Maroc

Généralisation de la protection sociale : quid du défi de la mise en œuvre ?

La vision de la généralisation de la protection sociale est désormais tracée avec un calendrier précis, mais il reste à réussir le défi de la mise en œuvre de ce projet de société qui nécessite la mobilisation d’énormes ressources humaines et financières. Les enjeux sont de taille : assurer la pérennité financière du système, mobiliser et former les cadres médicaux, améliorer la gouvernance du système…

La généralisation de la protection sociale à l’ensemble des Marocains est un chantier ambitieux, salué de toutes parts, mais qui nécessite des préalables pour être mené à bien. La mise en œuvre de ce projet de grande envergure constitue, en effet, un enjeu de taille, comme l’ont souligné les députés qui viennent d’interpeller le chef de gouvernement, Saad Dine El Otmani, sur ce dossier. Des inquiétudes planent, en effet, sur l’implémentation de ce chantier, et l’on ne veut pas revivre les scénarios d’autres réformes et programmes qui ont été lancés en grande pompe, sans jamais pouvoir atteindre les objectifs escomptés. Il s’agit notamment du Régime d’assistance médicale (RAMED), miné depuis son lancement par plusieurs maux liés à ses ressources et à sa gouvernance, l’empêchant d’atteindre les objectifs tracés tant sur le plan quantitatif que qualitatif. Le gouvernement a-t-il les moyens de remédier à tous les dysfonctionnements qui pourraient entraver la généralisation de la protection sociale d’ici 2025, d’autant plus que certaines insuffisances sont structurelles ? C’est une question que se posent, avec insistance, les élus de la nation. En matière de couverture médicale, la problématique du déficit en ressources humaines se pose avec acuité. Les besoins, rappelons-le, se chiffrent à 97.566 professionnels, soit 32.522 médecins et 65.044 infirmiers. Si ce problème n’est pas résolu, la généralisation de la couverture médicale n’aura aucun effet sur le terrain, à l’instar de ce qui s’est passé pour le RAMED.

En l’absence de ressources humaines suffisantes, la grande pression sur les établissements hospitaliers aura un impact sur les listes d’attente et les rendez-vous. Dans un premier temps, le gouvernement compte s’attaquer à ce problème en ouvrant la porte aux médecins étrangers. Pour ce faire, la loi relative à l’exercice de la médecine sera bientôt révisée et adoptée par le Conseil de gouvernement avant que le texte ne soit transféré au Parlement.

D’ailleurs, c’est la seule option possible, dans l’immédiat, car l’augmentation du nombre des médecins marocains ne sera réalisable que dans quelques années, même si on augmente la capacité d’accueil des facultés de médecine dès la prochaine rentrée universitaire. Le gouvernement est, de fait, appelé à plancher sur la formation des cadres médicaux dès à présent. El Otmani s’est voulu rassurant à cet égard, indiquant qu’un plan de formation médicale intégré, qui a été préparé en concertation avec l’ensemble des acteurs concernés, sera bientôt annoncé.

Certains députés estiment que l’option des médecins étrangers ne doit être qu’une mesure transitoire et temporaire. Pour eux, le système national doit compter sur ses propres compétences nationales, qui incluent les milliers de médecins qui exercent sous d’autres cieux alors qu’ils ont été formés au Maroc. Néanmoins, il s’avère difficile de limiter la fuite des cerveaux et d’inciter ceux qui ont se sont expatriés à revenir exercer dans leur pays, vu le manque d’attractivité de la fonction publique pour les médecins. Ainsi, l’élaboration d’un statut spécial pour la fonction publique de la santé est en cours d’élaboration pour que les rémunérations des cadres médicaux soit à la hauteur de leurs aspirations.

Durabilité des financements
La question du financement du système risque d’être un frein majeur à la mise en œuvre de la réforme qui nécessitera, selon le gouvernement, 51 MMDH par an. Les députés mettent notamment en garde contre le risque qui plane sur la pérennité financière des caisses, en l’absence d’une étude actuarielle. À ce titre, le gouvernement est appelé à éviter les erreurs du passé afin de pouvoir réussir à implémenter l’ensemble des objectifs dans les délais impartis. La durabilité du financement du système ne peut être assurée, d’après nombre de parlementaires, qu’en intégrant le secteur informel dans l’économie formelle et en donnant un coup de fouet à l’emploi. Par ailleurs, la réforme de la protection sociale reste tributaire de l’amélioration de la gouvernance du système qui est fragmenté et caractérisé par des chevauchements et des dysfonctionnements qui affectent son efficience. Le gouvernement entend plancher sur ce volet à travers la mise en place de plusieurs mécanismes, dont celui ayant trait à l’amélioration du ciblage de la population. C’est dans ce cadre que s’inscrivent le registre social unifié et le registre national de la population qui permettront de mettre en place des mécanismes unifiés d’enregistrement et de ciblage des citoyens sur la base d’un système de points. Ces deux outils sont indispensables pour s’assurer de la véracité des données déclarées par les bénéficiaires des programmes de soutien. Cependant, ils ne seront lancés qu’à partir de 2022 dans le cadre d’une expérience pilote dans la région de Rabat-Salé-Kénitra, avant une éventuelle généralisation entre 2023 et 2025. C’est dire que le chemin demeure encore long. 

La régionalisation du système s’impose

Le gouvernement mise sur la dimension régionale pour la généralisation de la couverture médicale. La concrétisation de cet objectif passe notamment par l’élaboration d’une carte de santé régionale qui permettra de résoudre plusieurs problématiques avec l’implication des acteurs locaux et régionaux. A cela, s’ajoutent le développement du programme de la «santé mobile» en milieu rural ainsi que la nécessité d’activer le programme médical régional tant au niveau des investissements que des recrutements. Les nouveaux investissements étrangers devront, eux, prendre en considération les disparités régionales, selon les députés. Quant aux recrutements dans les régions les plus reculées, le problème ne pourra être résolu, d’après le député du PPS Rachid Hammouni, qu’en lançant le service sanitaire obligatoire qui a suscité un tollé lorsqu’il a été proposé par l’ancien ministre de la Santé, El Haussaine El Ouardi. La nouvelle approche régionale permettra de mieux cerner les besoins en fonction des spécificités des régions, et chacune d’entre elles devra être indépendante dans le domaine de la santé. L’implication des collectivités territoriales, surtout les conseils régionaux qui sont dotés de compétences relatives au secteur de la santé, permettra également d’améliorer la gouvernance du système et de renforcer l’accès aux services de santé de manière équitable et équilibrée sur le plan territorial.

Jihane Gattioui / Les Inspirations Éco


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