Environnement : quels leviers pour un avenir plus durable ?
Des experts passionnés par la question de l’eau se sont réunis à Rabat pour participer à un débat sur le thème.
«Dans les années 1960, la disponibilité d’eau par habitant était de 2.570 mètres cubes par an. Aujourd’hui, nous en sommes à seulement 600 mètres cubes, une réalité qu’il est urgent de prendre en compte», alerte Abderrahim El Hafidi, directeur de l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE). Pour lui, cette réduction des volumes disponibles ne concerne pas seulement l’eau, mais elle affecte tous les secteurs productifs. «Le prix par mètre cube devient un enjeu crucial, étant étroitement lié à celui de l’énergie, car les stations de dessalement fonctionnent à l’électricité», rappelle encore Abderrahim El Hafidi, ajoutant que le coût de l’électricité représente 30% du coût par mètre cube pour une station conventionnelle, et peut atteindre jusqu’à 70% pour une station de dessalement.
La demande en eau augmente
Le débat s’est ouvert sur les contraintes liées aux ressources en eau qui s’avèrent de plus en plus préoccupantes. La répartition inégale des ressources en eau dans le temps et l’espace constitue l’un des défis majeurs. La raréfaction des ressources en eau est une réalité croissante. La demande en eau augmente en raison de la croissance démographique, de l’urbanisation rapide et du développement économique. Cela met une pression accrue sur les sources d’eau disponibles, mettant en péril la disponibilité future de cette ressource essentielle. En parallèle, les panélistes relèvent que la surexploitation des nappes constitue un autre problème majeur. Les prélèvements excessifs épuisent les réserves d’eau souterraine, ce qui entraîne une baisse du niveau des nappes et des problèmes de qualité de l’eau. De plus, la concentration de populations le long des côtes et le développement intense des activités industrielles et touristiques contribuent à la dégradation de la qualité de l’eau et à la pollution des écosystèmes aquatiques.
Des progrès encourageants
Intervenant à l’occasion, Khalid Tahri, directeur technique et ingénierie de l’ONEE- Branche eau, indique que le dessalement couplé aux énergies renouvelables bénéficie d’un grand potentiel naturel, avec un ensoleillement abondant et des vents favorables. Le pays dispose d’une stratégie nationale claire en matière de mix énergétique, fixant l’objectif ambitieux de 50% d’énergies renouvelables d’ici 2030. Sur le plan technique, «les progrès sont prometteurs, et la faisabilité du couplage entre le dessalement de l’eau et les énergies renouvelables est en bonne voie. Des avancées sont également réalisées au niveau de l’arsenal juridique, afin de renforcer les cadres réglementaires nécessaires pour faciliter ces initiatives», indique-t-il.
Pour Tahri, ce mariage entre le dessalement et les énergies renouvelables a un impact positif à la fois sur l’environnement et sur les coûts.
«En utilisant des sources d’énergie renouvelables pour alimenter les installations de dessalement, nous réduisons notre empreinte carbone et contribuons à la préservation de l’environnement. De plus, cette approche permet de diminuer les coûts liés à l’énergie, offrant ainsi une solution durable et économiquement viable pour répondre aux besoins croissants en eau», explique-t-il.
Il rappelle que le Programme national d’approvisionnement en eau potable et irrigation (2020-2027) nécessite un investissement total de 143 MMDH, dont 43 MMDH sont dédiés à l’eau potable. Ses objectifs sont d’assurer l’adéquation entre l’offre et la demande en eau, de préserver les ressources face au changement climatique, d’améliorer les installations existantes, de pérenniser la généralisation de l’accès à l’eau potable en milieu rural et d’améliorer l’assainissement liquide pour éviter toute pollution de la ressource en eau.
Pour sa part, Boutaina Benchekroun, responsable financement climat et développement de projets à l’Agence marocaine pour l’énergie durable (MASEN), a fait part des projets en cours. Il en ressort qu’une feuille de route pour l’hydrogène vert est en cours d’élaboration. Ce projet de référence est financé par des partenaires allemands et repose sur l’utilisation des énergies renouvelables pour la production d’hydrogène vert, en utilisant notamment l’électrolyse de l’eau.
Étude de faisabilité d’un observatoire des RENC et des EnR
L’objectif principal est de développer des technologies durables pour la désalinisation de l’eau et la production d’hydrogène vert. En parallèle, d’autres projets sont également en cours avec des partenaires néerlandais visant à produire de l’ammoniac pour l’exportation. Le Conseil mondial de l’eau, qui surveille et anticipe l’évolution des ressources en eau et de leur utilisation, a mis en évidence les contradictions résultant de la nécessité simultanée, d’une part, de mobiliser de nouvelles sources d’eau telles que l’eau dessalée ou la réutilisation des eaux usées traitées, et, d’autre part, de réduire l’empreinte carbone de toutes les activités.
Dans ce contexte, il a chargé l’Institut méditerranéen de l’eau d’étudier la faisabilité d’un observatoire des ressources en eau non conventionnelles (RENC) et des énergies renouvelables associées, en commençant par la région du Sahel et de la Méditerranée.
D’après cette étude, il est constaté que chaque pays devra faire face à des défis similaires en matière de ressources en eau et d’énergies d’ici 2040. En effet, tous les pays de la région visent à atteindre une consommation d’énergie provenant à 30 ou 40 % de sources renouvelables, ce qui les oblige à augmenter leur part d’énergie renouvelable parfois jusqu’à dix fois, à l’exception des pays du Sahel où la part d’énergie renouvelable, bien qu’elle soit actuellement plus élevée, risque de diminuer au fur et à mesure du développement de leur consommation.
En ce qui concerne la satisfaction des besoins en eau, en supposant que toutes les mesures de réduction de la demande en eau soient prises, certains pays disposent de ressources naturelles durables suffisantes, tandis que d’autres doivent mobiliser de manière considérable les ressources en eau non conventionnelles (RENC).
Kenza Aziouzi / Les Inspirations ÉCO