Maroc

Formation des élus : encore des progrès à faire

Le tiers des députés fraichement élus n’ont pas un niveau d’enseignement supérieur. La Chambre basse compte des députés qui n’ont aucun niveau d’instruction, même si leur taux est faible. Au niveau des collectivités territoriales,  le constat n’est pas non plus reluisant surtout au niveau des communes.

Les profils des élus de 2021 sont-ils différents de ceux qui siégeaient au cours du précédent mandat dans les différentes institutions représentatives ? Les partis politiques ont-ils mieux fait, cette fois-ci, en matière d’accréditation des candidats ? Rien n’est moins sûr au vu des données officielles que vient de livrer le ministère de l’Intérieur. En ce qui concerne la Chambre des représentants, 27,59% des députés fraichement élus ont un niveau d’étude secondaire et 5,32% ont un niveau d’études primaires contre 4,56% lors du précédent mandat.

Ainsi, le tiers des élus de la nation n’ont pas un niveau d’enseignement supérieur contre le quart lors du précédent mandat. Ceux qui ont un niveau d’enseignement supérieur représentent 66, 33 %. Il reste un taux de 0,8 % des représentants qui n’ont même pas le certificat d’études primaires, soit 3 députés, selon nos calculs. La dixième législature comptait 1,27% des députés sans aucun niveau d’instruction, soit cinq parlementaires. Ils seraient analphabètes, selon un député blanchi sous le harnais. En somme, le changement espéré en matière du niveau d’instruction des députés n’a pas été au rendez-vous.

L’inadéquation des profils des parlementaires avec la nature de l’action parlementaire a toujours été vertement critiquée par les observateurs qui estiment qu’il ne faut pas badiner avec l’avenir des Marocains car le parlement fait passer des lois de la plus haute importance ayant un impact direct sur la vie des citoyens. Les députés sont en effet appelés à élaborer et à adopter des législations justes et équitables. Or, il s’avère difficile pour un parlementaire analphabète ou ayant un faible niveau d’instruction d’examiner et de discuter les lois et de les marquer de son empreinte.

Et bien qu’il soit assisté par des experts, il ne serait pas en mesure d’assumer sa mission de législation qui nécessite de grandes capacités d’analyse. Il faut dire que parfois même les parlementaires les plus instruits se sentent désarmés face à certains textes qui nécessitent des connaissances approfondies comme le projet de budget qui trace la ligne économique du pays pendant toute une année voire plus. Un constat qui s’applique aussi sur le plan du contrôle du gouvernement et celui de l’évaluation des politiques publiques qui nécessitent un examen minutieux des dossiers.

La diplomatie parlementaire exige aussi des profils hautement qualifiés. Le conseil économique, social et environnemental, rappelons-le, épingle les députés à cet égard en pointant le problème de la maitrise des langues étrangères par les parlementaires. Ce problème constitue, selon le Conseil économique social et environnemental (CESE), un facteur de blocage, dans la mesure où il entrave la possibilité de faire de la diplomatie parlementaire une diplomatie d’influence, notamment dans les groupes d’amitiés.

Au niveau des collectivités territoriales, le constat n’est pas non plus reluisant surtout au niveau des communes. La répartition des élus communaux par niveau d’instruction montre que 10,3% d’entre eux n’ont aucun niveau d’instruction, soit une légère amélioration par rapport à 2015 (15,11%). 33,3% d’entre eux ont un niveau d’enseignement secondaire et 27,12% ont un niveau d’instruction primaire. Ceux qui ont un niveau d’enseignement supérieur ne représentent que 29,27% au sein de nos communes.

Pourtant, ces collectivités territoriales sont appelées à jouer un rôle de la plus haute importance en matière de développement local et nécessitent, ainsi, des profils d’élus pointus pour pouvoir redresser les dysfonctionnements et tracer des stratégies efficaces adaptées aux spécificités locales. S’agissant des conseils régionaux, presque le tiers des élus n’ont pas un niveau d’instruction supérieur. 24,48 % des élus régionaux ont un niveau d’enseignement secondaire et 7,52 % ont un niveau d’études primaires.

D’aucuns soulignent que le profil des élus régionaux n’est pas complètement en phase avec les objectifs de la mise en œuvre de la régionalisation avancée. Les données officielles devront interpeller les dirigeants politiques à l’heure où le Maroc tend à donner un coup de fouet à la régionalisation avancée et à la déconcentration administrative. L’évolution escomptée de ces deux chantiers reste tributaire de la qualité des élus locaux et régionaux qui sont appelés à améliorer la gouvernance locale et le développement territorial qui est un choix stratégique irréversible.

Fallait-il imposer dans la loi un certain niveau d’instruction pour les candidats aux élections ?
Techniquement, il s’avère difficile de l’imposer, selon les professeurs du droit constitutionnel. Cette responsabilité revient plutôt aux partis politiques. L’expérience montre encore une fois que la plupart des formations partisanes ne sont pas très exigeantes quant au niveau d’instruction de leurs candidats et privilégient plutôt les cartes gagnantes capables d’élever leurs scores aux élections. C’est uniquement au niveau des candidatures bénéficiant du système du quota au niveau des élections législatives que les accréditations prennent visiblement en considération le niveau d’études des candidats: 88,89% des députées des listes régionales ont un niveau d’instruction supérieur contre 94,44 % pour les parlementaires de la liste nationale de 2016.

Représentation féminine : le plafond de verre résiste

La représentation féminine au niveau de la Chambre basse n’a pas atteint le tiers, comme espéré. Le pourcentage des femmes parlementaires ne représentent que 24,3 %. Six femmes uniquement ont percé au niveau des circonscriptions législatives locales. Celles-ci restent un bastion masculin malgré les promesses des partis politiques. Au niveau des communes, la présence féminine ne dépasse pas 26,64 % malgré les mesures mises en place pour booster la représentativité des femmes au niveau local. Ce pourcentage a, certes, augmenté par rapport au taux de 21,18 % enregistré aux élections de 2015, mais il s’agit d’une légère amélioration qui n’est pas à la hauteur des aspirations du mouvement féminin. Les femmes ont mieux percé au niveau des élections régionales. Le pourcentage de la représentativité féminine au niveau des conseils régionaux dépasse le tiers : 38, 5 %. Il s’agit presque du même taux enregistré en 2015 (37,61 %). En ce qui concerne le rajeunissement des instances élus, aucun grand changement n’a été enregistré. 8,35 % des députés ont moins de 35 ans contre 9,87 % en 2016. Au niveau des élus communaux, les élus âgés de moins de 35 ans sont de 20,83 % soit une légère augmentation par rapport à 2015 ( 19,6%). Sur le plan des conseils régionaux, le taux des jeunes est inférieur aux autres instances élus. Les élus régionaux âgés de moins de 35 ans ne représentent que 12,39 % contre 10,32 % en 2015.

Jihane Gattioui / Les Inspirations ÉCO



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