Maroc

Entretien. Fini les influenceurs, place aux storytellers

Oussama Abercha
CEO de Storyful

Face à la «déchéance programmée» des influenceurs, les marques se tournent désormais vers les médias alternatifs qui prennent davantage de place sur la toile au Maroc. Oussama Abercha, fondateur et CEO de Doers.ma, média marocain nouvelle génération axé sur l’entrepreneuriat et les startups, également CEO de Storyful, agence digitale créative, répond à nos questions. 

Quel regard portez-vous sur l’émergence des médias alternatifs (ou plutôt nouvelle génération) au Maroc ?
Comme toute autre innovation, les médias nouvelle génération sont apparus pour répondre à un besoin. À l’origine, l’information n’était disponible que via les médias traditionnels à des moments précis et dans des formats classiques. Or, cette époque est derrière nous. Tandis que s’opèrent des transformations profondes dans les habitudes de consommation, accompagnées de la montée en puissance du digital et du mobile, les médias n’ont pas d’autre choix que de s’imprégner des codes des réseaux sociaux, du growth hacking et du marketing digital. De nos jours, l’infobésité est une réalité palpable. Le consommateur est tellement submergé qu’il faut multiplier les efforts pour capter son attention qui est fragmentée non seulement entre les contenus des médias, mais également face à des concurrents indirects que sont les internautes et leur User generated content.

Au lieu de s’attaquer aux contenus, les médias nouvelle génération ont agi sur les formats comme parti pris. Pourquoi ?
Aujourd’hui, c’est acté : les algorithmes des plateformes sociales, comme Instagram, poussent davantage de formats interactifs/conversationnels, notamment la vidéo. Le fait de s’adapter et d’innover n’est, au final, qu’une simple question de survie, d’où l’émergence et la transformation continue des médias nouvelle génération.

Autrefois adulés par les marques, les «influenceurs classiques» sont de plus en plus décriés au profit des médias dits alternatifs. Qu’est-ce qui explique, selon vous, cette nouvelle tendance ?
Je pense qu’il s’agit plutôt de deux périmètres et savoir-faire différents. Bien que les deux soient experts du snack-content, le choix de l’annonceur dépend surtout de la finalité à servir, du message à véhiculer et des publics à toucher. Il ne s’agit pas simplement d’opter pour l’un ou l’autre. Il est nécessaire de coupler les deux outils dans le cadre d’une stratégie marketing bien définie. Les influenceurs ont certainement le mérite d’avoir maîtrisé le marketing des réseaux sociaux, le fonctionnement des communautés, etc.

En revanche, les médias nouvelle génération ont professionnalisé cette pratique. Au-delà de l’action publicitaire, ils conseillent les marques et les accompagnent dans la concrétisation de leur projet digital tout en apportant de l’authenticité et de la crédibilité à leurs contenus, en respectant une ligne éditoriale, et surtout, en faisant preuve d’esprit journalistique.

Existe-t-il vraiment un marché pour ces types de supports ?
Absolument. Il est petit, certes, comparé aux EU ou à certains pays d’Europe, mais s’annonce très prometteur et en pleine expansion.

Qui sont actuellement les principaux acteurs de cette niche ?
Aujourd’hui, il y a peu d’acteurs sur le marché. Les premiers médias à avoir importé cette pratique et institué le marché sont plutôt généralistes, tels que Welovebuzz, Jawjab, Moustacho, Jooj media, etc. À mon avis, 2023 est l’ère de la spécialisation et des médias de niche.

Constituent-ils une menace pour les médias classiques ?
De l’extérieur, on peut voir une sorte de conflit générationnel entre les médias traditionnels et les médias de nouvelle génération. En revanche, ce n’est pas sous cet angle que je vois les choses. Les deux sont plutôt complémentaires, d’autant plus que l’industrie des médias converge vers une logique d’intégration visant à créer des synergies offline et online et à réduire les frictions au niveau du parcours utilisateur, dans le cadre d’une stratégie omnicanale.

Pensez-vous que ces nouveaux médias ont un avenir dans le paysage médiatique marocain ?
Sans aucun doute. On ne parle même plus d’avenir, c’est un présent palpable. Si le paysage médiatique ne se réinvente pas, cela ne va aucunement faire diminuer l’intérêt du Marocain pour ces contenus. Il ne faut pas oublier que nous vivons à l’ère de la mondialisation. Le consommateur se tournera donc vers des médias étrangers pour assouvir son besoin. On peut voir cela, notamment, avec Brut.France qui avait envahi le paysage national.

Quels conseils donneriez-vous aux patrons des médias traditionnels ?
À mon avis, la transition numérique des médias classiques au Maroc n’a pas été abordée de la bonne manière. Il manque une certaine expertise du média digital, notamment au niveau des formats. Le fait de dupliquer les contenus offline directement sur des supports online n’est pas fructueux. Le problème n’est pas le support, mais les habitudes et les besoins de consommation. Et puisque ça ne cesse de changer, je leur conseille de faire preuve d’agilité, de s’ouvrir sur de nouvelles manières de faire et de s’entourer de véritables experts du digital.

Khadim Mbaye / Les Inspirations ÉCO


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