Maroc

Hugues Levecq : “Les immersions internationale et professionnelle sont essentielles »

ENSEIGNEMENT. LEARNIG BY DOING OU L’APPRENTISSAGE PAR LA PRATIQUE. Les immersions internationale et professionnelle, considérées comme de véritables accélérateurs d’apprentissage, sont une réalité chez l’École supérieure des sciences économiques et commerciales, l’Essec. Dans cette interview, Hugues Levecq, Deputy Dean ESSEC Afrique chez ESSEC Business School, revient en détail sur la pédagogie des différents formats d’immersion de la grande école de commerce et de gestion, censée enrichir rapidement l’expérience que vivent les étudiants et naturellement leur développement et leur apprentissage. 

Quels sont les piliers sur lesquels s’appuie l’Essec pour permettre à ses étudiants de confronter leur apprentissage et leurs acquis académiques ou théoriques à la réalité de l’entreprise ?
Aujourd’hui, les formations de l’ESSEC sont construites sur trois grands piliers. Un pilier académique, qui est très distinctif d’une institution comme l’ESSEC; un pilier international, qui implique la mobilité d’étudiants et l’immersion dans un environnement géographique, culturel et éducatif différents et la professionnalisation. Il s’agit également d’une autre forme d’immersion, où les étudiants sont amenés à passer de longues périodes en entreprise pour confronter leurs apprentissages et acquis académiques ou théoriques à la réalité de l’entreprise. De ce fait, les immersions internationale et professionnelle sont essentielles pour nous en tant que réel accélérateur d’apprentissage. Tout comme pour l’apprentissage d’une langue étrangère, à titre d’exemple, quand on immerge les gens dans un univers, ils apprennent tout de suite beaucoup plus rapidement. Par ailleurs, le fait d’alterner dans la pédagogie différents formats d’immersion, cela enrichit rapidement l’expérience que vivent les étudiants et naturellement leur développement et leur apprentissage.

Quelles sont les principales modalités sur lesquelles se base votre établissement en vue de faciliter l’accès aux stages à ses étudiants ?
C’est important et structurant dans nos programmes que les étudiants passent suffisamment de temps en entreprise, et ce, principalement dans le cadre de stages. En vue de faciliter à nos étudiants l’accès aux stages, on se base sur trois principales modalités. Une modalité d’accompagnement dans lequel on les prépare à réussir leur rédaction de CV, de lettres de motivation, savoir se présenter et se positionner pour des entretiens et mener une interaction efficace avec l’entreprise.

La deuxième modalité c’est notre axe de développement de la relation entreprise, au travers de partenariats ou de relations autres, comme des invitations sur le campus de façon à ce que les entreprises prennent conscience de l’existence de la prestigieuse ESSEC en Afrique, prennent connaissance de nos programmes et nous sollicitent lorsqu’ils ont des opportunités pour accueillir des étudiants en stage dans le cadre de la formation. La troisième c’est de faire venir les entreprises sur le campus pour les faire travailler avec les étudiants comme, par exemple, le Hackathon dans lequel on accueille des petites, moyennes ou grandes entreprises qui viennent avec des problématiques sur lesquels nos étudiants vont travailler pendant un certain temps. Ce qui crée un lien assez puissant entre les étudiants et les entreprises.

D’un côté cela permet aux entreprises de découvrir tout ce que nos étudiants peuvent leur apporter, de l’autre, cela crée l’envie chez les étudiants d’aller vers ces entreprises à travers des exercices. Finalement, ce type d’interaction représente un moyen très efficace pour faciliter l’insertion professionnelle de nos étudiants. Pour résumer, il s’agit à la fois d’un accompagnement des étudiants en leur fournissant les outils nécessaires en les orientant de manière cohérente vers leur projet professionnel, le relationnel avec tout le networking, les relations qu’on peut avoir avec les chambres de commerce, les groupements professionnels et directement avec les entreprises et enfin cette partie pédagogique où on fait venir les entreprises pour interagir avec nos étudiants.

Quels sont les outils que vous mettez à la disposition de vos étudiants au sein de votre établissement ?
Aujourd’hui, l’immersion dans le cadre de la pédagogie reste embryonnaire, mais en cours de développement. A l’ESSEC, un de nos piliers stratégiques est axé sur ce qui est digital et intelligence artificielle. L’ESSEC est en train de développer des outils qui permettront aux étudiants de pouvoir vivre des expériences pédagogiques de façon complètement immergée. Ce qui va être décliné au travers de cas pratiques dans lesquels les étudiants pourront être immergés dans l’entreprise, bouger au sein de l’entreprise et interagir avec des acteurs de l’entreprise dans le cadre d’un travail sur un cas pratique. Il s’agit d’outils toujours en cours de développement, mais sur lesquels nous avons beaucoup d’espoir de pouvoir les utiliser prochainement. C’est plutôt orienté vers l’immersion dans des espaces qui sont différents de l’espace pédagogique classique. On n’envisage pas nécessairement de les utiliser pour recréer des classes virtuelles, mais plutôt pour plonger l’étudiant dans un espace différent de celui du campus.

Le digital joue un rôle important dans l’apprentissage immersif. Quelle est la place des outils digitaux dans votre dispositif d’enseignement pratique ?
On s’appuie énormément sur le digital et, de plus en plus aujourd’hui, de façon basique, pour les outils, mais aussi pour nous permettre de faire intervenir, dans la pédagogie, des personnes très éloignées. Nous avons eu, par exemple, lors d’un cycle de conférences, la possibilité d’échanger avec Muhammad Yunus, lauréat du prix Nobel, qui est intervenu et qui a beaucoup partagé avec nos étudiants. Nous admettons qu’il n’aurait jamais pu venir s’il n’y avait pas eu cette modalité de distanciel qui nous a permis de réaliser cette interaction. L’idée c’est d’aller développer des outils dans lesquels les étudiants vont être véritablement immergés tout en gardant la possibilité de communiquer entre eux. C’est s’appuyer sur ce qui se développe aujourd’hui autour du métavers pour avoir des outils pédagogiques que les étudiants pourront utiliser. Il s’agit d’un élément essentiel pour enrichir l’expérience pédagogique, accélérer l’apprentissage et faire vivre des expériences uniques aux étudiants qu’ils ne pourront pas vivre autrement.

Quel est le montant des investissements humains et financiers consentis jusqu’ici par votre établissement pour promouvoir le développement de la formation pratique ?
Les moyens sont véritablement répartis sur plusieurs postes, nous avons un service “carrière” qui accompagne les étudiants sur la partie réflexion dans leur projet professionnel mais aussi sur la partie relationnelle avec les entreprises. Nous avons une partie plus technique et digitale qui nous a permis d’équiper nos salles, pour la mise en place de cours et d’interactions en distanciel. Et également une partie recherche et pédagogie qui développe de nouveaux outils, basés sur des technologies et sur l’immersion pour pouvoir les proposer dans le cadre des cours, que ce soit des cours de formation initiale ou de formation continue auprès de nos apprenants.  Le montant de l’investissement lui-même est difficile à chiffrer parce qu’il y a, à la fois, les moyens humains, qui animent tout cela, et puis la dimension d’infrastructure, qui évolue, certes, avec un gros push au moment du Covid, où il a fallu s’équiper rapidement pour faire du distanciel. Mais il y a des investissements réguliers qui sont réalisés pour permettre le développement de ces autres outils.

À votre avis, est-ce que le Maroc est très conscient de l’importance d’intégrer la dimension comportementale dans ses enseignements et de faire en sorte que les diplômés soient capables de s’insérer au sein d’un tissu économique et dans l’entreprise ?
Pour permettre cela, le Maroc, comme beaucoup de pays, doit chercher à le faciliter et l’enrichir. Ce qui passe d’abord par des modalités contractuelles qui permettent aux étudiants d’aller passer du temps dans les entreprises, d’avoir des conventions de stage qui prévoient une couverture sociale. Au-delà de l’accueil des étudiants dans les entreprises, il faut chercher les modalités pour l’intensifier. On peut tout à fait envisager que les étudiants puissent passer de longues périodes dans l’entreprise en parallèle à leur apprentissage à l’université. Toutefois, plus les périodes sont longues, plus il faut envisager des schémas où l’étudiant est rémunéré. On peut parler de contrats d’apprentissage, qui sont différents des contrats de stage, et qui permettent aux étudiants de percevoir un salaire, voire aux entreprises de contribuer aux frais de scolarité du parcours de l’étudiant. Cela permettrait aussi, dans le cadre d’une relation contractuelle plus longue, de mieux former les étudiants dans la durée et de les intéresser sur des problématiques plus riches et plus engageantes au sein de l’entreprise. C’est une modalité qui existe en France et ailleurs et qui fonctionne bien. Elle pourrait être déclinée de façon intéressante ici au Maroc. Mais clairement, le Maroc me semble très conscient de l’importance d’intégrer la dimension comportementale dans ses enseignements et de faire en sorte que les diplômés soient capables de s’insérer au sein d’un tissu économique et dans l’entreprise. Il y a une vraie prise de conscience avec une volonté de développer cette dimension-là. Le cran d’après c’est de permettre, au travers d’un cadre juridique, aux entreprises d’accueillir les étudiants, voire de contribuer au financement de leurs études, et ce, dans le cadre d’une relation plus longue et plus engagée.

Khadim Mbaye / Les Inspirations ÉCO


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