Gestion hydrique : le Maroc sur plus d’un front
En 2024, le secteur de l’eau au Maroc a fait face à une crise hydrique majeure, tout en réalisant des avancées significatives. Entre sécheresse persistante, investissements massifs dans le dessalement et modernisation des infrastructures, le pays s’engage vers une gestion durable de ses ressources.
2024 restera une année charnière pour le secteur de l’eau au Maroc, marquée par une crise hydrique sans précédent, des avancées technologiques significatives et des réformes structurelles. Alors que le pays continue de lutter contre les effets du changement climatique, les initiatives prises cette année témoignent d’une volonté de transformer les défis en opportunités pour garantir une gestion durable des ressources en eau.
Une crise hydrique exacerbée
L’année 2024 a commencé par une sécheresse persistante, avec une baisse de 30% des réserves d’eau dans les barrages par rapport à l’année précédente. Les précipitations ont diminué de 70% entre septembre 2023 et janvier 2024, réduisant le taux de remplissage des barrages à 23,2% en début d’année.
Cette situation a particulièrement affecté le secteur agricole dont les récoltes céréalières ont chuté de 60%, obligeant le Maroc à importer massivement pour répondre à la demande intérieure. Face à cette situation, le gouvernement a lancé un plan d’urgence incluant l’acquisition de 582 camions-citernes et 4.400 citernes fixes pour approvisionner les zones rurales et déficitaires. Ces mesures d’urgence ont souligné la nécessité de solutions structurelles pour garantir la sécurité hydrique à long terme.
Investissements massifs et innovations technologiques
Pour faire face à la crise, le Maroc a intensifié ses investissements dans le dessalement de l’eau de mer. En 2024, le pays comptait 16 stations de dessalement opérationnelles et 5 en construction, avec pour objectif de couvrir 50% des besoins en eau potable d’ici 2030. L’usine de dessalement d’Agadir, l’une des plus grandes de la région, produit 275.000 m³ d’eau par jour, jouant un rôle clé dans l’approvisionnement en eau potable et l’irrigation agricole.
Le Maroc a également adopté des technologies avancées comme l’osmose inverse et l’électrodialyse, tout en intégrant des énergies renouvelables pour réduire l’impact environnemental. La station de dessalement de Sidi Rahal, près de Casablanca, est un exemple phare de cette approche. Avec une capacité de 300 millions de m³ par an, elle sera la plus grande d’Afrique et utilisera des énergies renouvelables pour minimiser son empreinte carbone.
Modernisation des infrastructures hydrauliques
Le Programme national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation (PNAEPI) 2020-2027, doté d’un budget de 143 milliards de dirhams, a été au cœur des efforts pour moderniser les infrastructures hydrauliques. En 2024, cinq nouveaux barrages (M’dez, Fask, Agdez, Toudgha et Tiddas) ont commencé à être remplis, et 17 autres sont en construction pour renforcer les 154 barrages existants.
Cependant, des retards ont été enregistrés dans certains projets, notamment en raison de résiliations de marchés (Rapport 2023-2024 de la Cour des Comptes).
L’interconnexion des bassins hydrauliques a également progressé, avec la mise en service du projet reliant Sebou et Bouregreg en 2023. D’autres initiatives, comme l’interconnexion des barrages Oued El Makhazine et Dar Khrofa, avancent à un rythme soutenu. Ces projets visent à optimiser la répartition des ressources en eau et à réduire les disparités régionales.
Transition vers une agriculture résiliente
La crise hydrique a mis en lumière la nécessité de réformer le secteur agricole, qui consomme 60% des ressources en eau du pays. En 2024, le Maroc a intensifié ses efforts pour promouvoir l’irrigation localisée, avec l’objectif d’équiper 1 million d’hectares. Cette technologie permet de réduire les pertes d’eau et d’améliorer l’efficacité de l’irrigation.
Cependant, des experts soulignent que l’irrigation localisée doit être accompagnée d’une réduction des allocations d’eau pour éviter une surexploitation des ressources. Parallèlement, le Maroc a diversifié son modèle agricole en se tournant vers des cultures plus résistantes à la sécheresse, comme les avocats, les concombres et les pastèques. Ces cultures, bien que gourmandes en eau, ont atteint des records de production en 2024, contribuant à la croissance des exportations agricoles.
Sensibilisation et gouvernance
La gestion de l’eau au Maroc a également été marquée par des efforts de sensibilisation et de renforcement de la gouvernance. Des campagnes nationales ont été lancées pour promouvoir des pratiques responsables de gestion de l’eau, notamment l’irrigation goutte-à-goutte et la réduction des pertes dans les réseaux de distribution. Le ministère de tutelle insiste sur la nécessité d’adopter une approche sobre et responsable par rapport à l’eau.
La Cour des Comptes, dans son rapport annuel, a souligné les défis persistants, notamment la surexploitation des eaux souterraines et la réutilisation limitée des eaux usées traitées. Elle a recommandé une approche intégrée et multisectorielle pour optimiser la gestion des ressources en eau, en renforçant les synergies entre les secteurs de l’eau, de l’énergie et de l’agriculture.
Perspectives pour 2025 et au-delà
Alors que 2024 s’achève, le Maroc se prépare à relever les défis de l’année à venir. Les priorités incluent l’accélération des projets de dessalement, la modernisation des infrastructures hydrauliques et la transition vers une agriculture plus résiliente.
Le Plan national de l’eau (PNE), dont une étude d’actualisation est lancée en 2024, établit une stratégie sur 30 ans pour améliorer la productivité des réseaux à 80% d’ici 2030 et augmenter la réutilisation des eaux usées traitées. Le leadership de SM Roi Mohammed VI a été un moteur clé dans cette transformation.
Dans ses discours, il a insisté sur la nécessité d’une gestion sobre et responsable de l’eau, guidant les politiques publiques et les investissements dans le secteur.
Mehdi Idrissi / Les Inspirations ÉCO