Finance participative : le secteur ne connaît pas la crise au Maroc
Les actifs mondiaux de la finance islamique ont augmenté de 14% en 2019 à 2,88 trillions de dollars et devraient atteindre 3,69 trillions en 2024. Au Maroc, l’industrie n’en est qu’à ses balbutiements, mais devrait profiter de la crise sanitaire pour se propulser.
Les actifs mondiaux de la finance islamique ont augmenté de 14% en 2019 pour atteindre 2,88 trillions de dollars, affirme une récente étude sur le développement de la finance islamique réalisée par la Société islamique pour le développement du secteur privé (SID) -branche de la Banque islamique de développement (BID)- et Refinitiv, l’un des principaux fournisseurs de données sur les marchés financiers.
Pour ces institutions, ce taux de croissance serait le plus élevé jamais enregistré pour le secteur depuis la crise financière mondiale de 2008. Cet accroissement à deux chiffres des actifs mondiaux de la finance islamique, l’an dernier, serait en partie attribuable à des niveaux élevés d’émission de sukuk sur les marchés traditionnels des pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) et d’Asie du Sud-Est. Selon le rapport «Progresser grâce à l’adversité», l’émission de sukuk des entreprises a également connu un rebond après une pause prudente au premier trimestre 2020. «Ces entreprises ont profité de la baisse des coûts d’emprunt pour soutenir leurs finances alors que l’épidémie continue d’avoir un impact négatif sur le commerce et d’autres domaines économiques», peut-on lire dans le rapport. Par ailleurs, le secteur bancaire islamique a contribué à l’essentiel des actifs mondiaux de la finance islamique en 2019, à hauteur de 69%. Le secteur a augmenté de 14% en 2019 pour atteindre 1,99 billion de dollars d’actifs islamiques. Une évolution nettement plus importante que les 1% enregistrés en 2018. Le Taux de croissance annuelle moyen était, quant à lui, limité à 5% sur les années 2015 à 2018.
Les sukuk, de leur côté, engrangent 19% des actifs mondiaux de la finance islamique, soit 538 milliards de dollars. Les fonds islamiques représentaient 5%, tandis que Takaful contribuait à hauteur de 2%. Compte tenu de ces développements, la finance islamique mondiale les actifs devrait atteindre 3,69 trillions de dollars d’ici 2024. La croissance aurait pu être plus conséquente, mais c’est sans compter sur les effets de la pandémie de coronavirus qui ralentirait d’un chiffre la progression de l’industrie au cours des quatre prochaines années.
La crise sanitaire a, en effet changé la donne car de nombreuses banques islamiques ont enregistré des pertes et réduit leurs bénéfices au cours de cette année. La pandémie a également entraîné une croissance dans certains domaines de l’industrie, car certains régulateurs se sont tournés vers la finance islamique pour amortir l’impact économique. «En ces temps difficiles, nous restons convaincus que la finance islamique peut jouer un rôle majeur dans l’atténuation de la situation sociale et économique, conséquences de la pandémie Covid-19», a déclaré Ayman Sejiny, PDG de la BID. Si la Malaisie, l’Indonésie, Bahreïn, les Émirats arabes unis et le royaume d’Arabie saoudite parviennent à préserver leurs places dans le top 5 des pays les plus avancés en matière de finance islamique, le Maroc continue à se frayer un chemin parmi ces mastodontes de l’industrie. Le Maroc, fait en effet partie des derniers pays à joindre cet écosystème, mais a rapidement montré sa capacité à mettre en œuvre un des systèmes bancaires les mieux ficelés de la région. Opérationnelle depuis à peine 3 ans, la finance participative connaît déjà une ascension fulgurante. Le secteur est, en effet, porté par le fort engouement des clients pour des produits phares comme Mourabaha immobilière et Mourabaha automobile devenus des modes de financement de prédilection pour une large frange des Marocains.
Selon les derniers chiffres de Bank Al-Maghrib, le financement participatif à l’immobilier s’est établi à 10,25 MMDH à fin octobre 2020, contre 3,11 MMDH, une année auparavant. Tout comme le PDG de la BID, les professionnels de la place mettent leurs espoirs sur l’émergence de la finance participative et sa capacité à combler les défaillances d’une finance conventionnelle chancelante. Cette nouvelle industrie pourrait ainsi renforcer davantage le taux de bancarisation et le taux de pénétration de l’assurance qui dépassent à peine les 50% et 3,7%. Pour les analystes, l’industrie participative a largement fait ses preuves durant cette période de crise. «Malgré l’incertitude induite par le contexte actuel, la crise sanitaire se révèle être une opportunité pour les banques participatives en vue d’adapter leur organisation, structure et business model, pour accompagner les nouvelles attentes», souligne un banquier convaincu qu’avec encore quelques modifications législatives, le Maroc pourrait devenir un des acteurs majeurs arabes et africains de l’industrie.
Aida Lo / Les Inspirations Éco