Gestion de la crise sanitaire : des marchés surfacturés ?
Le verdict de l’Inspection générale des finances, qui se penche actuellement sur le dossier de la légalité des marchés publics conclus par le ministère de la Santé pour gérer la crise sanitaire est très attendu. Même s’il a défendu bec et ongles les choix de son département, Khalid Ait Taleb n’est pas parvenu à convaincre les députés de la commission des secteurs sociaux.
Le département de Khalid Ait Taleb, a-t-il agi dans la transparence et respecté les procédures en vigueur dans la passation des marchés publics relatifs à la pandémie de la Covid-19 ? La question demeure en suspens même si Ait Talet a défendu bec et ongles, devant les députés, les choix de son département. Le ministre de la Santé n’a pas visiblement réussi à convaincre une grande partie des parlementaires tant de la majorité que de l’opposition. Ces derniers, d’ailleurs, n’ont pas ménagé le ministre tant ce dossier est sensible et qu’il fait couler beaucoup d’encre. En tête des critiques, le contrat Masterlab, jugé surfacturé au Maroc pour l’achat des tests sérologiques auprès d’Abbott (212 millions de dirhams), comme l’a laissé entendre le député du RNI, Noureddine Lazrek. Un million de tests de dépistage «IgG» ont été acquis à 99 DH l’unité, et un million de tests «IgG et IgM» ont été achetés à 77 DH l’unité, selon le ministre. Des montants jugés exorbitants pour ces tests qui ont été vendus à moitié prix par Abbott à la France. À cet égard, le ministre de la Santé appelle à contextualiser l’évaluation de l’attribution de ces marchés publics, précisant qu’au début de la crise, il fallait agir dans l’urgence pour se positionner sur le marché international et acquérir le matériel nécessaire permettant au Maroc de gérer la pandémie.
Les marchés ont été conclus en vertu du décret n° 2.12.349 du 20 mars 2020, ainsi que le décret 2.20.270 du 16 mars 2020. Selon le responsable gouvernemental, grâce au processus de négociation avec les entreprises, le ministère a pu acquérir les matériels et les équipements à un coût inférieur au coût estimé, puisque 83% de ces marchés ont permis d’économiser 20% du coût. En dépit de cet argument, les parlementaires restent sceptiques. Quant à Ait Taleb, il assure que le ministère de la Santé est prêt à rendre des comptes en cas de dysfonctionnements avérés. Mieux, les responsables sont prêts à faire des déclarations de patrimoine après la gestion de la pandémie. Une chose est sûre, la gestion de la crise sanitaire est jugée chaotique par les parlementaires après la sortie du confinement. Des inquiétudes sont, en effet, affichées quant à la capacité du système national de santé à résister face à la hausse des cas de contamination à la Covid-19. Ait Taleb rassure, soulignant que la situation est certes inquiétante, mais qu’elle reste maîtrisable. En effet, on enregistre moins de 250 cas graves pour 1.800 lits en réanimation. La recrudescence des contaminations s’explique, selon le ministre, par «la mobilité» des citoyens pendant les vacances et l’Aïd Al Adha.
Optimiser les ressources
Maintenant, le défi est de doter le secteur de la santé de plus de ressources pour faire face à la crise sanitaire. À ce titre, le gouvernement est très attendu pour augmenter le budget du secteur dans la loi de Finances de 2021. L’Exécutif va-t-il répondre au voeu des parlementaires ? Rien n’est moins sûr. On s’attendait à ce que le budget de la santé soit considérablement augmenté dans le cadre de la loi de Finances rectificative. Mais cet espoir s’est vite envolé, laissant place à plusieurs questions en suspens : le secteur de la Santé, est-il une priorité au Maroc? Pourquoi n’a-t-il bénéficié que de 2 MMDH du Fonds de lutte contre la Covid-19, alors que les besoins sont énormes en cette conjoncture marquée par la crise sanitaire ?
Les députés comptent peser de tout leur poids pour que le secteur soit prioritaire dans le prochain budget afin de mettre fin aux dysfonctionnements. Pour le ministre de la Santé, on ne peut combler les lacunes et régler les défaillances dont pâtit le secteur qu’en procédant à la refonte du système. Khalid Ait Taleb a une vision claire du projet de réforme du secteur de la santé qui doit passer inéluctablement par la mise en place d’une stratégie qui prend en considération la régionalisation avancée afin de pouvoir gérer les formations, les recrutements et les investissements.
Des cartes régionales de la santé s’imposent pour lancer un nouveau système basé sur la contractualisation au niveau régional avec l’ensemble des acteurs régionaux (les partenaires sociaux, les politiciens ainsi que les secteurs public, semi-public et privé). Cette approche va permettre de mieux cerner les besoins en fonction des spécificités de chaque région. S’agissant de la problématique de l’insuffisance des ressources humaines, l’enjeu pour Khalid Ait Taleb est de mettre fin au cloisonnement entre le secteur public et le secteur privé, de donner un coup de fouet au partenariat public-privé et de pouvoir acheter des prestations de soins au secteur privé à l’instar de ce qui est fait pour la dialyse. À cela s’ajoute la nécessité d’adopter un nouveau statut pour la fonction publique médicale afin que le secteur public soit attractif pour les médecins et pour stopper la fuite des cerveaux. Quelque 14.000 médecins marocains exercent à l’étranger dont 7.000 en France. Pour les inciter à revenir au Maroc et attirer les meilleures compétences, un nouveau système d’incitation doit être mis en place.
Vaccins anti Covid-19 : Ait Taleb passe commande
Le ministre marocain de la Santé, Khalid Ait Taleb, a signé en fin de semaine dernière, via visioconférence, un mémorandum d’entente pour l’acquisition de vaccins anti Covid-19 produits par la Société «R-Pharm», sous licence du groupe «AstraZeneca». Faut-il le rappeler, le Maroc se positionne au 38e rang dans le monde et 3e en Afrique en ce qui concerne le nombre de contaminations, 44e mondialement et 4e en Afrique pour ce qui est du nombre des décès liés au Covid-19 et 32e au niveau mondial et 2e en Afrique en ce qui concerne le nombre de tests effectués.
Jihane Gattioui / Les Inspirations Éco