Maroc

Faut-il fixer les tarifs des écoles privées ?

Selon le projet de la Loi-cadre sur l’Education adopté par le Conseil de gouvernement, la question est tranchée. Ce texte prévoit de fixer les frais d’inscription et de scolarité dans le secteur privé. Les opérateurs du secteur montent au créneau. Les associations de protection des consommateurs approuvent l’idée. Le point avant le début des hostilités.

Le risque de la fin de la gratuité dans l’enseignement public focalise les débats autour de la loi-cadre. Pourtant, un autre point devrait aussi susciter prochainement d’intenses échanges, c’est celui de la proposition prévue par ce texte de fixer les frais d’inscription et de scolarité dans le secteur privé. L’article 11, alinéa 3 responsabilise le gouvernement pour «fixer les frais d’inscription et de scolarité et d’assurance et des services annexes dans les établissements d’éducation, et de formation privés, selon un texte réglementaire». Le projet de loi ne fait que traduire un principe déjà adopté dans le cadre de la Vision stratégique de la réforme 2015-2030. Le point 35 du Levier 8 de ce document de référence prévoit que les nouveaux cahiers des charges comprendront «la fixation des frais d’inscription, de scolarité, de restauration scolaire, de transport scolaire et d’assurance». Pour l’Alliance de l’enseignement privé au Maroc (AEPM), qui regroupe 2000 établissements privés, cette clause est contraire à la loi sur la liberté des prix. Par contre, les associations de protection de consommateurs applaudissent cette disposition et appellent à mettre en place des barèmes des tarifs et un classement des établissements scolaires privés.

Changement de doctrine
C’est un changement de doctrine de la part des décideurs du système éducatif marocain. Face aux protestations des parents d’élèves, les différents ministres de l’Éducation nationale se sont réfugiés derrière le sacro-saint principe de liberté des prix. Mohamed Hassad, l’ex-ministre de tutelle avait déclaré en septembre 2017 que son département «n’intervient pas dans la fixation des prix et son rôle est le contrôle pédagogique et administratif». Le gouvernement se conformait ainsi à la loi 00.06 réglementant l’enseignement scolaire privé. Ce texte datant de mai 2000 évoque une seule possibilité de fixation des prix. Il s’agit des écoles en zones rurales ou pour des élèves à besoins spécifiques (enfants handicapés ou défavorisés). Les tarifs sont fixés par les AREF selon «un cadre contractuel» (article 33). Donc, la règle de mise a été toujours la liberté des prix. Abdelhadi Zouitene, président de l’AEPM, rappelle d’ailleurs que «le secteur de l’enseignement privé est soumis à un régime libéral». Même son de cloche du côté d’Abdelali Benamour, président du Conseil de la concurrence : «le gouvernement ne peut fixer des prix dans un secteur soumis à la liberté des prix, d’autant plus que l’importance et l’hétérogénéité de l’offre scolaire privé compliquerait cette mission».

Aujourd’hui, le gouvernement renverse cette tendance et décide d’intervenir dans la fixation des prix des différentes prestations de ces établissements. Cette tentative ne risque pas d’être une promenade de santé. Les oppositions sont déjà virulentes. «Le gouvernement peut fixer pour les nouveaux arrivants ou pour les établissements qui veulent s’installer en zones rurales ou prenant en charges des élèves à besoins spécifiques», estime Zouitene. Pour Ouadih Madih, président de la Fédération marocaine des droits du consommateur (FMDC), la bataille doit être menée sur le terrain de la transparence et de la régulation. «Les tarifs de ces établissements demeurent certes soumis à la liberté des prix, ce qui n’empêche pas de réguler ce secteur qui a un caractère commercial. Liberté des prix ne veut pas dire anarchie et absence de clarté dans la facturation», affirme-t-il. Parmi les mesures proposées par la FMDC, c’est l’engagement sur des tarifs stables par cycle scolaire. «Ainsi donner une visibilité aux parents par rapport aux frais engagés sur une période pluriannuelle et éviter les hausses de 10 à 20% par an» , suggère Madih. Cet engagement doit être contractuel insiste la FMDC. «Un règlement intérieur ne peut faire l’objet de contrat entre les deux parties. L’établissement et les parents doivent signer un contrat comme dans toute relation commerciale», martèle Madih. Enfin, la Fédération des consommateurs espère voir dans l’avenir la mise en place d’un classement des établissements «à l’instar de ce qui se fait dans le secteur hôtelier et chaque catégorie correspondra à une fourchette de prix», ajoute-t-il. Pour affiner et discuter ces propositions, la FMDC organise en mars prochain une journée de réflexion dédié à cette thématique et aux nouvelles dispositions de loi-cadre. Cette proposition de fixer les tarifs pour les établissements scolaires n’a pas fini de susciter des débats. Elle fera l’objet d’un intense lobbying de chacune des parties, surtout lors de son arrivée au parlement.


Le privé, un mauvais élève de la concurrence ?

Qui dit liberté de prix, dit concurrence. Or pour l’heure, aucune étude n’a été produite sur la concurrentiabilité, les coûts et les marges du secteur de l’enseignement privé scolaire comme universitaire. «Nous avons reçu une saisine autour de la concurrence dans le secteur de la formation professionnelle mais jamais de demande d’enquête au sujet de l’enseignement privé scolaire»,  indique Abdelali Benamour, président du Conseil de la concurrence. La situation d’hibernation prolongée du Conseil de la concurrence (Cf : www.leseco.ma) risque de faire durée ce manque de visibilité sur ce secteur et profite aux acteurs de ce marché.


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