Maroc

Grèves : les mouvements “privés” ne résonnent pas

Entre grèves et manifestations qui s’étendent à plusieurs secteurs d’activité, le Maroc bouillonne. Mais entre mouvements revendicatifs à caractère personnel et d’ordre public, la caisse de résonance ne retentit pas au même rythme.

Ces derniers temps, chaque nouveau jour apporte son lot de mécontentement. Les annonces de manifestations fusent de différents secteurs d’activité. Les mouvements de protestations se sont amplifiés au point de prendre des proportions plus denses qui se traduisent par des appels à entamer des grèves.

Toutefois, les motifs des contestations diffèrent en fonction des catégories revendicatrices. Rappelons que les avocats ont été les premiers à mener un mouvement pour contester les mesures fiscales inhérentes à leur activité. La retenue à la source stipulée dans le projet de loi de Finances a soulevé un tollé.

Après des manifestations devant le Parlement, les professionnels de la corporation ont entamé une semaine qui a duré plus d’une semaine, malgré l’entente avec l’exécutif sur une dérogation de la retenue à la source. Peu de temps après, c’est au tour des médecins et autres professions libérales de prendre le relais dans l’espoir de supprimer littéralement la retenue à la source qu’ils estiment une taxe de trop.

Toutefois, c’est pour une tout autre cause que les professionnels du transport routier ont gelé l’activité dans bon nombre de ports marocains pour protester contre la hausse des prix à la pompe qui frôlent les 17 DH le litre, ainsi que la cherté de la vie. Pour revendiquer une justice sociale, le front social marocain incite les citoyens à prendre part à la marche nationale prévue le 4 décembre prochain à Rabat.

L’ère est aux manifestationsAinsi, ce phénomène de protestation qui devient tentaculaire peut-il représenter une menace pour la stabilité de notre pays et le mouvement risque-t-il de s’aggraver? Pour le politologue Ahmed El Bouz, les actions menées sont d’ordre sectoriel et ne représentent pas un intérêt public. Et d’ajouter: «Ce mouvement de protestations s’est plus ou moins démocratisé depuis le 20 février.

Pour exprimer son mécontentement, il n’y a pas meilleur moyen que de porter sa voix. Or, pour les avocats et les médecins, à titre d’exemple, ces corporations cherchent un moyen de lutte et mènent un combat individuel à défaut d’absence d’instances représentatives», fustige-t-il.

En effet, le pouvoir coercitif des syndicats s’est estompé au fil du temps et leur force de frappe n’a plus son poids. Un lâcher de lest qui donne du fil à retordre aux différentes corporations qui se trouvent dénuées de toutes représentations sociales pour défendre leurs intérêts. Ne bénéficiant pas non plus de l’appui des partis de l’opposition, on n’est jamais mieux servis que par soi-même, comme dit l’adage. C’est ainsi que ces corps cherchent à constituer une force de lutte pour se faire entendre.

Sauf que pour cette catégorie les objectifs et les revendications sont spécifiques. «Les manifestations concernent une certaine catégorie de la population qui défend ses propres intérêts et non des intérêts communs ou publics, ce qui donne à ces manifestations ce caractère individualiste. La lutte n’est pas générale, elle est plutôt «privatisée». Ce qui n’attise pas la compassion des citoyens avec les causes défendues.

Pour revenir au cas des avocats et médecins, la vox populi ne retient en mémoire que le train de vie que mène cette catégorie, qui peut ne pas être le cas de tous. In fine, c’est l’intérêt général qui prévaut surtout que les syndicats se sont détachés de tout conformisme et ont trouvé des consensus avec le gouvernement», commente El Bouz. Ainsi, l’absence d’appui politique, syndical ou encore social pourrait éventuellement affaiblir le mouvement. L’impact n’est cependant pas étendu.

Selon le politologue, même si le mouvement engendre un arrêt de l’activité à l’échelle nationale, cela n’aura pas d’incidence sur l’économie. En revanche, lorsqu’il s’agit d’une activité liée au tissu économique tel que le transport, la donne change.

«Quand le mouvement s’étend aux secteurs vitaux pour l’économie, le comportement du gouvernement est tout autre puisque les revendications sont légitimes et d’intérêt public. L’exécutif tentera ainsi de trouver des solutions pour désamorcer la situation. Et c’est dans ces cas que le moyen de pression est plus fort et peut pousser le gouvernement à prendre des décisions», relate Ahmed El Bouz. Quoiqu’il en soit, le Maroc ne déroge pas à la règle car l’ère à l’échelle internationale est à l’incitation aux manifestations.

Ahmed El Bouz
Politologue

 

«Les manifestations concernent une certaine catégorie de la population qui défend ses propres intérêts et non des intérêts communs ou publics, ce qui donne à ces manifestations ce caractère individualiste. La lutte n’est pas générale, elle est plutôt «privatisée». Ce qui n’attise pas la compassion des citoyens avec les causes défendues. Pour revenir au cas des avocats et médecins, la vox populi ne retient en mémoire que le train de vie que mène cette catégorie, qui peut ne pas être le cas de tous. In fine, c’est l’intérêt général qui prévaut surtout que les syndicats se sont détachés de tout conformisme et ont trouvé des consensus avec le gouvernement».

Maryam Ouazani / Les Inspirations ÉCO


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