Maroc

Fès-Meknès/Industrie de la chaussure : une zone dédiée pour contrer l’informel

Les industriels des filières tannerie, maroquinerie et fabrication de chaussures veulent créer un écosystème dédié au secteur du cuir. L’objectif est de restructurer la branche et de la faire émerger en tant que moteur national de croissance et de création de valeur. Décryptage d’une activité en plein essor.

Une zone d’activité économique dédiée aux fabricants de chaussures n’est plus un choix, mais une nécessité. Dans la Région de Fès-Meknès, cette activité vit un tournant historique. Les industriels du cuir sont désormais unis dans leur conviction que le temps est venu de créer un écosystème dédié à leur secteur. C’est ainsi que le Cluster régional des métiers du cuir est né. Tel un phénix, renaissant des cendres d’expériences non abouties, ce groupement d’entreprises leaders dans les filières de la tannerie, la maroquinerie et la fabrication de chaussures, a pour objectif de restructurer le secteur et de le faire émerger en tant que moteur national de croissance et de création de valeur. À travers la recherche, le développement et la multiplication des partenariats, il est en train de redessiner le futur du secteur du cuir dans la région.

«La zone réclamée pour les fabricants de chaussures, outre le fait qu’elle serait plus adaptée à la réalité de la production dans la région, serait une véritable pépinière qui complète l’offre du Parc industriel Ain Cheggag (PIAC). Elle permettra ainsi la restructuration et l’accompagnement des unités informelles pour développer leurs activités et renforcer l’écosystème du cuir», nous explique Tarik El Mernissi, président de l’Association marocaine de l’industrie de la chaussure (AMIC) et vice-président du Cluster régional des métiers du cuir Fès-Meknès. Pour lui, l’objectif de cette zone est de développer un écosystème dédié au cuir et de promouvoir le «Made In Morocco». Dans une première phase, la zone devrait accueillir quelque 300 unités avec la création de 7.000 emplois directs.

Une étude approfondie est primordiale
Pour accompagner les unités informelles, l’AMIC sollicite le ministère de l’Industrie et du commerce en vue de lancer une étude détaillée sur le secteur, permettant à la fois d’évaluer l’effectif employé, le nombre d’unités informelles, ainsi que la capacité de production de la filière.

Selon les estimations de l’association, près de 80% des chaussures fabriquées au Maroc sont issues des unités installées dans la préfecture de Fès, alors que le reste est fabriqué à Casablanca. Notons que la majorité des entreprises qui alimentent le marché national travaillent dans le secteur informel. Même constat pour les fabricants de semelles dont près de 75% sont installés dans la ville de Fès, nous confie Tarik El Mernissi, qui est également président de la Commission de développement des activités et des infrastructures industrielles à la Chambre de commerce, d’industrie et des services (CCIS) de Fès-Meknès. Faute d’un écosystème permettant de fournir des matières premières de qualité, les entreprises exportatrices, dont la majorité sont installées dans la capitale économique, importent près de 90% des matières premières (peaux tannées, accessoires) de l’étranger. Ceci impacte directement le taux d’intégration de l’industrie nationale du cuir.

Pour Abdrahim Benyassef, président du Cluster régional des métiers du cuir, «le PIAC est, certes, un projet exemplaire pour les entreprises qui disposent des moyens financiers et humains permettant de répondre aux normes internationales. Mais, en parallèle, on doit également penser à un modèle économique pour les petites unités informelles qui représentent la majorité des entreprises de fabrication de chaussures dans la région». Et d’ajouter : «en l’absence d’un diagnostic approfondi de la filière dans la ville de Fès, il sera difficile de concevoir un modèle économique viable adaptée aux besoins des professionnels de la région».

Revendications pour restructurer la filière
Cet ambitieux projet, porté par la Chambre de commerce, d’industrie et des services de Fès-Meknès (CCIS-FM), le Cluster régional des métiers du cuir et l’Association des fabricants de chaussures, bénéficie également du soutien des responsables de la région.

Dans ce cadre, plusieurs parlementaires, notamment Thami Ouazzani Thami du RNI et Khadija Hajoubi du PAM, ont adressé des questions écrites au ministre de l’Industrie et du commerce le sollicitant de trouver rapidement une solution au phénomène des artisans exerçant dans l’informel.

Pour eux, le secteur de l’informel entrave à la fois le développement de la filière et impacte directement la qualité de l’emploi qui se caractérise par la précarité, l’instabilité, l’absence d’avantages sociaux et un salaire moyen faible. D’ailleurs, les opérateurs concernés ne payent ni impôts pour l’État ni couverture sociale pour leurs employés, et pratiquent, ainsi, une concurrence déloyale vis à vis des entreprises structurées.

Les priorités des opérateurs
Ce projet, porté par le cluster, se compose d’un espace dédié aux unités de fabrication de chaussures, un showroom, un centre d’achats, un consortium pour prospecter de nouveaux marchés à l’étranger et des espaces de vente et d’exposition des produits. Il faut rappeler que les représentants du secteur ont multiplié les démarches et les entretiens avec les responsables de la région dans l’objectif de faire converger les visions pour restructurer et développer les potentialités de la filière.

Pour faciliter à la fois le déplacement des industriels et des salariés, les chefs d’entreprise ambitionnent de réaliser ce projet dans un terrain proche de leurs bassins d’emploi actuels. Il importe de noter que la plupart des unités se trouvent actuellement dans les quartiers de Ben Slimane, Dhar Lakhmiss, Ben Debbab, Ain Kadous, Sidi Boujida et Bab Ftouh. Certains industriels nous ont confié qu’il y avait un accord de principe avec les responsables de la région pour que cette zone soit située près du quartier artisanal de Ben jellik, dans l’arrondissement de Jnan El Ouard. Contacté par Les Inspirations ÉCO, le président de cet arrondissement nous a affirmé que ce projet n’était, pour l’heure, pas inscrit dans le nouveau plan d’aménagement de l’arrondissement.

L’informel règne en maître
D’après une fiche sectorielle sur la fabrication de chaussures, réalisée par le CRI, on constate que cette dernière abrite 174 unités exerçant dans le secteur formel. D’autre part, le recensement effectué par l’Association des fabricants de chaussures relève que la ville de Fès, à elle seule, abrite plus de 1.000 unités, ce qui témoigne de la part qu’occupe le secteur informel. Les entreprises formelles ont contribué à la réalisation d’un chiffre d’affaires (CA) de 149,3 MDH en 2018 avec une évolution de plus de 140% par rapport à 2017.

Ces entreprises représentent 6% du CA réalisé par le secteur au niveau national. Notons que la part des transferts reçus de l’étranger dans ce CA représente à peine 9,1%, soit 13,6 MDH, contre 54% (1,35 MMDH) au niveau national. Ceci témoigne de l’ampleur du secteur informel dans la région.

En effet, les activités informelles limitent la part des transferts reçus de l’étranger dans le CA en réduisant la visibilité et la transparence des transactions économiques. Elles sont souvent pratiquées sans enregistrement officiel ni déclaration fiscale, ce qui rend difficile la quantification des transactions économiques. Signalons, par ailleurs, que 87% des unités installées dans la région réalisent un CA inférieur à 5 MDH, alors que 13% réalisent un CA entre 5 MDH et 100 MDH.

L’USMBA offre son accompagnement
Multipliant les partenariats, le cluster a tissé des relations d’étroite collaboration avec des experts seniors de Hollande, à travers l’association PUM Netherlands qui apporte son expertise et son accompagnement aux professionnels du secteur.

Par ailleurs, et dans le but de renforcer le volet de la recherche scientifique dans la filière du cuir, le cluster a signé – dans le cadre des travaux des sixièmes Assises régionales relatives à la co-construction du Plan national d’accélération de la transformation de l’écosystème de l’enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l’innovation (PACTE ESRI 2030) – une convention cadre avec l’Université Sidi Mohamed Benabdallah. L’objectif du partenariat est de mener des recherches pour le développement de la tannerie, d’accompagner les opérateurs de la filière de la maroquinerie pour élargir leurs activités et de développer des modes de gestion adaptés.

Pour la filière de fabrication de chaussures, le partenariat avec l’université porte, notamment, sur la réalisation d’une étude sur le secteur informel avec un recensement détaillé de l’ensemble des unités actives dans la région. L’université accompagnera également les artisans concernés dans leurs processus de restructuration. Sortir du secteur de l’informel et favoriser l’intégration de la filière dans les circuits économiques vertueux à travers des offres foncières adaptées et complémentaires (PIAC et zone d’activité dédiée) est, aujourd’hui, un challenge de taille pour la région.

Mehdi Idrissi / Les Inspirations ÉCO


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