Maroc

Dr. Kaushik Majumdar : “L’APNI accompagne les agriculteurs dans l’optimisation de leurs rendements et rentabilité”

Dr. Kaushik Majumdar
Directeur général de l’Institut africain de la nutrition des plantes (APNI)

Dans cet entretien, Dr. Kaushik Majumdar, directeur général de l’APNI, revient sur la mission globale de l’institut, les modalités d’appui aux agriculteurs, les systèmes agricoles ruraux ainsi que les priorités futures pour renforcer ce soutien aux économies rurales et à l’agriculture durable en Afrique.

Comment la mission globale de l’APNI se traduit-elle concrètement en actions visant à améliorer les conditions de vie et l’économie dans les zones rurales au Maroc et ailleurs sur le continent africain ?
Nous sommes un institut de recherche et développement à but non lucratif basé à Benguérir, au Maroc, dont la mission est d’améliorer la nutrition des plantes pour renforcer la résilience et la sécurité alimentaire en Afrique. La mission de l’APNI vise d’abord à accroître durablement la productivité des cultures africaines grâce à des pratiques optimisées de nutrition des plantes.

Concrètement, nous soutenons l’innovation en matière de nutrition des sols et de fertilisation des cultures : cela se traduit par une hausse des rendements et des revenus pour les petits exploitants, et donc par une meilleure sécurité alimentaire au sein des ménages. Nous accompagnons également les agriculteurs dans l’adoption des «bonnes pratiques» de gestion des nutriments, en leur transmettant les connaissances et les compétences nécessaires pour prendre des décisions éclairées.

Par ailleurs, l’APNI encourage les jeunes à s’engager dans l’agri‑tech et l’agriculture fondée sur les données scientifiques, tout en favorisant la participation des femmes aux décisions agricoles et à la génération de revenus, pour des opportunités économiques plus équitables et un entrepreneuriat rural dynamique.

Pour garantir un impact réel sur le terrain, l’APNI collabore étroitement avec des institutions gouvernementales, entre autres le ministère de l’Agriculture au Maroc, les ONG, les instituts de recherche (INRA), les universités (UM6P), les «commodity groups», le secteur privé (groupe OCP) et les collectivités régionales. Par exemple, au Maroc, nos travaux en agriculture de précision et en optimisation des engrais ont permis aux céréaliers et aux oléiculteurs d’améliorer à la fois leurs rendements et leur résilience face aux aléas climatiques.

Quels sont les programmes ou initiatives clés de l’APNI qui ont le plus d’impact direct sur les communautés rurales ?
Les initiatives de l’APNI visent à rendre la science de la nutrition des plantes accessible et utile pour les agriculteurs et les acteurs ruraux. L’Institut joue un rôle de premier plan dans le développement et la mise en œuvre du concept scientifique des «4R» (right source, rate, time and place) pour une gestion raisonnée des éléments nutritifs à l’échelle des parcelles.

En proposant des stratégies adaptées aux cultures vivrières (riz, blé, maïs, haricots, etc.) et de plantation (olivier, cacao, café, etc.), l’APNI accompagne les agriculteurs dans l’optimisation de leurs rendements et de leur rentabilité.

À travers l’initiative Excel Africa, l’APNI investit également dans la formation de la prochaine génération de spécialistes africains des sols et d’agronomes grâce à un programme de bourses et de récompenses destiné à les préparer à conduire la transformation agricole du continent.

La plateforme Growing Africa vise quant à elle à renforcer les connaissances et sensibiliser les communautés rurales à la nutrition des plantes. À mesure de son développement, elle a vocation à devenir une ressource pratique pour les conseillers agricoles travaillant directement avec les agriculteurs sur le terrain.

Comment l’APNI adapte-t-il ses approches et recommandations en matière de nutrition végétale aux contextes écologiques, sociaux et économiques très diversifiés des zones rurales africaines ?
Les zones rurales africaines se caractérisent par une grande diversité de sols, de climats, de systèmes agricoles, de cultures, de structures socio-économiques et de pratiques culturelles. Il n’existe donc pas de solution unique en matière de nutrition des plantes.

L’APNI s’appuie sur les principes scientifiques de la gestion raisonnée des éléments nutritifs selon l’approche des 4R (right source, rate, time and place) pour optimiser l’apport des nutriments selon les contextes biophysiques et socio-économiques variés du continent.

L’Institut collabore avec des agriculteurs et différents partenaires pour codévelopper des solutions pertinentes, adaptées à leurs réalités, à travers une approche participative qui leur permet d’appliquer ces pratiques directement sur leurs propres parcelles. Nos stratégies doivent s’aligner sur les objectifs de développement local et les réalités économiques régionales pour rester pertinentes. Notre travail s’appuie sur des retours du terrain en temps réel et adopte une approche de gestion adaptative.

La stratégie de l’APNI est profondément ancrée dans les contextes locaux : elle associe la science, les savoirs traditionnels et les partenariats pour que la nutrition des plantes fasse une réelle différence – entre les mains des agriculteurs.

L’APNI collabore également avec les chaînes d’approvisionnement en engrais pour garantir l’accès des agriculteurs aux bons intrants, au bon moment. L’Institut contribue au développement de formules d’engrais adaptées aux régions et soutient des politiques favorisant la disponibilité et l’accessibilité des nutriments pour les petits exploitants.

De quelle manière les travaux de l’APNI aident-ils les agriculteurs et les systèmes agricoles ruraux à être plus résilients face aux chocs climatiques ?
Renforcer la résilience climatique des systèmes agricoles, qu’ils soient basés sur des cultures annuelles ou pérennes, est une priorité majeure pour l’APNI, dans un contexte où les petits exploitants africains sont particulièrement exposés à la sécheresse, aux pluies irrégulières, aux vagues de chaleur et à la dégradation des terres.

Des sols en bonne santé jouent un rôle essentiel face aux aléas climatiques en retenant mieux l’eau, en favorisant le recyclage des nutriments et en stimulant la croissance des plantes. Une gestion équilibrée et adaptée de la fertilisation, basée sur le cadre des 4R (right source, rate, time and place), permet aux cultures de développer une meilleure résistance aux chocs climatiques.

Elle permet aussi d’ajuster les apports en engrais en fonction des conditions climatiques changeantes, de limiter les pertes de nutriments et d’augmenter leur efficacité.

L’APNI promeut des pratiques agronomiques telles que la réduction du travail du sol, la rotation des cultures, les cultures associées ou encore l’agroforesterie. Ces approches permettent de limiter l’érosion, d’améliorer la structure du sol et d’encourager la diversification comme moyen d’adaptation aux risques climatiques.

Quelles sont les priorités futures de l’APNI pour renforcer encore son soutien aux économies rurales et à l’agriculture durable en Afrique ?
L’APNI évolue de manière stratégique pour faire progresser l’agriculture durable à travers l’Afrique et renforcer son impact sur les économies rurales. L’Institut ambitionne de créer et de consolider des plateformes de recherche régionales afin de développer des solutions de fertilisation adaptées aux contextes locaux et d’encourager l’innovation en matière de productivité agricole durable face au changement climatique.

À travers une gestion innovante des nutriments, l’APNI joue un rôle de premier plan dans la restauration de la santé des sols et la régénération des terres dégradées en Afrique, un enjeu central pour assurer la sécurité alimentaire future et préserver les écosystèmes naturels du continent.

L’APNI développe également une base de données scientifique pour soutenir la mise en place de politiques d’engrais efficaces, améliorer l’accès des agriculteurs aux intrants, et renforcer les liens avec les marchés locaux.

L’Institut contribue activement aux grandes stratégies continentales, telles que le Plan d’action décennal de l’Union africaine pour les engrais et la santé des sols, qui s’appuie sur une collaboration multi-acteur pour générer un changement systémique dans les zones rurales.

La vision de l’APNI repose sur la construction de systèmes agricoles adaptatifs, inclusifs et résilients. En combinant science, innovation, savoirs locaux et plaidoyer politique, l’APNI œuvre pour un développement durable et prospère des communautés rurales africaines.

Yassine Saber / Les Inspirations ÉCO



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