Maroc

Fès-Meknès. La filière du cuir est-elle prête à la reconversion ?

Près de 80% des lots du parc industriel d’Aïn Cheggag (PIAC), proposés à 250 DH/ m2, ont été commercialisés. Ce projet,  aménagé par la société Al Omrane, mobilise un investissement de plus de 146 MDH.

Le nouveau Parc industriel d’Aïn Cheggag (PIAC) se concrétise. Le projet, qui sera réalisé en trois phases, est programmé sur une superficie de 89,5 ha. Il nécessitera une enveloppe de 146,5 MDH. C’est ce qui ressort de l’étude relative à la mise en œuvre validée par une commission régionale spécialisée. Pour rendre cette zone à la portée des professionnels de la tannerie et conformément aux recommandations des membres du comité régional chargé du projet, le prix des lots de terrains a été arrêté à 250 DH/m². «Un prix défiant toute concurrence», selon les responsables de la ville. Pour les professionnels de la filière du cuir, la problématique ne s’arrête pas au prix du m² mais, il s’agit de savoir si les différents intervenants dans filière de cuir au Maroc et plus précisément dans la ville de Fès sont préparés pour effectuer cette reconversion ? Pour répondre à cette question, nous avons contacté les responsables du cluster du cuir d’Igualada en Espagne, modèle dont le Maroc s’est inspiré pour la mise en place du PIAC.

D’après les expériences collectées auprès de professionnels du cluster d’Igualada, le processus de reconversion adopté a démontré que de nombreuses entreprises n’ont pas pu entreprendre le changement exigé, ce qui a poussé plusieurs d’entre-ellles à fermer ou à faire des fusions. Tous les changements adoptés ont nécessité une rénovation totale des machines, des conditions de travail, de la matière première et des technologies utilisées. Sur ce point, il faut noter qu’en 1990, les responsables d’Igualada ont décidé de prendre en compte les profonds changements dans les processus de fabrication, avec l’adoption des meilleures technologies et en même temps respectueuses de l’environnement. Le tout sous la supervision de la «Guilde des Tanneurs». C’est le cas notamment du traitement des eaux usées et la gestion des déchets. Une fois que les points précédents ont été résolus avec succès, la guilde des tanneurs d’Igualada a lancé sa nouvelle orientation stratégique avec le slogan «Igualada, capitale européenne du cuir de qualité». Pour adapter cette expérience aux spécificités du contexte marocain, Pere Carles, ingénieur et professeur de l’École Supérieur de la tannerie d’Igualada estime que «le Maroc doit promouvoir la culture de corporation et de fusion des petites entreprises afin de renforcer les synergies entre elles au niveau de l’achat des matières premières et de l’optimisation des processus de fabrication avec la répartition des tâches, ce qui va permettre de réaliser des économies d’échelle avec des coûts plus rationnels».

Il faut également veiller au respect de la législation environnementale en vigueur qui est devenue aujourd’hui indispensable pour obtenir des peaux avec un degré de qualité et de conformité permettant un accès aisé aux marchés interne et externe. «Dans le cadre de cette transformation, les techniciens qui conseilleront leurs entreprises sur l’application des nouvelles technologies plus propres et sur les systèmes de gestion d’entreprise seront très importants», précise Pere CARLES, qui a réalisé plusieurs formations pour les tanneurs marocains, en partenariat avec la FEDIC et la CCIS de Fès. Il faut noter que l’Université de Fès a procédé à la mise en place d’une formation spécialisée sur les techniques de la tannerie, ce qui va permettre de mieux accompagner les entreprises dans leurs processus de reconversion. Le moment est venu pour les entreprises de soulever ces questions, car il pourrait être trop tard.

Pour une reconversion de la tannerie artisanale
Les tanneurs artisans doivent également comprendre qu’il faut modifier les processus de travail actuels, c’est-à-dire adopter des technologies plus durables, sans perdre le statut d’artisan. Il s’agit de travailler des peaux qui ont un niveau de qualité acceptable, avec une certaine finition qui permettra par la suite la fabrication de nombreux objets (sacs, babouches, portefeuilles, etc.) qui ne comportent pas de composants nauséabonds ou de matières inconfortables. L’excellent niveau traditionnel de l’artisanat marocain sera beaucoup plus apprécié avec les cuirs tannés avec des processus respectueux de l’environnement et avec une qualité et une régularité des finitions supérieures. Il sera également nécessaire pour les monoartisans de promouvoir des groupes d’artisans tanneurs. Ce qui va permettre de réaliser des économies d’échelle pour certaines opérations de traitement, en particulier «le travail de la rivière», et dans l’achat des matières premières. 



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