Échange automatique des données fiscales : panique chez les MRE !
L’épineux sujet de l’échange automatique des données fiscales entre le Maroc et les pays de l’OCDE fait couler beaucoup d’encre. Récemment, il a été annoncé qu’une solution, préservant les intérêts des MRE, prend forme. En attendant d’avoir plus de visibilité, c’est la panique chez cette catégorie de contribuables.
L’annonce de l’entrée en vigueur de l’obligation de déclarer les comptes bancaires, détenus au Maroc dans les déclarations fiscales déposées dans leurs pays de résidence, continue de susciter un vent de panique auprès des Marocains résidents à l’étrange (MRE), tout comme le Marocain lambda. Plusieurs MRE annoncent la réception de courrier de leur banque portant sur la communication de possibles comptes bancaires non déclarés. Rien qu’à lire quelques commentaires, en dit long sur le niveau d’inquiétude. «En ratifiant ces lois, les transferts de nos MRE vont diminuer et cela va impacter l’économie marocaine, nos décideurs politiques et économiques suivent des recommandations de l’OCDE et la Banque mondiale sans évaluer les risques de paralysie de l’économie et de la société marocaine à long terme», affirme un analyste de la place.
«L’argent que nous envoyons est déjà imposé. Il est tracé. Si on est doublement taxé alors on arrêtera les transferts», réagit Hassan, un MRE installé en France.
«J’ai arrêté tous mes transferts et j’ai vidé mes comptes au Maroc en rapatriant mes comptes convertibles. Nous sommes une monnaie d’échange politique pour des problèmes que nous ne connaissons pas», réagit un autre.
«C’est à partir de 2022 que les amendes vont tomber pour les MRE. Le Maroc ne doit pas ratifier ce projet. Il est signé, mais pas encore ratifié heureusement», réagit Mohamed.
Dans l’ensemble, les réactions font état d’incompréhension, alors que d’autres sont beaucoup plus acerbes. Pour un autre analyste, «les MRE sont très attachés à leur origine. Ils vont certainement s’adapter, mais à quel prix ?». Selon un économiste, les autorités marocaines sont sur le point de trancher l’épineux dossier de l’échange automatique des données fiscales avec les pays membres de l’OCDE. «Une solution sera trouvée pour préserver les intérêts des MRE», annonce-t-il de sources concordantes. Depuis plusieurs semaines, les réunions s’enchaînent entre les différentes parties prenantes de ce dossier. Les discussions qui impliquent le secteur bancaire et le ministère des Finances seraient bien avancées. Le ministère des Affaires étrangères suit également de très près le développement de ce sujet et selon le confrère, tout porte à penser que le dénouement du dossier sera en faveur des Marocains résidant à l’étranger. Mais bien avant, celui-ci annonce le dévoilement, dans les semaines à venir, d’un plan de mise en œuvre de la convention relative à l’échange de données fiscales. Pour amplifier davantage les inquiétudes l’heure est aux supputations sur la date d’entrée en vigueur de cette mesure, chez les principaux concernés. «À partir du mois de septembre 2021», pour certains, «Début 2022», pour d’autres. Rappelons que le 24 mars dernier, la Direction générale des impôts (DGI) a souligné, via un communiqué, que le Maroc n’est tenu par aucun engagement pour échanger de manière automatique des informations à des fins fiscales au cours de l’année 2021. «Certains médias ont relayé une information selon laquelle la convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales (BEPS), signée par le Maroc en juin 2019 prévoirait un échange automatique de renseignements entre les pays signataires. Ces médias ont établi le lien entre cette convention et l’obligation pour les non-résidents de déclarer dès 2021, leurs comptes bancaires détenus au Maroc dans leurs déclarations fiscales déposés dans leurs pays de résidence. À cet effet, il convient de clarifier que l’objet de la convention précitée ne concerne pas l’échange automatique de renseignements. Par ailleurs, le Maroc n’est tenu par aucun engagement pour échanger de manière automatique, des informations à des fins fiscales au cours de l’année 2021», souligne la DGI. Réagissant au communiqué de la DGI, Frederic Elbar, conseil fiscal international, souligne que les transferts automatiques des comptes bancaires des non-résidents (donc notamment des MRE) ne se feront pas en 2021. «La DGI n’a pas indiqué quand ce transfert aura lieu. Il n’en demeure pas moins que les non-résidents qui possèdent des comptes bancaires au Maroc doivent les déclarer auprès des autorités fiscales de leur pays de résidence sous peine de sanctions fiscales et le cas échéant pénales».
De lourdes peines en jeu
Sept ans d’emprisonnement et une amende de 6 millions d’euros ! C’est ce que risquent les MRE de France qui ont des comptes bancaires au Maroc et qui ne les ont pas déclarés au fisc français (article 1741 du CGI). «C’est effectivement la peine encourue pour les contribuables de France qui se seront frauduleusement soustraits à l’impôt avec des comptes bancaires à l’étranger non déclarés. Ainsi, dans le cadre du transfert automatique de données bancaires dans lequel le Maroc s’engagera à compter de septembre 2021, les comptes bancaires des MRE au Maroc seront déclarés auprès des autorités fiscales françaises. Il est encore possible pour les contribuables concernés de régulariser spontanément leur situation ; cela ne leur évitera pas un rappel d’impôt (si impôt il y a) et de majoration mais ce sera beaucoup moins lourd que si c’est le fisc qui le découvre», explique le fiscaliste, qui fait la remarque suivante : «Si vos comptes en banque au Maroc n’ont été alimentés que par des revenus déclarés en France, le risque est quasiment nul, vous ne risquez qu’une amende de 1.500 euros pour compte en banque à l’étranger non déclaré. Par contre, si ces comptes ont été alimentés par des sommes ou des revenus non déclarées au fisc français vous êtes pénalement exposés».
Modeste Kouamé / Les Inspirations Éco