FORAF : le développement territorial au coeur du Forum des Régions d’Afrique
Avec la participation de 85 présidents de régions africaines issues de 20 pays, la ville de Saidia a accueilli, du 8 au 10 septembre, les travaux de la première rencontre du Forum des Régions d’Afrique (FORAF). Une occasion d’échanger sur leurs expériences en matière de développement territorial.
La ville de Saidia a accueilli, du 8 au 10 septembre 2022, les travaux de la première rencontre du Forum des Régions d’Afrique (FORAF). Cet événement a connu la participation d’une vingtaine de pays d’Afrique adoptant un système décentralisé. Sous le thème «La contribution des Collectivités régionales au développement durable et à la dynamique d’intégration de l’Afrique», cette rencontre, tenue sous le Haut Patronage de SM le Roi, a été organisée par l’Association des Régions du Maroc (ARM), en collaboration avec l’organisation Cités et Gouvernement locaux unis d’Afrique (CGLU Afrique), et le Conseil régional de l’Oriental, avec le soutien du ministère de l’Intérieur (Direction générale des collectivités territoriales -DGCT-).
Les ateliers organisés à cette occasion, qui ont connu la présence de plus de 85 présidents de régions africaines, ont abordé plusieurs grandes thématiques, dont le découpage territorial, les défis climatiques, la gestion des ressources financières et humaines et les enjeux du développement économique et social. Lors de la première journée, les participants ont souligné le rôle de ces collectivités territoriales dans la promotion du développement durable et de la dynamique d’intégration et de gouvernance en Afrique. Ils ont mis l’accent sur la nécessité de renforcer le leadership régional au service de la paix, de la sécurité et de la gouvernance démocratique.
S’exprimant à l’ouverture des travaux, le président de la Région de l’Oriental, Abdenbi Bioui, a appelé à faire du FORAF une plateforme de dialogue entre les régions et un mécanisme de défense de leurs intérêts. «Face aux effets économiques de la pandémie de Covid-19, la crise climatique, la fuite des cerveaux, ainsi que les disparités grandissantes causées par la révolution technologique, la délivrance passe inévitablement par la réalisation des objectifs de développement durable, l’intégration et l’investissement des ressources africaines en faveur des Africains en premier lieu», souligne Bioui.
Pablo Jurado, président du Forum des régions des Cités et gouvernements locaux unis (CGLU), a précisé que le rapprochement des questions telles que la pauvreté, la santé, l’éducation, les droits de l’homme et du travail, le changement climatique et le développement économique et autres, constitue une contribution concrète à la génération de politiques publiques qui visent à améliorer l’exercice de la décentralisation. Pour lui, «la contribution des gouvernements régionaux aux dynamiques de développement durable et d’intégration en Afrique représente un défi lié à la compréhension des réalités vécues par les populations africaines ».
Les expériences des Régions africaines
Intervenant lors de cette cette rencontre, le gouverneur du Comté de Kisumu et vice-président de l’organisation CGLU Afrique pour l’Afrique de l’Est, Peter Anyang’ Nyong’o, a indiqué que la régionalisation porte la promesse d’un Kenya prospère et équitable en approfondissant la démocratie locale, en favorisant l’inclusion et en améliorant la prestation de services responsables. «Grâce à cette politique, les gouvernements des comtés ont fait des progrès dans la résolution des problèmes sociaux et économiques qui étaient auparavant négligés par le gouvernement central», a-t-il souligné, se félicitant de voir chaque comté relever ses propres défis par le biais d’un leadership participatif.
De son côté, le directeur général des Collectivités territoriales du Mali, Abdrahamane Cissé, a fait savoir que l’approche de la régionalisation dans son pays vise à renforcer le leadership des régions afin d’accroître leur performance dans le renforcement de la paix, la sécurité, la gouvernance démocratique et le développement durable. Pour lui, «cette approche permet une gouvernance qui donne confiance à la population, à travers un partenariat renforcé entre l’État et les collectivités territoriales, basé sur des principes primordiaux, à savoir l’indivisibilité du territoire national, la reconnaissance de la nature unitaire de l’État, la solidarité entre l’État et les régions, et la subsidiarité».
D’autres expériences africaines en matière de lutte contre le changement climatique ont été présentées lors de ce panel. Citons à ce titre l’expérience du conseil de la Région de Nouakchott en matière de gestion des risques naturels et humains, aggravés par les aléas climatiques et celle des gouvernements des États du Nigéria dans le domaine de la planification et du développement résilient au changement climatique, en tenant compte des problèmes de santé, de climat et de migration.
Modèle des Régions du sud, un cas d’école
Pour sa part, le président du Conseil de la Région Casablanca-Settat, Abdellatif Mazouz, a soutenu que l’objectif de la régionalisation est de confirmer la vocation de la région en tant que territoire et acteur majeurs d’un développement concerté, inclusif et durable sur les plans économique et humain. Pour lui, «la Région devient ainsi le lieu privilégié de déploiement et de convergence des politiques publiques, notamment des stratégies sectorielles, définies par l’État».
Évoquant l’expérience du Maroc en la matière, Mazouz a cité le cas des régions du Sud du Royaume après le déploiement d’un véritable modèle de développement dédié et géré par leurs instances territoriales. «Ce modèle commence à donner d’excellents résultats en termes d’accélération du développement des territoires», précise-t-il. S’agissant des défis à relever, il a souligné que chaque pays doit vivre sa propre expérience et l’adapter à ses spécificités. «Mais, entre nous, Africains, nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres. C’est l’objectif fondamental de notre forum», conclut Mazouz.
Développement d’une résilience face au changement climatique
Les intervenants à cette session ont souligné la nécessité de se doter des moyens humains et financiers nécessaires pour lutter contre les dérèglements climatiques, faire face aux aléas naturels et réduire les risques pour les sociétés. D’autres leviers ont été évoqués par les panélistes pour favoriser cette résilience, dont l’impératif d’étendre l’éducation climatique, sachant que seulement 23 à 66% de la population a entendu parler du changement climatique, connaît ses causes et ses conséquences.
Dans ce cadre, le secrétaire général du Groupe international des experts sur le climat (Suisse), Abdallah Moksit, s’est attardé sur les défis de la crise climatique et ses conséquences sanitaires et migratoires, soulignant que la bonne gouvernance et l’efficacité des institutions sont deux piliers essentiels pour l’efficacité de toute politique de lutte contre le changement climatique.
L’expert international a appelé aussi à adopter un cadre législatif favorable et une stratégie inclusive, équitable et intégrée, à renforcer la coopération transfrontalière et la concertation au sein des pouvoirs publics pour une adaptation au changement climatique fondée sur les écosystèmes et à financer le savoir, la recherche, l’encadrement, notant que seulement 3.8% des fonds de recherche mondiaux sont consacrés à l’Afrique.
La deuxième journée de cet événement a été marquée par la tenue de l’assemblée générale constitutive du FORAF, au cours de laquelle les membres ont procédé à l’élection du président et du bureau directeur, outre l’adoption du statut et de la feuille de route de ce forum, qui s’appuie sur les objectifs de développement durable 2030 et les objectifs fixés par l’Union africaine à l’horizon 2063. Il faut rappeler que l’organisation de ce forum s’inscrit dans le cadre de la concrétisation des recommandations de l’Assemblée générale de l’organisation CGLU, tenue à Marrakech en 2018.
Mbarka Bouaida,
présidente de l’Association des régions du Maroc (ARM)
Ce forum participe à l’élargissement du champ de la coopération entre les régions pour favoriser le partage des expériences des gouvernements et des régions dans le but de soutenir le développement du continent africain, libérer son potentiel et mettre à profit ses atouts. La présence de représentants des régions de tous les pays africains à ce forum est une nouvelle expression de notre appartenance à la même grande famille africaine et reflète notre attachement commun à nos racines naturelles, géographiques, sociales et politiques..
Fatimetou Mint Abdel Malick,
présidente de Cités et gouvernements locaux unis d’Afrique (CGLU Afrique)
La décentralisation constitue un mouvement irréversible en Afrique et le principe de subsidiarité s’y ancre progressivement dans la gouvernance des affaires publiques. Le fait qu’un nombre de plus en plus important de pays africains ait mis en place un deuxième niveau de gouvernance entre le niveau national et le niveau local en est un signe probant.
Jean Pierre Elong Mbassi,
secrétaire général de Cités et Gouvernements locaux Unis d’Afrique (CGLU Afrique)
Si l’Afrique est le futur du monde, ce futur ne peut être réalisé qu’avec la forte contribution des gouvernements régionaux. Ces derniers ont la responsabilité d’identifier et d’exploiter les potentiels de leurs territoires, naturels et humains, tangibles et immatériels, afin de générer de la richesse et des emplois dans le but ultime d’améliorer les conditions de vie des citoyens. L’exploitation de ce potentiel doit être clairement compatible avec l’ambition de parvenir à une société plus juste dans laquelle personne n’est laissé pour compte.
El Khattat Yenja,
président de la Région de Dakhla-Oued Eddahab
La régionalisation avancée constitue l’un des grands chantiers stratégiques au Maroc ainsi qu’une réforme
structurante pour le développement équitable et intégré. Cette forme de décentralisation n’est pas un simple aménagement ou un découpage territorial, mais elle reflète la détermina- tion du Royaume à profiter de l’élan de la modernisation des États au niveau mondial ainsi que de la volonté d’amplifier son développement durable à travers la mobilisation des synergies locales.
Mohamed Mbarki,
directeur général de l’Agence de l’Oriental
Au Maroc, c’est désormais la région qui prend en charge le développement de son territoire, en partenariat avec
l’État. La régionalisation avancée permet de construire un nouveau modèle de développement fortement intégré rôle des acteurs, aux réalités du terrain et aux contraintes de la mondialisation. Aujourd’hui, les président de régions assurent le leadership du développement régional, avec des moyens importants, des structures novatrices, des compétences élargies et des conseillers régionaux élus au suffrage universel.