Maroc

Il était une fois, l’alliance anglo-marocaine

La récente visite du couple principer britannique au Maroc, et au-delà de son impact médiatique, boucle un nouvel épisode dans la longue histoire des relations entre ces deux plus anciennes monarchies du monde.

Relations que l’on peut qualifier de quasi-millénaire, car la première ambassade entre les deux nations remonte au 13e siècle, quand le roi Jean d’Angleterre (1167-1216) envoya une ambassade auprès du sultan almohade Muhammad al-Nasir (1199-1213), sollicitant un soutien militaire et une alliance contre la France. Le roi Jean était confronté à une situation désastreuse dans laquelle la noblesse s’était révoltée contre lui. Il avait été excommunié par le pape et la France menaçait d’envahir l’Angleterre. L’ambassade composée de trois personnes était dirigée par Mgr Roger, et le roi Jean aurait proposé de se convertir à l’islam et de rendre hommage à Al-Nasir en échange de son aide. Al-Nasir, pris par la guerre en Andalousie aurait apparemment rejeté la proposition.

Il a fallu attendre quelques siècles encore pour qu’une véritable alliance s’opère, Selon Richard Hakluyt, citant Edmund Hogan, le dirigeant « Abdelmelech » (Abd al-Malik Saadi) portait « une plus grande affection pour notre nation que pour les autres à cause de notre religion (protestantisme), qui interdit le culte des idoles ». Son frère, Ahmad Al-Mansur reçut le ministre Rogers, envoyé par la reine Elizabeth pour résider au Maroc et obtenir des avantages pour les commerçants anglais.

Elizabeth était initialement réticente à développer un commerce d’armes avec le Maroc, de peur des critiques d’autres puissances chrétiennes. Les contacts toutefois se sont rapidement développés en une alliance politique à la suite de nouveaux échanges diplomatiques entre Élisabeth I et le sultan Ahmad al-Mansur, après la défaite du Portugal à la bataille d’Oued Al Makhazin en 1578.

La reine Elisabeth d’Angleterre et le sultan marocain Ahmad al-Mansur avaient conclu des accords commerciaux fondés sur une hostilité réciproque à l’égard de Philippe II d’Espagne, qui combattait l’Angleterre lors de la guerre. En 1600, Abd el-Ouahed Ben Messaoud, secrétaire principal du souverain marocain Mulai Ahmad al-Mansur, se rendit en Angleterre en tant qu’ambassadeur à la cour de la reine Elizabeth I. Abd el-Ouahed Ben Messaoud passa six mois à la cour d’Elizabeth, afin de négocier une alliance contre l’Espagne. Le souverain marocain voulait l’aide d’une flotte anglaise pour envahir l’Espagne. Elizabeth refusa, mais accueillit l’ambassade comme un signe d’assurance et accepta plutôt de conclure des accords commerciaux. La reine Elizabeth et le roi Ahmad ont continué à discuter de divers plans d’opérations militaires combinées, Elizabeth demandant un paiement de 100.000 livres à l’avance au roi Ahmad pour la fourniture d’une flotte, et Ahmad demandant l’envoi d’un grand bateau pour récupérer l’argent. Les discussions restèrent toutefois peu concluantes et les deux dirigeants moururent dans les deux années suivant l’ambassade.
Dans ses lettres à Al-Mansur, Elizabeth a décrit pendant 25 ans les relations entre les deux pays comme étant « la plus grande amitié et la plus grande confiance entre nos deux nations » et signait ses lettres en tant que  » Votre sœur et votre parent selon la loi de la couronne et du sceptre ».

Plus tard, pendant la guerre des Trente années, sous le règne de Charles Ier, l’Angleterre a voulu obtenir l’aide militaire marocaine contre l’Espagne, le roi Charles avait espéré obtenir la coopération marocaine après l’attaque anglaise sur la ville de Cadix (1625) mais la campagne fut un désastre et a ruiné le prestige de l’Angleterre.

Lors de l’anarchie qui suivit la fin de l’empire saadien, où les différentes régions du Maroc étaient dirigées par des seigneurs de guerre, l’Angleterre a passé un accord avec un de ces chefs militaires locaux, le Leader Sidi M’hamed el-Ayachi pour obtenir son aide dans la liberté de captifs anglais, en échange de provisions et d’armes. L’Angleterre et El-Ayashi ont collaboré pour une durée d’environ 10 ans, comme dans la libération de la ville de Mehdia tenue par les portugais.

En 1632, la ville de Salé, le port majeur de la piraterie, est passée sous le contrôle d’El Ayashi suite à une opération conjointe entre un escadron anglais et des forces marocaines, permettant la pacification de la ville et la libération de prisonniers chrétiens.

Sous le règne de Moulay Ismail, les relations ont continué par l’envoi de Mohammed Ben Haddou en tant qu’ambassadeur du Maroc à la cour anglaise de Charles II. Mohammed Ben Hadou a passé six mois en Angleterre, lors d’une visite très commentée. En en 1720-1717, les ambassadeurs anglais John Windus et Charles Stewart ont visité le Maroc et ont réussi à signer un traité diplomatique. Des ambassadeurs marocains furent de nouveau envoyés en Angleterre en 1726 et en 1727, un nouveau traité fut signé par John Russel avec le successeur de Moulay Ismail.

Au 19e siècle, Edward Drummond-Hay et son fils John Drummond-Hay ont été consuls généraux britanniques à Tanger pendant des décennies, façonnant la politique du pays et sa survie lors des menaces coloniales en Afrique. Les accords anglo-marocains, également connus sous le nom de traités d’amitié anglo-marocaine, ont été signés le 9 décembre 1856, traités qui ont permis de prolonger l’indépendance du Maroc.

En plus de leur impact politique, ces relations intenses entre l’Angleterre et le Maroc auraient eu un impact direct sur les productions littéraires de l’époque anglaise, notamment les œuvres de Shakespeare ou La bataille de l’Alcazar de George Peele.

Les visites des ambassadeurs marocains ont probablement influencé la création des personnages de Shylock ou du Prince du Maroc dans Le Marchand de Venise. La légende suggère que la figure d’Abd el-Ouahed Ben Messaoud aurait pu inspirer le personnage du héros maure de Shakespeare, Othello.


whatsapp Recevez les actualités économiques récentes sur votre WhatsApp

Évolution des prix des fruits et légumes à Casablanca



Rejoignez LesEco.ma et recevez nos newsletters



Bouton retour en haut de la page