Maroc

Drâa-Tafilalet : des pluies providentielles pour une agriculture exsangue

Après six années de sécheresse, la région de Drâa-Tafilalet respire à nouveau grâce aux pluies abondantes qui se sont abattues récemment. Ces précipitations offrent une perspective favorable pour la prochaine campagne agricole et le renforcement des ressources en eau, malgré les défis persistants liés à la gestion de cette ressource précieuse. 

Après des années marquées par une sévère sécheresse, la région de Drâa-Tafilalet a enfin bénéficié de précipitations significatives, suscitant un profond soulagement chez les agriculteurs et les habitants. Les zones oasiennes, particulièrement dépendantes des eaux souterraines, ont vu leurs nappes phréatiques commencer à se recharger.

«Ces pluies salvatrices redonnent vie aux terres et aux rivières de la région, ouvrant la voie à une campagne agricole prometteuse», se félicite Moulay M’hamed Slimani, directeur de l’Agence du bassin hydraulique de Guir-Ziz-Rheris (ABHGZR).

Les volumes d’eau collectés dans les barrages, tels que celui de Hassan Addakhil, sont estimés à près de 89,9 millions de m³, une bouffée d’air pour cette région où les ressources en eau sont essentielles à l’irrigation et à l’approvisionnement en eau potable.

Selon le responsable, «la région dépend fortement des nappes souterraines pour s’approvisionner en eau potable, et ces pluies vont permettre d’assurer cet approvisionnement pour une période prolongée.»

Renforcer les infrastructures hydrauliques pour prévenir les crues
Si ces pluies sont salvatrices pour l’agriculture et l’approvisionnement en eau potable, elles posent également des défis en matière de gestion des crues. Consciente des risques, l’Agence du bassin hydraulique a déployé plusieurs dispositifs pour anticiper les intempéries.

«Nous avons réactivé les commissions de veille dès les premières alertes météorologiques. Grâce à l’installation de 32 stations de télémesure, nous surveillons en temps réel les niveaux d’eau et pouvons alerter rapidement les populations en cas de danger», explique le directeur de l’ABHGZR.

Ces stations sont équipées de pluviomètres automatiques et de capteurs de niveau d’eau, permettant de mesurer les données hydrologiques en temps réel. Un autre dispositif important est le système d’alerte aux crues. Lors des récentes intempéries, six postes d’alarme installés dans les zones les plus vulnérables ont été activés en concertation avec les autorités locales, diffusant des alertes immédiates et réduisant les risques pour les populations.

En parallèle, l’ABHGZR a mis l’accent sur le rôle crucial des barrages de dérivation et des petits barrages. Ces infrastructures permettent de stocker les eaux des crues et protègent les villages et cultures situés à leurs avals. Les barrages d’Akerrouz, Taghoucht ou encore Talmaidert ont rempli efficacement cette mission, stockant d’importantes quantités d’eau tout en contribuant à l’irrigation des terres agricoles. Slimani souligne également l’importance du barrage de dérivation de Moulay-Brahim, qui a permis l’irrigation de plus de 34.000 hectares dans la plaine de Tafilalet.

Au-delà des infrastructures actuelles, des efforts supplémentaires sont déployés pour améliorer la gestion de l’eau dans la région. Le Programme national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation (PNAEPI) 2020-2027 prévoit la construction de 16 barrages collinaires dans la région, une initiative qui vise à renforcer la capacité de stockage des eaux pluviales et à réduire la dépendance aux nappes souterraines.

Une région vulnérable face aux effets du changement climatique
Le retour des pluies à Drâa-Tafilalet ne fait que souligner les défis profonds liés au changement climatique, un phénomène qui frappe particulièrement les régions arides du sud-est marocain. Les experts s’accordent à dire que la région fait face à des conditions climatiques de plus en plus extrêmes, alternant entre longues périodes de sécheresse et épisodes de fortes pluies, souvent accompagnées de crues soudaines.

Moulay M’hamed Slimani, à l’ABHGZR, explique que les nappes souterraines de la région ont subi une baisse constante de leur niveau au cours des deux dernières décennies, à un rythme de 15 à 20 m³ par an. Cette situation a fortement impacté la production agricole, en particulier la culture du palmier dattier, dont la production a diminué de 34%.

«Les oasis, qui sont le cœur de l’agriculture dans cette région, ont particulièrement souffert de la baisse des eaux souterraines, mettant en péril la durabilité de cet écosystème unique», déplore Slimani.

En réponse à cette situation critique, plusieurs projets ont été lancés pour promouvoir une gestion durable de l’eau. Parmi les initiatives envisagées figure l’interconnexion des bassins hydrauliques, un chantier de grande envergure qui permettrait de maximiser l’utilisation des précipitations en transférant les surplus d’eau des régions excédentaires vers les zones en déficit.

Cette stratégie vise à créer un réseau national de distribution d’eau capable d’atténuer les effets de la sécheresse et des crues. Les experts plaident également pour un changement dans les pratiques agricoles, en particulier dans la sélection des cultures.

Slimani insiste sur la nécessité de promouvoir des cultures moins gourmandes en eau. «Le développement de l’agriculture durable est essentiel pour assurer la pérennité des ressources en eau dans la région», souligne-t-il.

Un optimisme prudent mais réel
Pour les habitants et les agriculteurs de Drâa-Tafilalet, ces pluies représentent une véritable bouffée d’oxygène, même si la prudence reste de mise. Les enjeux climatiques et la gestion des ressources hydrauliques exigent une attention constante.

«Nous avons scruté le ciel pendant des années dans l’espoir de pluies. Aujourd’hui, elles sont enfin là, et elles redonnent espoir à toute la communauté agricole», se réjouit Abdellah El Khadiri, président du réseau des coopératives des oasis de Toudgha.

Cette région, longtemps marquée par l’incertitude climatique, voit désormais un avenir un peu plus serein grâce à ces apports en eau. Cependant, la nécessité de préserver ces ressources reste une priorité urgente, afin de garantir la résilience des écosystèmes et des communautés face aux défis environnementaux.

Sami Nemli avec Agence / Les Inspirations ÉCO



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