Maroc

Impôts locaux : changement dans le cockpit

Recentrage stratégique ou aveu d’échec ? Le gouvernement acte le transfert de la gestion de trois impôts locaux clés à l’administration fiscale, en rupture avec la tutelle de la Trésorerie générale du Royaume. Objectif : remuscler une fiscalité locale en perte de vitesse. Mais la Cour des comptes alerte sur les limites structurelles d’un système miné par l’opacité et les failles de recensement.

C’est un retour à la case départ qui a été entériné la semaine dernière en Conseil de gouvernement. Un projet de loi présenté par le ministère de l’Intérieur prévoit de transférer à l’administration fiscale (DGI) la gestion de l’assiette et du recouvrement de trois principaux impôts locaux (taxe d’habitation, taxe de services communaux et taxe professionnelle), gérés jusqu’à présent par la Trésorerie générale du Royaume (TGR). Ces trois impôts forment la colonne vertébrale de la fiscalité locale.

En plus de la création d’une administration fiscale à l’échelle régionale et locale, l’objectif du gouvernement est d’harmoniser les tarifs de la taxe sur les terrains urbains non bâtis, bête noire des promoteurs immobiliers, avec le niveau d’équipement des zones dans lesquelles se situent les biens immobiliers assujettis à cette taxe.

Levée de boucliers à la Cour des comptes
À l’évidence, le gouvernement estime que les communes sont assez dotées en ressources pour assurer la gestion des impôts locaux de bout en bout, de l’assiette au recouvrement.

De son côté, la Cour des comptes n’est pas totalement convaincue : «Des taxes gérées directement par les communes présentent des limites, souvent liées aux conditions d’émission et de prise en charge, soit autant de handicaps dans le processus de gestion de la fiscalité locale», relève-t-elle dans un rapport.

La fiscalité locale étant dominée par des impôts de nature foncière, son évolution, et donc son rendement, sont fonction des émissions. Les magistrats de la Cour des comptes font sans doute allusion à l’évitement d’une grande partie de l’assiette pour défaut de recensement des biens.

Dans les grandes villes, y compris Casablanca, il n’est pas rare que des promoteurs, notamment des particuliers, «omettent» de déclarer leurs programmes immobiliers. Conséquence, il est fréquent que beaucoup de ménages résidant dans ces appartements soient, de fait, exemptés de la taxe d’habitation et de la taxe de services communaux. Les difficultés liées à la problématique du recensement périodique du patrimoine ne permettent pas un élargissement significatif de l’assiette à la mesure de l’évolution de l’assise foncière. Ces difficultés se répercutent sur le rendement peu dynamique de la taxe d’habitation.

Les baisses conséquentes du potentiel de cette taxe en ont réduit l’importance par rapport à la taxe professionnelle et par rapport à la taxe de services communaux. Si le système de recensement dont dépendent l’identification et la prise en charge des contribuables a montré ses limites, le régime déclaratif, censé en pallier les lacunes, s’est avéré inopérant.

Croissance à deux chiffres
Cette réforme intervient neuf mois après l’achèvement du processus d’intégration des services d’assiette et de recouvrement de la taxe d’habitation et de la taxe de services communaux à la TGR. À en juger par les chiffres officiels sur les finances locales, cette intégration s’est traduite par l’amélioration des recettes et l’élargissement de l’assiette de la taxe sur les terrains non-bâtis.

En effet, les recettes de ces impôts enregistrent une croissance à deux chiffres. À fin décembre 2024, les recettes de la taxe de services communaux, l’ex-taxe d’édilité, ont explosé de 43%, à 1,77 milliard DH tandis que celles de la taxe d’habitation ont augmenté de 32,9% ! Seule la taxe professionnelle, l’ex-patente, grevée de niches fiscales, marque une «petite» hausse de 6,7%.

La taxe sur les terrains non-bâtis, bête noire des promoteurs immobiliers, a rapporté 470 millions de dirhams, soit une progression de 23,2%. La fiscalité locale présente une multiplicité d’impôts et de taxes superposés, caractérisés par des assiettes hétérogènes. Les communes se chargent de la gestion de l’assiette, du recouvrement et du contrôle des différentes taxes et redevances, à l’exception de la taxe professionnelle, de la taxe d’habitation et de la taxe de services communaux.

Il s’agit entre autres, de la taxe sur les terrains urbains non bâtis, de la taxe sur les opérations de construction, de la taxe sur les opérations de lotissement, de la taxe sur les débits de boissons, de la taxe sur l’extraction des produits de carrières, de la taxe de séjour à laquelle sont assujettis les établissements d’hébergement touristique – et depuis peu, les appartements Airbnb – et de la taxe sur les services portuaires.

D’où proviennent les recettes des collectivités territoriales

En 2024, l’exécution des budgets des collectivités territoriales, sur la base des recettes encaissées et des dépenses émises, laisse apparaître les tendances ci-après :

. Une hausse des recettes ordinaires de 14,8% provenant de l’augmentation de 23,1% des impôts directs suite à la hausse de 43% de la taxe de services communaux, de 17,9% de la part des régions dans le produit de l’impôt sur les sociétés (IS) et de l’impôt sur le revenu (IR) (906 millions DH), de 23,2% de la taxe sur les terrains urbains non bâtis (470 millions DH), de 6,7% de la taxe professionnelle (+242 millions DH) et de 32,9% de la taxe d’habitation.

. La hausse de 19,5% des impôts indirects (4,02 milliards DH) qui s’explique principalement par l’augmentation de 20% de la part des collectivités territoriales dans le produit de la TVA et de 66,3% de la part de ces dernières dans le produit de la taxe sur les contrats d’assurance.

. Les recettes fiscales transférées par l’État (part des collectivités territoriales dans le produit de la TVA et part des régions dans le produit de l’IS, de l’IR et de la taxe sur les contrats d’assurance) représentent 51,3% des recettes totales des collectivités territoriales.

Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO



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