Déchets textiles : le Maroc au défi de l’alignement avec l’Europe
Alors que le secteur textile marocain continue de croître, la gestion des chutes textiles post-industrielles devient un enjeu incontournable. Avec l’évolution des normes internationales, notamment en Europe, le Maroc doit repenser sa législation pour structurer un écosystème circulaire. Des discussions récentes ont mis en avant la nécessité de renforcer la traçabilité et d’adopter des pratiques durables dans toute la chaîne de valeur.
En 2023, les exportations du secteur textile marocain ont atteint un chiffre record de 4,5 milliards de dollars, soulignant ainsi son importance stratégique pour l’économie nationale. Cependant, derrière ces performances se cachent des défis environnementaux majeurs, notamment la gestion des chutes textiles post-industrielles.
Dans ce contexte, l’International Finance Corporation (IFC) a organisé une rencontre à Tanger, le Textile Circularity Exchange, réunissant des experts du secteur textile pour discuter des enjeux liés à l’économie circulaire.
Cet événement, qui a mis en lumière la question cruciale de la gestion des chutes textiles post-industrielles, a permis de souligner l’urgence d’une réforme législative marocaine pour se conformer aux standards internationaux, notamment européens.
Le Maroc, dont les exportations textiles vers l’Europe atteignent des niveaux record, doit désormais s’adapter aux nouvelles exigences de traçabilité des déchets pour maintenir sa compétitivité et assurer la durabilité de son secteur.
Un cadre législatif en déphasage
La législation marocaine actuelle en matière de gestion des déchets, notamment la loi 28.00, peine à répondre aux exigences de l’économie circulaire. Bien qu’elle offre une base réglementaire, cette loi ne distingue pas clairement les déchets textiles des autres formes de rejets industriels.
Dans un contexte où 97,7% des exportations marocaines de textile sont réalisées sous le régime ATPA (admission temporaire pour perfectionnement actif), une grande partie des chutes textiles générées sous ce régime échappent aux contrôles stricts requis par l’Europe. Les chutes textiles, considérées comme des déchets selon la législation marocaine actuelle, constituent en réalité des ressources précieuses pour l’économie circulaire.
La redéfinition de ces chutes dans le cadre de l’avant-projet de décret N°48.23, en cours de préparation par le MTEDD, sera cruciale pour harmoniser les pratiques avec les normes internationales.
Ce décret, visant à améliorer la loi 28.00, pourrait ouvrir la voie à une gestion plus précise et traçable des déchets textiles, a assuré Taha Ghazi directeur des industries du textile et du cuir au sein du ministere de l’Industrie. L’objectif est clair, rendre toute la chaîne de valeur responsable, de la marque au recycleur.
La pression de l’Europe, un moteur de changement
L’Europe, principal marché du textile marocain, exige désormais une traçabilité totale des déchets textiles, conformément aux objectifs de sa directive révisée sur la gestion des déchets. La législation impose aux producteurs de rendre compte de l’intégralité du cycle de vie de leurs produits, y compris des chutes générées lors du processus de fabrication.
Cette nouvelle réglementation pose un défi direct aux exportateurs marocains qui doivent s’adapter sous peine de voir leur compétitivité chuter. Le défi pour le gouvernement marocain est donc de mettre en place une traçabilité complète et formelle des chutes textiles. L’introduction d’une chaîne logistique numérique, permettant un suivi du déchet de sa production à sa réutilisation, serait l’une des solutions envisagées par le ministère de l’Industrie et du Commerce pour répondre à ces exigences européennes.
Le modèle européen de responsabilité élargie des producteurs (REP), qui fait peser la responsabilité des déchets sur l’ensemble de la chaîne de valeur, pourrait être adapté au contexte marocain. Un tel modèle permettrait non seulement de responsabiliser les entreprises, mais aussi d’attirer des investissements dans des infrastructures de gestion des déchets.
L’enjeu est d’autant plus crucial que les IDE dans le secteur textile ont augmenté de 7% en 2023. L’émergence d’un écosystème industriel circulaire, fondé sur des pratiques durables et traçables, serait donc une opportunité de consolider les liens commerciaux avec l’Europe, tout en positionnant le Maroc comme un acteur clé dans l’économie circulaire mondiale.
Des opportunités économiques à saisir
L’adoption de ces réformes législatives et le développement d’infrastructures de recyclage permettraient au Maroc de transformer un défi réglementaire en une opportunité économique. Le secteur du recyclage textile pourrait devenir une source majeure de création d’emplois verts et de valeur ajoutée.
Les entreprises marocaines, en particulier celles bénéficiant du régime ATPA, gagneraient en compétitivité et en attractivité, tout en répondant aux attentes de leurs partenaires européens. La gestion des déchets textiles ne se limite plus à une simple question environnementale. Elle est devenue un impératif économique et législatif.
Pour rester compétitif sur le marché européen, le Maroc doit réformer son cadre législatif en profondeur, adopter des pratiques de traçabilité innovantes et encourager le développement d’infrastructures de recyclage. Le défi est immense, mais il ouvre la voie à une nouvelle ère pour le secteur textile marocain.
Faiza Rhoul / Les Inspirations ÉCO