Maroc

Emploi au Maroc : une reprise en trompe-l’œil ?

Le Maroc a créé 213.000 emplois au 3e trimestre 2024, une reprise portée par les services et le BTP. Toutefois, le chômage persiste à 13,6%, touchant particulièrement les jeunes, les femmes et les diplômés. La disparité entre zones urbaines et rurales s’accentue avec une perte dans le secteur agricole de 124.000 emplois. L’inadéquation formation-emploi et la hausse du sous-emploi soulignent la fragilité de cette reprise.

C’est une création nette de 213.000 postes d’emploi au niveau national qu’a relevé le Haut-Commissariat au Plan (HCP) dans son rapport sur la situation du marché du travail au troisième trimestre 2024. Cette hausse, bienvenue après une perte de 297.000 postes l’année précédente, est principalement portée par le secteur des services et la croissance de l’emploi rémunéré.

Cependant, les analyses mettent en lumière la fragilité de cette reprise et les défis structurels qui persistent sur le marché du travail marocain. L’un des points saillants du rapport est la disparité entre le milieu urbain et rural. Si les villes ont créé 231.000 emplois, les zones rurales ont, quant à elles, subi une perte de 17.000 postes.

Comme le souligne Abdellatif Taghzouti, professeur de management et stratégies d’entreprise et chef du département management et digitalisation à l’ENCG de Fès, le milieu rural continue de souffrir des conséquences de la sécheresse, impactant négativement le secteur agricole. Ce dernier, malgré les efforts déployés, accuse une perte de 124.000 emplois, confirmant sa position de maillon faible de la création d’emplois au Maroc.

À l’inverse, le secteur tertiaire, avec 258.000 créations d’emplois, et le BTP, avec 57.000, tirent la croissance de l’emploi. Une tendance qui, selon Taghzouti, mérite d’être soulignée.

Jeunes, femmes et diplômés  sont les plus touchés par le chômage
Malgré la création d’emplois, le chômage reste un défi majeur. Le taux de chômage national a légèrement augmenté, passant de 13,5% à 13,6%, dépassant largement les niveaux pré-Covid. Cette situation, comme le note Taghzouti, est aggravée par la croissance de la population active, qui a progressé de 43,2% à 43,6%.

Le déséquilibre entre l’offre et la demande d’emploi est donc un facteur déterminant dans la persistance du chômage. De plus, certains groupes démographiques sont particulièrement touchés, notamment les jeunes de 15 à 24 ans (39,5% de chômage), les femmes (20,8%) et les diplômés (19,8%).

Décalage formation-emploi : un défi structurel
De son côté, El-Mahi Toufik, économiste et enseignant chercheur à la FSJES-FES, a précisé que les chiffres du HCP soulignent l’urgence d’adapter le système éducatif aux besoins du marché du travail. Pour lui, l’inadéquation entre formation et emploi est en effet un problème structurel au Maroc.

El-Mahi pointe du doigt le manque d’orientation des étudiants, l’approche théorique privilégiée par le système éducatif et la faible valorisation des filières professionnelles. Ces facteurs contribuent à la difficulté d’insertion des jeunes diplômés sur le marché du travail.

Pour remédier à cette situation, il propose plusieurs solutions, notamment l’amélioration de l’orientation des étudiants, l’intégration de compétences pratiques dans les programmes d’études, le renforcement des partenariats entre les établissements d’enseignement et les entreprises, et la promotion de l’entrepreneuriat.

Sous-emploi : la précarité s’accentue
Le sous-emploi, autre indicateur préoccupant, a également augmenté, passant de 9,6% à 10% au niveau national. Ce phénomène, qui touche 1,06 million de personnes, témoigne de la précarité de l’emploi et de la difficulté à trouver un travail correspondant aux qualifications et aux aspirations des individus.

Dans ce cadre, Taghzouti insiste sur la nécessité d’une approche coordonnée pour s’attaquer aux problèmes du marché du travail. Il appelle à la création d’une cellule de coordination regroupant les différents acteurs, notamment les bailleurs de fonds, les ministères de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, et les agences de placement, afin d’harmoniser les actions et d’optimiser l’impact des politiques publiques. Il préconise également la diversification des acteurs intermédiaires pour faciliter l’insertion professionnelle.

Taghzouti souligne également l’importance du contexte international et l’impact des événements extérieurs sur l’économie marocaine, et, par conséquent, sur le marché du travail. Il rappelle que le Maroc, en tant qu’économie intégrée dans le système mondial, est exposé aux fluctuations et aux crises internationales, comme l’illustrent les conséquences de la guerre en Ukraine.

Généralement, le rapport du HCP sur le marché du travail au troisième trimestre 2024 révèle une amélioration timide de la situation, mais les défis structurels demeurent importants. Le chômage, le sous-emploi et l’inadéquation entre formation et emploi nécessitent des actions concertées et une vision à long terme pour construire un marché du travail plus dynamique et inclusif.

Mehdi Idrissi / Les Inspirations ÉCO



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