Maroc

Enseignement de la philosophie : Le ministère remet les pendules à l’heure

Dans un communiqué, le ministère de l’Éducation nationale explique que l’extrait pointé du doigt, «anti-philosophie», doit être replacé dans son contexte et son usage pédagogique. Le ministère exprime son étonnement de voir enfler une polémique autour d’un passage alors que la réforme de l’éducation islamique est plus profonde que cela.

Le ministère de l’Éducation nationale ne s’attendait nullement à l’effet boule de neige causées par quelques phrases figurant dans le manuel d’enseignement religieux Manar at tarbia al islamiya, destiné aux élèves de première année du lycée. Au chapitre consacré à la relation entre la philosophie et la foi, un passage attribué à Ibnou As-Salah Ach-Chahrazouri (13e siècle) dépeignait la philosophie comme démence et dépravation menant à l’apostasie. Ces assertions, même replacées dans leur contexte historique, ont provoqué l’ire des enseignants de philosophie qui ont observé des sit-in dans plusieurs lycées à travers le pays. Ils sont d’autant plus consternés que le manuel en question a été réédité fin octobre 2016 dans le cadre d’une réforme de l’enseignement islamique promouvant un islam tolérant. Sachant que durant ses heures de gloire, l’islam regorgeait de philosophes musulmans qui se sont imprégnés des grands courants de la pensée grecque tout en apportant leur touche inestimable, le débat aujourd’hui sur la philosophie et la foi semble tout sauf pertinent.

En effet, les grands exégètes et figures de proue de la religion musulmane n’ont jamais remis en cause l’utilité de la réflexion et de la confrontation des idées, deux qualités que la philosophie promeut. Des érudits musulmans comme Ibn Sina, Al Kindi et Al Farabi ont préservé les œuvres et enseignements d’Aristote ainsi que d’autres courants de pensée provenant de Chine et d’Inde. Plus encore, la littérature philosophique arabo-musulmane a à son tour été traduite en latin et se trouve ainsi aux origines de la philosophie européenne moderne. Dans son livre intitulé «Phares», l’écrivain Jacques Attali a qualifié le philosophe musulman Ibn Rochd de «précurseur du siècle des Lumières» et de «source de maints espoirs aujourd’hui». Les exemples tels que celui-ci sont légion.

Toutefois, ce passage dans le manuel scolaire pointé du doigt n’est pas passé inaperçu, au risque de remettre en cause le travail de refonte d’une trentaine de manuels d’éducation islamique récemment effectué par le ministère. En effet, des acteurs de la société civile et des intellectuels marocains sont montés au créneau, dénonçant ce qu’ils qualifient de régression dans les programmes scolaires, et plus généralement de l’école. Constatant l’ampleur des mauvaises interprétations de ce passage, sorti de son contexte, le ministère de l’Éducation nationale vient de publier un communiqué bien détaillé. Il y exprime son étonnement du choix de certains intervenants dans cette polémique. Contacté par les Inspirations Éco, Fouad Chafiki, directeur des curricula au sein du ministère de l’Éducation, a voulu passer deux grands messages. Le premier, ayant pour but de tranquilliser, est destiné aux intellectuels marocains qui ont réagi après avoir lu le communiqué de l’Association marocaine des enseignants de philosophie. Ledit communiqué a critiqué l’État marocain qui, selon l’association, veut produire des wahhabistes et des sympathisants de Daesh. Grave allégation qui, selon Chafiki, s’inscrit en porte-à-faux vis-à-vis des efforts du Maroc pour promouvoir un islam tolérant dans la région et en Afrique subsaharienne.

Le second message est adressé à l’association à l’origine de la polémique, ayant «sorti» le passage en question de son contexte. Chafiki ajoute que ledit passage est à caractère pédagogique, ayant pour but de permettre aux étudiants de comparer les thèses violentes de celles que la réflexion et le bon sens accepteny. Contrairement à ce qui a été véhiculé çà et là, y compris dans la presse étrangère, le ministère précise que les choix pédagogiques relatifs au nouveau curriculum d’éducation islamique ont pour objectif d’inculquer les valeurs de modération, de tolérance, de paix, d’altérité et d’amour de l’autre, mais aussi de renforcer les valeurs universellement partagées dans leur dimension spirituelle. Quant à l’extrait objet de la polémique, il concerne, ajoute le communiqué, une seule citation présentée dans le module «foi et philosophie» et utilisée comme illustration d’une position considérée par les auteurs dudit manuel comme violente envers la philosophie. Et d’ajouter que l’utilisation de cette citation fait partie d’un scénario pédagogique encadré par des «questions orientées» pour amener les élèves à faire des comparaisons entre les contenus de cette position, décrite comme violente, et des positions différentes qui considèrent que la raison et la pensée sont des outils permettant d’aboutir à la vérité.


whatsapp Recevez les actualités économiques récentes sur votre WhatsApp

Évolution des prix des fruits et légumes à Casablanca



Rejoignez LesEco.ma et recevez nos newsletters



Bouton retour en haut de la page