Maroc

Conseil de Bank Al-Maghrib : vers une gestion plus active de la dette

Abdellatif Jouahri tente de rassurer par rapport au niveau d’endettement du Trésor suite à la dernière sortie du Maroc à l’international. Il encourage par ailleurs une gestion active de la trésorerie et pousse les banques et les organismes de prévoyance à y contribuer afin d’alléger la charge d’intérêt sur le Budget de l’État. Détails.

Les bonnes conditions de la sortie à l’international
Abdellatif Jouahri a tenu à rappeler qu’au départ, il était prévu que le Trésor effectuerait deux sorties sur le marché international cette année. La première opération du mois de septembre s’est soldée par une levée de 1 milliard d’euros répartie sur deux maturités. Une émission qui, selon le wali de Bank Al-Maghrib, a été réalisée dans des conditions de marché «pas très favorables», poussant ainsi la Banque centrale à reporter la deuxième sortie à 2021. Entre-temps, les marchés se sont bien comportés, en raison «probablement» de l’annonce des vaccins anti-Covid-19 et des prévisions rassurantes liées à la fin du confinement et de la pandémie. Une euphorie qui s’est traduite par une surliquidité sur le marché international dont le royaume a souhaité tirer profit. «Je pense que le Maroc a très bien joué l’angle de tir pour sortir à ce moment-là puisqu’il a pu bénéficier de conditions très favorables», explique Jouahri. Preuve en est le volume de souscription, qui a atteint 13 milliards de dollars, alors que la levée visait seulement les 3 milliards. «Le Maroc pouvait facilement aller au-delà des 3 milliards, mais le ministère des Finances a décidé de se limiter à ce montant-là».

La dégradation de Fitch peu éthique
Bien que l’agence de notation Fitch ait dégradé la note du Maroc, le marché a répondu positivement à cette émission à l’international. Cette dégradation, le wali de Bank Al-Maghrib n’a pu la cautionner. «Nous avons été très surpris par la dégradation de la note du Maroc par Fitch Ratings, qui avait pourtant maintenu l’investment grade du Maroc il y a moins de six mois… Sortir six mois plus tard pour changer subitement de position, dans un contexte où le monde entier traverse une crise inédite, n’est pas professionnel et peu éthique», a lancé Abdellatif Jouahri. Ce dernier aurait, conjointement avec le ministère des Finances, contacté l’agence pour lui reprocher cette décision intervenue à la veille de la sortie du Maroc sur le marché international», déclare Jouahri. Ce faisant, les autres agences de notation améliorent progressivement la formulation de leurs appréciations.

Les retombées positives de la levée de fonds
Cette levée de 3 milliards de dollars aura des retombées positives aussi bien sur les finances publiques que sur le marché monétaire. D’ailleurs, Jouahri a tenu à distinguer les effets d’une émission obligataire de ceux de la ligne de précaution de liquidité (LPL) sur le plan de la politique monétaire. «La contrepartie en dirham de l’emprunt sur le marché international -que ce soit celle de septembre où celle de décembre- bénéficiera directement au Trésor, contrairement à la LPL dont la contrepartie est restée en devises à la Banque centrale», explique le wali. L’emprunt devra en premier lieu répondre aux besoins des finances publiques. Il permettra ensuite de soulager les besoins des banques durant cette période à travers une gestion active de la trésorerie qui se traduirait par des placements sur le marché monétaire. À noter que la réalisation de cette émission en décembre permettra de couvrir une partie des besoins exprimés en 2021, au niveau de la trésorerie de l’État comme des banques. «De toute façon, nous avons, en tant que Banque centrale, répondu à toutes les demandes formulées par les banques. Nous n’avons refusé aucune demande», assure Jouahri. Il précise que la part des facilités à un et trois mois prennent de plus en plus d’importance sur le plan de la gestion de la trésorerie des banques. Cela leur donne une meilleure visibilité qu’avec les adjurations sur le marché monétaire à sept jours. La Banque centrale reste tout de même confiante quant à sa capacité à soutenir le financement des banques. «Nous répondrons présent si d’autres besoins s’expriment demain, malgré l’impact que va avoir la contrepartie en dirham de cette levée et l’aisance de placement de la trésorerie sur le marché monétaire», affirme Jouahri. Il ajoute : «Nous allons continuer à soutenir les banques en 2021 comme nous l’avons fait en 2020.»

L’impact du plan de relance sur les CES
La Banque centrale confirme sa capacité à accompagner le plan de relance économique, tout en s’appuyant sur les garanties qui seront mises en place par la Caisse centrale de garantie (CCG). Pourtant, une ombre subsiste : celle des créances en souffrance (CES). En effet, avec toutes les mesures d’accompagnement prises auparavant par le Comité de veille économique via les crédits Damane Oxygène et Relance ainsi que les moratoires, l’impact sur les créances en souffrance s’est rapidement fait ressentir. Depuis le début de l’année, les CES ont grimpé à plus de 9,7 MMDH avec un taux de sinistralité de 8,4%. «Nous n’avons pas encore de visibilité sur l’impact d’ici la fin d’année», affirme le wali, conscient que la situation impactera sensiblement la solvabilité des banques puisque ces dernières devront provisionner davantage. Le coût du risque va de son côté peser sur leurs résultats, sachant que le ratio de rentabilité par rapport au chiffre d’affaires a baissé de plus de moitié par rapport à 2019.

L’importance de la gestion active de la dette
La gestion active de la trésorerie, selon le wali de Bank Al-Maghrib, est un élément important à mettre en avant. Elle permettrait ainsi à l’État d’alléger la charge d’intérêts de la dette en remplaçant une dette par une autre. «Le Trésor l’a déjà fait une fois, mais nous l’encourageons à le refaire… Nous avons d’ailleurs demandé aux banques ainsi qu’aux organismes de prévoyance, à travers leur épargne long terme, d’apporter leur contribution à cette gestion», affirme Jouahri. Toutefois, souligne-t-il, l’endettement public doit être soumis à certaines limites, surtout par rapport à la capacité de remboursement, mais aussi pour ne pas laisser les générations futures supporter le poids de cette dette. «Le marché à l’international a repris ces dernières semaines une telle confiance et une telle liquidité qu’il y a eu des emprunts qui ont été souscrits à 30, 50 et même 100 ans», renchérit le wali. Il soutient que la montée de l’endettement du Trésor devrait se traduire par la capacité de l’État à inverser la tendance au sortir de la crise. Pour ce faire, il faudrait diriger la dette contractée vers l’investissement, qui est son principal objectif. «On s’endette en vue d’investir et de dégager les ressources et la richesse nécessaires pour rembourser la dette contractée», soutient le wali de Bank Al-Maghrib.

Aida Lo / Les Inspirations Éco


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