Dessalement à Casablanca: les raisons d’un choix stratégique
Après Laâyoune, Boujdour, Tan-Tan et Akhfenir, la région Casablanca-Settat aura sa station de dessalement d’eau de mer. Avec le projet de construction de l’une des plus grandes stations de ce type sur le continent, le Maroc négocie un virage structurel en matière d’approvisionnement en eau potable de sa population. Quels sont les enjeux ?
Le Maroc s’apprête à lancer les travaux d’une station de dessalement d’eau de mer à Casablanca. Selon le ministre de l’Équipement, du transport, de la logistique et de l’eau, il s’agit de la plus grande station du genre en Afrique. L’annonce a été faite jeudi dernier par Abdelkader Amara, ministre de l’Équipement, devant les députés. Cependant, très peu de détails filtrent sur le projet, notamment la date de démarrage des travaux, le site qui abritera la station, ou encore le budget qui sera mobilisé. Le ministre a tout de même fait savoir que cette station aura une capacité de production de quelque 300 millions de m3/an, et alimentera en eau potable les riverains de la capitale économique. Selon les projections du HCP, la population de la région Casablanca-Settat est estimée à 7,4 millions d’habitants en 2020, ce qui fait de cette région la plus peuplée du Royaume avec un poids de 20,3% de la population nationale. Cette situation va se maintenir jusqu’à 2030, avec une projection atteignant 8,3 millions d’habitants.
La station viendra s’ajouter à celles déjà opérationnelles à Laâyoune, Boujdour, Tan-Tan et Akhfenir. À l’instar de la station de dessalement d’Agadir, Casablanca-Settat envisage aussi le recours à la technique de l’osmose inverse, plus performante et moins coûteuse que le dessalement par distillation, premier système développé, mais très gourmand en énergie. Soulignons que la station de Casablanca avait déjà été annoncée onze mois plus tôt par le ministre Amara, lors de la cérémonie de signature de la convention-cadre du Programme national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation 2020-2027.
«Deux stations de dessalement sont en cours de réalisation à Agadir et Al-Hoceima et trois autres sont programmées à Casablanca, Dakhla et Safi», indiquait le ministre.
Le Programme national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation 2020-2027 mobilise un investissement global de l’ordre de 115,4 MMDH. Selon le ministre, le financement de ce programme est finalisé. Il sera assuré à hauteur de 60% par le Budget général de l’État, 39% par les acteurs concernés et le reste dans le cadre du Partenariat public-privé. L’objectif visé étant la consolidation et la diversification des sources d’approvisionnement en eau potable, l’accompagnement de la demande pour cette source inestimable, la garantie de la sécurité hydrique et la lutte contre les effets des changements climatiques. Le projet vise à palier à la pénurie d’eau jugée alarmante par les autorités. En effet, les indicateurs, les chiffres et les prévisions des instances compétentes sont dans le rouge. Les ressources en eau sont actuellement évaluées à environ 500 m3/habitant/an, comparé à 2.500 m3 en 1960. Le royaume est le 23e pays le plus menacé par les pénuries d’eau, selon le dernier rapport du World Resources Institute (WRI) qui a étudié la situation de 165 pays.
De nombreux avantages stratégiques
Le dessalement d’eau de mer est présenté comme une alternative quand les ressources conventionnelles (cours d’eau, nappes phréatiques) viennent à être insuffisantes. La technique présente pour le Maroc, de nombreux avantages stratégiques. Sachant que Casablanca est une ville côtière et que l’usine de dessalement – par définition à proximité de la mer – sera idéalement située car proche de foyer de consommation. Entre 1971 et 2010, la population totale du Maroc s’est multipliée par 2,1 en moyenne : 2,3 pour la population du littoral, contre 1,8 pour celle de l’intérieur. De plus, le Maroc a le privilège de disposer de deux façades maritimes longues de 3.500 km dont plus de 500 sur la Méditerranée et un peu moins de 3.000 km sur l’Atlantique. Le dessalement renforce l’indépendance nationale puisque, en principe, aucun acteur étatique extérieur n’est nécessaire. La mer n’ayant pas d’amont ni d’aval, le flux ne peut être limité par un voisin. La ressource étant considérée illimitée, les conflits concernant son utilisation n’ont pas l’intensité de ceux portant sur les fleuves internationaux.
Modeste Kouame / Les Inspirations Éco