Gestion du tourisme national : pourquoi une loi-cadre devient nécessaire
Dans son dernier avis portant sur la relance du tourisme national, le Conseil économique, social et environnemental a considéré que la clarification des attributions des opérateurs et des organismes publics dépend d’une refonte légale majeure. L’activation de la Charte marocaine du tourisme durable reste aussi un préalable, en plus de la promotion du dialogue social.
Parmi les recommandations phares formulées par le Conseil économique, social et environnemental (CESE) dans son avis rendu en début de semaine sur la relance de l’activité touristique figure l’élaboration d’un projet de loi-cadre pour le secteur. La proposition tire sa légitimité des constats majeurs qui ont été dégagés par le Conseil dans son rapport, notamment celles relatives au volet de la gouvernance. En effet, la problématique posée par la cohérence des orientations prises par les intervenants du secteur s’est accentuée depuis le déclenchement de la crise sanitaire.
Aujourd’hui, plus que jamais, la mise en œuvre de la Vision 2030 semble quasiment impossible. En proposant l’initiation du chantier de loi-cadre, le CESE s’attend à ce que les concertations pouvant en découler aident à fédérer l’ensemble des intervenants autour d’une stratégie claire avec des responsabilités précises pour les opérateurs et les organismes publics. C’est ainsi que dans son rapport, le Conseil a fait de ce point l’un des pré-requis de la relance du secteur, insistant sur la nécessité d’une gouvernance intégrée et efficace. Pour ce faire, la loi-cadre du tourisme clarifierait les attributions des opérateurs, des institutions publiques et du tissu associatif et permettrait la refonte de la réglementation ayant une incidence sur les voyages et le tourisme. Pour le CESE, il en va du repositionnement du secteur. La loi-cadre proposée devrait «promouvoir une planification stratégique intégrée, impliquant une convergence des moyens et des ressources et un suivi-évaluation pour toute la chaîne de valeur, moyennant l’activation de la haute autorité du tourisme chargée du pilotage et du suivi-évaluation», souligne le Conseil.
Une nouvelle ingénierie légale
En plus de la mise à jour du cadre légal du secteur, la vision du CESE met en avant l’importance d’instaurer des instances régionales en conformité avec le découpage administratif actuel et d’assurer une meilleure synergie entre l’Office national marocain du tourisme (ONMT) et la Société marocaine d’ingénierie touristique (SMIT). La loi-cadre devra surtout éclairer davantage l’investisseur sur les opportunités offertes par le secteur du tourisme, et ce, à travers «la révision du rôle et des prérogatives de l’Observatoire du Tourisme en se focalisant sur la veille stratégique ainsi que la modernisation du compte satellite du tourisme et sa tenue à jour». Le contexte actuel impose également d’amender la Charte marocaine du tourisme durable, «en garantissant la convergence entre les responsabilités des acteurs, l’attractivité des destinations et la cohésion sociale», insiste le Conseil. Cette charte devrait s’aligner sur les priorités des Objectifs de développement durable (ODD), de l’agenda 2030 et des stratégies nationales en matière de développement durable. D’autre part, la promotion du dialogue social dans le secteur est un point tout aussi crucial à prendre en compte dans la loi-cadre recommandée par le CESE. Il s’agit de «donner la priorité à l’emploi décent et la généralisation du système de protection sociale aux travailleurs touristiques et la protection des travailleurs informels occupant des emplois précaires», comme l’explique le rapport du Conseil. La feuille de route légale, telle que préconisée par le CESE, se focalise également sur le lancement d’une nouvelle génération de décrets qui seraient alignés avec les exigences de la concurrence des marchés extérieurs, en s’appuyant sur la veille stratégique et l’innovation technologique. «La normalisation est un élément nécessaire pour accompagner l’offre nationale dans sa mise en conformité avec les standards des marchés internationaux en termes de durabilité, de convergence, de sécurité sanitaire et de qualité», précise le CESE.
Le challenge des régions
Un appel insistant a été émis par le CESE en vue d’impliquer les Conseils des régions dans le plan de relance de l’activité touristique nationale. «La régionalisation avancée et la Charte de la déconcentration constituent une opportunité pour équilibrer le développement du tourisme entre territoires et destinations », indique le Conseil, qui recommande de mettre en corrélation les stratégies nationales du tourisme, de la culture, de l’artisanat, de la jeunesse et sport et du développement durable et d’en assurer la déclinaison territoriale. L’adhésion des Conseils régionaux pour concrétiser les objectifs du plan de relance aura, dans ce cadre, pour portée d’élaborer des plans de développement pour les différents territoires, en phase avec les stratégies régionales du tourisme durable. Il s’agit en définitive d’instaurer une nouvelle vision de la promotion du tourisme national, fondée sur les spécificités des territoires et les avantages comparatifs des régions.
Younes Bennajah / Les Inspirations Éco