Il faut dire qu’en dépit des efforts réels en termes d’égalité salariale, les femmes restent minoritaires dans les postes de responsabilités, et ne grimpent pas aisément les échelons hiérarchiques. Lors de l’ouverture des travaux de la 69e édition du Congrès des femmes chefs d’entreprises mondiales (FCEM), l’Exécutif s’est dit engagé, sous les Hautes orientations royales, à faire en sorte que la nouvelle Charte de l’investissement, notamment la composante relative à la petite entreprise, soit sensible au genre, et que l’emploi en tant que politique nationale le soit également. Les efforts gouvernementaux ont pour objectif de promouvoir l’entrepreneuriat féminin et l’inclusion économique des femmes, notamment celles qui travaillent dans l’informel et qui ont été drastiquement touchées par le Covid.
Kenza Aziouzi / Les Inspirations ÉCO