Entrepreneuriat agricole. Les jeunes de Dakhla cultivent l’avenir
15 jeunes entrepreneures agricoles, tous originaires de Dakhla Oued Eddahab, ont relevé le défi et se sont initiés dans le cadre d’un groupement d’intérêt économique (GIE) à la production maraîchère au sein du périmètre irrigué de Graret El Hedda…Reportage.
Vu du ciel, la ville de Dakhla surgit avec l’expansion spatiale de son urbanisation. L’œil est essentiellement frappé par ce paysage d’une cité en plein essor économique et touristique. Et très vite, on peut constater que ce développement touche également le secteur agricole en raison des conditions climatiques qui offre un avantage de précocité pour les cultures maraîchères. Dans les environs de la ville, des rectangles blancs apparaissent dans toute leur étendue sous forme de serres. Et c’est justement dans ces abris-serres et d’autres structures où sont cultivés les maraîchers de Dakhla, particulièrement la tomate de segmentation et les melons, connus par leur goût et leur qualité gustative. Il va sans dire que ce paysage serricole est constitué sur place de cinq producteurs-exportateurs qui se sont adonnés, durant les deux dernières décennies, à la production maraîchère dans la région. Et parmi eux l’Ajida, un groupement de 15 jeunes entrepreneures agricoles, tous originaires de la région de Dakhla Oued Eddahab. Ce nouvel arrivant, il y a deux années, sur le marché de la production maraîchère a été créé grâce au second pilier du Plan Maroc vert qui a éveillé la fibre entrepreneuriale de ces jeunes à travers le lancement, en 2014, d’un appel à manifestation d’intérêt par l’Agence pour le développement agricole (ADA).
Ajida GIE : l’union fait la force
Et l’aventure a commencé avec ce noyau sélectionné à travers la création en 2015 de l’Association des jeunes investisseurs pour le développement agricole (Ajida) avant qu’elle ne soit reconvertie en Ajida GIE en décembre 2016 pour une meilleure optimisation des surfaces exploitables et la valorisation de la production dans le cadre d’un partenariat public-privé autour de terres agricoles relevant du domaine privé de l’État. Par ailleurs, d’autres jeunes sélectionnés ont été orientés vers l’élevage dans la région de Tiniguir. «Chaque jeune a bénéficié de 5 hectares de surface agricole avec un crédit bancaire qui est de l’ordre de 2 MDH au sein du périmètre irrigué de Graret El Hedda», explique Houda Boulhit, directrice administrative d’Ajida GIE.
Graret El Hedda : 50 ha exploités par 15 jeunes
C’est dans cette zone située à plus de 64 km de la ville de Dakhla que le projet est situé sur un site relevant de la commune El Argoub. Pour y arriver, il faut emprunter la route menant vers Aousserd, au départ de la route nationale n°1, en cours d’élargissement dans le cadre la voie expresse Tiznit-Laâyoune-Dakhla. Un petit panneau installé sur cette route indique que le domaine Ajida se situe à moins d’1 km de cette zone qui fait partie des cinq périmètres favorables au développement des activités agricoles. Et une fois sur place, on peut observer les abris-serres installées sur une superficie de 80 ha.
Domaine Ajida GIE : 300 emplois créés
Sous ces abris-serres où les règles d’hygiène sont affichées, 200 à 300 ouvriers travaillent au sein de 50 hectares actuellement exploités. On trouve également des ruchers installés pour polliniser les fleurs de tomates. «Au cours de cette année, nous avons développé la superficie exploitée qui est passée de 27 à 50 ha dont 27 pour la tomate et 24 pour le melon», note Fouad Zouhir, chargé de la gestion des RH au sein de l’Ajida GIE.
Démarrage de l’activité : pas facile !
Selon Ahmed Fall, chargé de l’exécution des programmes de développement au sein de l’Ajida GIE, «tout n’était pas rose pour ces jeunes bénéficiaires puisqu’ils ont défié le manque d’expérience et de savoir-faire dans une société caractérisée par le nomadisme». En remontant le temps, Houda Boulhit, lauréate de l’École nationale d’agriculture de Meknès, qui fait partie des cinq femmes de ce groupement, se souvient du démarrage difficile de l’activité. Seulement, ces obstacles liés notamment aux procédures administratives, au transport et à la logistique, au choix des fournisseurs ainsi qu’aux problèmes relatifs à la plantation et aux maladies, ont été progressivement surmontées.
Malgré les contraintes, les jeunes dépassent les difficultés
«Le démarrage de notre activité durant la campagne précédente a pris du retard en termes de plantation. De ce fait, cette opération a coïncidé avec la célébration d’Aïd al Adha, marquée par la pénurie de la main-d’œuvre tandis que la mineuse de la tomate (Tuta Absoluta) a ravagé une partie de notre superficie plantée», se rappelle-t-elle. Et aujourd’hui, le projet parvient à produire 100 tonnes/ha de tomates cerise et 50 tonnes/ha de melons. Ces quantités sont principalement destinées à l’Europe dans le cadre d’un contrat de commercialisation avec un grand producteur-exportateur au départ du domaine de l’Ajida.
La superficie exploitée en nette évolution
«Durant la prochaine campagne, une superficie de 26 ha sera programmée pour développer davantage les superficies cultivées», précise d’emblée Fouad Zouhir. En parcourant le domaine de l’Ajida GIE qui vient d’acquérir la certification GRASP en matière de pratiques sociales et Global Gap pour la production de tomate et melons, on peut constater que le domaine dispose de plusieurs infrastructures et pratiques modernes. Dès que l’on s’approche du bassin et de la station d’irrigation, on remarque que l’Ajida GIE assure le transport de son personnel après l’acquisition de ce bus par le Conseil régional de Dakhla Oued Eddahab.
Aides et subventions : un appui à la réussite du projet
«La grande partie du projet a été réalisée grâce aux subventions de l’État pour la promotion des investissements agricoles, en l’occurrence en matière d’aménagements hydro-agricoles, l’acquisition du matériel agricole et l’installation des serres et filets de protection des cultures maraîchères sous serres…», ajoute Houda Boulhit. De surcroît, l’ensemble des aménagements extérieurs ont été réalisés par le ministère de l’Agriculture, notamment les travaux hydro-agricoles pour l’équipement du bassin d’irrigation, d’une capacité de 20.000 tonnes en plus de l’équipement interne du système d’irrigation goutte à goutte dans le cadre du fonds de développement agricole (FDA). À cela s’ajoute la réalisation des puits d’une profondeur de 650 mètres pour chacun avec un débit de 70 litres par seconde ainsi que la digue de protection et les sessions de formation dispensées par l’ONCA. D’autres composantes font partie intégrante de ce projet, notamment l’atelier mécanique, le quai de chargement ainsi que l’espace dédié aux ouvriers. De l’extérieur, le domaine est également protégé par un remblai contre les inondations du périmètre irrigué de Graret El Hedda.
D’autres enjeux en perspectives
Actuellement, l’enjeu pour les jeunes entrepreneurs lors de leur différentes discussions est l’installation des panneaux solaires pour réduire le coût de la facture énergétique (groupes électrogènes) et la garantie de la qualité de leur production destinée à l’exportation puisqu’elle doit, à l’instar des autres opérateurs, parcourir près de 1.200 km pour arriver à la première zone primeuriste du royaume et ses environs, à savoir la province de Chtouka-Aït Baha pour le conditionnement. «Une étude de faisabilité pour la réalisation d’une station de conditionnement et d’emballage est en cours d’étude par le Conseil régional de Dakhla Oued Eddahab», annonce Ahmed Baba Amar, président de la Chambre d’agriculture de Dakhla Oued Eddahab.
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