Il y a 86 ans, le dernier soulèvement tribal contre la France
Le 25 mars 1933, au bout d’une semaine de négociations, les tribus Ait Atta concluent des termes de soumission avec l’armée française après plus d’un mois de violents combats. C’est la fin de la bataille de Bougafer, à l’issue de laquelle le Maroc est entièrement occupé par les troupes coloniales après plus de 25 ans de lutte.
En effet, le dernier bastion de la résistance en Haut Atlas est aussi le dernier bastion de la résistance marocaine, la soumission des Ait Atta achève ce que les historiens français ont appelé la «pacification du Maroc » ou la « Campagne du Maroc. De cette campagne, l’historien David Rivet dit : « C’est une guerre de trente ans qui fait au bas mot une centaine de milliers de victimes, bien plus si l’on ajoute l’énorme hémorragie des tribus rifaines en 1925 ». Dans son livre (1946) » les berbères marocains et la pacification de l’Atlas central » le général Guillaume, qui a servi au Maroc pendant plus de 10 ans, notamment en 1921 au bureau régional des affaires indigènes de Meknès sous les ordres du général Poeymirau , précise à propos du guerrier marocain des plaines ou des montagnes :
» Il sait sacrifier délibérément ses biens, sa famille et plus facilement encore sa vie. Aucune tribu n’est venue à nous dans un mouvement spontané. Aucune ne s’est soumise sans combattre, et certaines sans avoir épuisé, jusqu’au dernier de leurs moyens de résistance « .
Les guerriers des Ait Atta étaient menés par Assou Oubasslam , de son vrai nom Issa Ou Ali N’Ait Baslam, né en 1890, succéda son père Ali Oubasslam en tant que chef (Amghar) de la tribu Ilemchan en 1919. Dès sa jeunesse, il s’est distingué par ses qualités de leader et de guerrier. L’historien français Henri Bordeaux l’avait décrit « d’homme au beau visage grave, au corps maigre et musclé, impassible et indifférent d’apparence, mais fier et plein de dignité, et qui imposait la confiance ».
Avec la signature du protectorat, les tribus Ait Atta firent partie des tribus hostiles à la présence française, ainsi cette contrée avait connu des tentatives d’intimidation notamment de la part du Bacha de Marrakech Thami El Glaoui, qui organisa des expéditions contre les Ait Atta, toutes vouées à l’échec, étant donné la dureté du terrain et la qualité guerrière des combattants.
Comme Mouha ou Hammou Zayani, Assou Oubasslam devint chef militaire et prit le flambeau de la résistance amazigh après la défaite définitive des Zayanes, qui, malgré leur victoire sur les troupes coloniales dans la fameuse Bataille d’Elhri, en novembre 1914, ont fini par se soumettre après la prise définitive de Khénifra le 20 août 1920, qui fit un grand écho au-delà du pays Zayan, lestribus berbères se sentirent humiliés envers les chrétiens (Iroumine). L’influence des idéologies maraboutiques fort enracinée dans leur pensée religieuse motiva les amazighes à engager leur instinct de guerrier contre les troupes de légionnaires français.
A Bougafer, la France avait déployé 80.000 soldats pour en finir avec ce dernier bastion dissident Ait Atta. Le 13 février 1933, les forces coloniales avaient mené leur première attaque contre les combattants des tribus Aït Atta, qui se sont repliés dans les montagnes de Bougafer, une position stratégique, difficile d’accès pour l’ennemi, leur permettant de mieux assurer leur défense. La stratégie des colons français était de couper toute aide logistique sur la tribu des Ait Atta. Retranchés dans les montagnes de Bougafer, les tribus d’Ait Atta résistent pendant plus de quarante jours.
Les troupes françaises, grossies des forcer berbères fournies par les clans soumis, étaient estimées à 82.000 hommes avec, en plus, une escadrille de quarante-quatre avions, stationnés à Ouarzazate.Les troupe de ‘Assu, elles, ne réunissaient que 12.000 guerriers, auxquels se joignirent des centaines de femmes et d’enfants, ce qui faisait un total de 70.000 personnes.
« Les combats étaient intenses et les forces coloniales avaient subi des pertes importantes », a souligné, pour sa part, l’officier français, le capitaine Henri de Bournazel, (dit l’« Homme Rouge » ou le « Cavalier Rouge » en raison de la couleur de sa tunique) et qui s’est signalé par des faits d’armes exceptionnels lors de plusieurs batailles au Maroc (comme celle d’El Mers en mai 1923 à Imouzzer Marmoucha), et qui finira par trouver lui-même la mort lors des affrontements.
Après 42 jours de combats, les troupes françaises ont perdu 3500 hommes, dont 10 officiers. Quant aux résistants, ils ont perdu 1300 combattants et parmi les victimes figurent des enfants, des femmes et des personnes âgées.
Face à la rude résistance, les forces d’occupation avaient fait usage dans cette attaque de l’artillerie lourde et de l’aviation pour bombarder les positions des résistants, leur imposant également un sévère blocus, les forces françaises ayant réussi à encercler les résistants, leur interdisant ainsi toute communication avec l’extérieur.
Plusieurs cas de décès avaient été enregistrés chez les enfants et les vieillards, une situation qui n’avait pas pour autant pu infléchir le moral et le courage des combattants. La résistance de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants, qui se savaient pourtant perdus, força l’admiration des Français et le général Spillman, dans ses mémoires, éprouva des scrupules à mettre en pièce ces résistants qui préféraient mourir plutôt que de se rendre. Malgré la situation intenable, la reddition des Ait Atta ne s’est pas faite sans négociation.
Oubasslam, pour éviter à son peuple l’extermination, finit par accepter des pourparlers avec les français. Les résistants ont accepté de déposer les armes en posant leurs conditions. Ils ont notamment exigé que les tribus d’Aït Atta ne soient administrées que par l’un des leurs et le respect de leurs femmes et de leurs traditions et valeurs. Les tribus avaient également demandé un approvisionnement d’avance d’une année, une récupération de tous leurs biens confisqués, la conservation de leurs armes et la nomination du combattant Assou Basslam Qaid des tribus Aït Atta.
Pour éviter qu’il reprenne les armes contre, eux acceptèrent ses conditions. Ils le nommèrent même chef de son clan et plus tard, il assuma des charges de magistrat au sein de la cour d’appel d’Ighram Amazdar. En 1939, Assou fut nommé également caïd et garda cette fonction jusqu’à sa mort en 1960. En effet, aprés l’indépendance du Maroc, en 1956, il fut confirmé dans ses fonctions alors que les caïds, qui s’étaient compromis avec l’administration coloniale, avaient été relevés de leurs fonctions e 16 avril 1960, il succomba à la maladie, etfut inhumé dans son village natal de Taghiya. Son fils ainé, Ali n Lhadj, fut nommé caïd, à la demande des Aït ‘Atta et garda la charge jusqu’à sa retraite en 1974.