Consolidation/Externalisation : à quel prix ?
L’internalisation de la consolidation comptable est une tendance émergente au Maroc, qui soulève opportunités et défis. Maîtrise, indépendance, gain de productivité… les bienfaits sont réels mais à quel prix ? Zoom sur les enjeux stratégiques et opérationnels pour les groupes. Mais aussi les écueils potentiels et les prérequis indispensables pour une fonction consolidation performante en interne. Au-delà des aspects techniques, il ne faudrait pas négliger les défis culturels et l’importance du facteur humain.
La consolidation des comptes est un exercice complexe mais essentiel pour les groupes d’entreprises. Au Maroc, cette fonction gagne du terrain en étant de plus en plus internalisée au sein des directions financières. Khalid Raji, président de l’Association marocaine des consolideurs financiers (AMCF), commente cette tendance : «Ce choix constitue un investissement conséquent mais stratégique pour maîtriser pleinement l’information financière consolidée des groupes.
Ces derniers doivent cependant être préparés à relever les défis organisationnels et techniques impliqués. Le renforcement des compétences, l’harmonisation des processus et des systèmes d’information entre les filiales, ainsi que la modernisation des outils de consolidation seront déterminants». Pourquoi la consolidation est-elle si cruciale ? Cette discipline vise à produire une information financière reflétant l’image économique fidèle du groupe, à l’échelle consolidée. En transcendant les frontières juridiques des entités, elle restitue la réalité du poids économique global.
Cette vision économique et financière, dictée par les normes IFRS ou autres référentiels, diffère de la comptabilité sociale classique. L’information consolidée répond aux besoins des investisseurs, des bailleurs de fonds et des marchés financiers. Son traitement comptable spécifique intègre des éléments comme l’activation des contrats de location, la constatation d’impôts différés, ou les écarts d’acquisition, essentiels pour une lecture financière précise.
Complexités d’une consolidation internalisée
Dans une organisation internalisée, un département ou une direction pilote en interne le processus de consolidation des comptes du groupe. Cela implique de relever plusieurs défis majeurs : regrouper des multitudes de sources d’information financière hétérogènes issues des différentes filiales, aux pratiques comptables parfois divergentes ; fédérer les nombreux intervenants et niveaux de décision décentralisés autour d’un objectif commun ; harmoniser les données issues de systèmes d’information aux architectures variées, parfois inadaptées au reporting groupe ; ou encore coordonner les différents auditeurs et commissaires aux comptes intervenant sur la certification des filiales.
Face à cette complexité, l’internalisation de la fonction consolidation au sein d’un département dédié présente des avantages notables. Elle permet une maîtrise complète du processus, de la collecte à la production finale, ainsi qu’une réactivité accrue aux évolutions réglementaires. Une équipe consolidation intégrée maîtrise mieux les spécificités du groupe et les enjeux stratégiques de l’information financière consolidée. Elle peut ainsi produire une information de qualité, auditée et certifiée, indispensable pour les investisseurs et prêteurs.
De plus, une consolidation internalisée renforce la gouvernance financière du groupe. La direction financière centralisée détient un meilleur contrôle sur le processus et les retraitements comptables. Elle assure une cohérence accrue des méthodes appliquées dans toutes les filiales du groupe.
Enfin, un département consolidation interne constitue un pôle d’expertise précieux. Il capitalise les connaissances spécifiques en normes IFRS, en systèmes d’information de consolidation et en techniques de retraitements complexes. Ce capital humain est un atout concurrentiel durable pour le groupe. Les compétences sont développées en interne, réduisant la dépendance aux prestataires externes.
Des coûts de structure élevés
Cependant, les coûts de structure sont élevés, avec la nécessité de disposer d’une équipe dédiée, formée et dimensionnée en conséquence. Les compétences requises en systèmes d’information, en normes IFRS et en techniques de consolidation sont par ailleurs pointues et difficiles à réunir.
«Le défi est de taille pour assurer une véritable expertise de la consolidation en interne, tant sur les aspects techniques que les aspects systèmes», analyse Khalid Raji.
Et d’ajouter que d’un point de vue organisationnel, le groupe doit disposer de ressources compétentes en nombre suffisant pour constituer une équipe dédiée performante. La formation et la rétention des talents sont donc cruciales. La constitution d’une équipe compétente et expérimentée en consolidation est essentielle, ce qui peut s’avérer coûteux et prendre du temps.
Par ailleurs, la gouvernance des processus de consolidation doit être clairement définie pour une coordination efficace entre la société mère et les filiales. La répartition des rôles et responsabilités entre le département de consolidation et les directions financières des filiales doit être clairement définie. Une gouvernance solide et une culture de collaboration sont essentielles pour assurer une consolidation efficiente. Techniquement, le groupe doit se doter d’un système d’information de consolidation intégré et performant.
«L’investissement initial peut être conséquent mais sera rapidement rentabilisé par les gains d’efficacité et la fiabilité accrue de l’information financière», assure l’expert. Toutefois, une attention particulière doit être portée à l’interfaçage avec les systèmes sources hétérogènes des filiales. Malgré les défis techniques et humains à relever, l’internationalisation permet aux groupes de disposer d’une information financière consolidée fiable et certifiée, gage de crédibilité auprès des investisseurs nationaux et internationaux. Une étape clé pour se développer et rivaliser sur les marchés mondiaux.
D’un département de consolidation à un véritable «pôle de compétence de l’information financière»
L’internalisation exige une implication active des directions financières des filiales, qui fournissent les informations brutes ou déjà retraitées à l’équipe centrale. Le département de consolidation devient alors un véritable «pôle de compétence de l’information financière». Son rôle est essentiel, allant du pilotage de l’élaboration des comptes consolidés à l’assistance aux filiales, en passant par la facilitation du reporting de gestion.
«Elle joue également un rôle de conseiller des filiales pour les assister à réussir leur contribution à la consolidation», souligne l’expert en consolidation financière.
Cependant, cette approche présente également des défis. La coordination et la communication entre les différentes entités du groupe doivent être optimales pour assurer une consolidation efficace.
Le rôle du conseil externe reste donc pertinent, comme le souligne Raji : «Le conseil en consolidation apporte une expertise pointue sur des questions particulières qui peuvent surgir à chaque cycle de consolidation».
Il peut également fournir un support ponctuel en cas de charge de travail importante ou imprévue. Un autre enjeu majeur concerne le système d’information.
Comme l’explique Khalid Raji, «l’outil de consolidation joue un rôle primordial dans l’efficacité de l’organisation interne».
Il doit permettre la collecte homogène des données, le contrôle et l’automatisation des traitements, ainsi que la restitution des informations consolidées. Le choix d’un outil adapté aux besoins de l’entreprise est donc crucial. Enfin, la nature de l’information consolidée doit être prise en compte. Comme le souligne Khalid Raji, «l’information financière consolidée en interne revêt un large spectre». Selon le degré d’intégration des activités du groupe, l’information consolidée peut aller d’un niveau très agrégé à une granularité fine, intégrant des données opérationnelles et de gestion.
Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO