Maroc

Commissions locales de taxation : réforme majeure en matière de recours fiscaux

Les Commissions locales de taxation (CLT) voient leurs compétences élargies pour traiter les recours relatifs aux «autres revenus et gains», une catégorie de revenus imposables récemment instaurée. Éclairage…

Dans le cadre de la Loi de finances 2025, le gouvernement a instauré une nouvelle catégorie de revenus imposables dite «autres revenus et gains». Parallèlement, un élargissement des attributions des Commissions locales de taxation (CLT) a été acté afin de clarifier leur rôle dans le traitement des litiges. Cette clarification est importante pour plusieurs raisons.

D’abord, elle évite les conflits de compétence et les incertitudes juridiques qui pouvaient survenir auparavant, lorsque les contribuables ne savaient pas à quelle instance s’adresser pour contester ces rectifications. Ensuite, elle renforce la cohérence du traitement des dossiers, en confiant l’examen de ces recours à une commission spécialisée et expérimentée dans le domaine de l’impôt sur le revenu des particuliers.

Enfin, cette clarification simplifie la procédure de recours pour les contribuables, qui n’ont plus besoin de rechercher la commission compétente en fonction de la nature de leurs revenus.

Pourquoi élargir les compétences des CLT ?
Afin de clarifier la commission compétente en matière de recours présentés par les contribuables au titre des revenus et gains divers provenant des opérations lucratives qui ne relèvent pas d’une autre catégorie de revenus, la LF 2025 a modifié les dispositions de l’article 225-1 du Code général des impôts (CGI) pour élargir les attributions des commissions locales de taxation aux recours relatifs aux rectifications portant sur lesdits revenus et gains.

Cette précision est primordiale dans la mesure où les «autres revenus et gains» étaient jusqu’alors un angle mort de la législation fiscale. Leur imposition posait problème en l’absence d’instance dédiée pour traiter les éventuels litiges les concernant.

En effet, jusqu’à présent, les commissions locales de taxation étaient compétentes pour examiner les réclamations relatives à l’impôt sur le revenu des particuliers, à l’exception de celles concernant les bénéfices industriels et commerciaux, les bénéfices non commerciaux et les revenus fonciers.

Cependant, la LF 2025 a apporté une modification significative à l’article 225-1 du CGI, élargissant ainsi les attributions de ces commissions. Désormais, les CLT sont habilitées à examiner les recours présentés par les contribuables au titre des revenus et gains divers provenant des opérations lucratives qui ne relèvent pas d’une autre catégorie de revenus.

Cette nouvelle disposition vise à clarifier la commission compétente pour traiter ces types de revenus, qui faisaient auparavant l’objet d’un certain flou juridique. Par exemple, supposons qu’un particulier ait réalisé un gain en vendant des objets de collection (timbres, pièces de monnaie…) au cours de l’année 2024.

Ce gain serait considéré comme un revenu ou gain divers provenant d‘une opération lucrative. Si l’administration fiscale procédait à une rectification sur ce gain, le contribuable pourrait désormais saisir la CLT pour contester cette rectification, au lieu de devoir passer par une autre voie de recours.

Cette modification législative vise à simplifier et à harmoniser la procédure de recours pour les contribuables, en centralisant le traitement de ces dossiers au niveau des CLT. Cela devrait permettre une meilleure prise en compte de la situation personnelle des contribuables et une plus grande cohérence dans le traitement de ces dossiers.

Une nouvelle catégorie de litiges à traiter
Avec la modification de l’article 70 bis du CGI, la LF 2025 a étendu les compétences des CLT à trois types spécifiques d’autres revenus et gains, renforçant ainsi leur rôle dans le traitement des recours des contribuables.

La première catégorie est celle des revenus évalués dans le cadre de la procédure d’examen de l’ensemble de la situation fiscale des personnes physiques dont la source n’a pu être justifiée : dans certains cas, l’administration fiscale peut procéder à une évaluation forfaitaire des revenus d’un contribuable lorsque celui-ci n’est pas en mesure de justifier l’origine de certains éléments de son train de vie. Désormais, si ce dernier souhaite contester cette évaluation, il peut saisir la CLT compétente. Par exemple, si un particulier possède un patrimoine manifestement disproportionné par rapport à ses revenus déclarés, l’administration fiscale peut émettre une proposition de rectification en évaluant forfaitairement des revenus occultes. Le contribuable pourra alors saisir la CLT pour contester cette évaluation.

La seconde catégorie est celle des gains des jeux de hasard en ligne de source étrangère. Avec le développement de ces jeux, les gains réalisés sur des plateformes étrangères peuvent désormais faire l’objet d’un recours devant les CLT. Auparavant, un flou juridique entourait la commission compétente pour traiter ces recours.

Par exemple, si un contribuable réalise des gains substantiels sur un site de poker en ligne basé à l’étranger et que l’administration fiscale procède à une rectification, le contribuable peut désormais saisir la CLT de son lieu de résidence pour contester cette rectification. Tercio, il s’agit des revenus et gains divers provenant d’opérations lucratives ne relevant d’aucune autre catégorie de revenus : cette disposition couvre les revenus et gains qui ne peuvent être rattachés à aucune autre catégorie spécifique, tels que les revenus tirés de la vente occasionnelle d’objets de valeur, les gains de jeux non professionnels…

Ainsi, si un particulier réalise un gain important en vendant une collection de timbres rares et que l’administration fiscale requalifie ce gain en revenu imposable, le contribuable peut saisir la CLT pour contester cette requalification. En étendant ainsi leurs compétences, les CLT deviennent un guichet unique pour le traitement des recours portant sur ces différents types de revenus et gains, offrant une voie de recours plus claire et plus cohérente aux contribuables.

Une procédure de recours standardisée
Pour ces nouvelles attributions concernant les revenus évalués lors d’un examen de situation fiscale, les gains de jeux en ligne étrangers et les autres revenus et gains divers, les CLT appliqueront la même procédure que celle régissant leurs compétences historiques en matière de revenus professionnels, fonciers et droits d’enregistrement. Une harmonisation qui vise à assurer un traitement cohérent et équitable des recours, quelle que soit leur nature.

De manière concrète, supposons qu’un contribuable ait réalisé des gains importants sur un site de poker en ligne basé à Malte. L’administration fiscale procède à une rectification en considérant ces gains comme des revenus imposables.

Le contribuable peut alors saisir la CLT de son lieu de résidence en déposant une requête pour contester cette rectification. La CLT convoquera le contribuable et l’administration fiscale au moins 30 jours avant la réunion. Après avoir entendu les arguments des deux parties, la commission disposera d’un délai de 12 mois pour rendre sa décision motivée, qu’elle notifiera aux parties dans les quatre mois suivants.

Il est important de noter que «les décisions rendues par les CLT, y compris sur ces nouveaux types de revenus et gains, pourront être contestées par voie judiciaire, tant par l’administration fiscale que par le contribuable», précise un expert-comptable.

«Cette possibilité de recours devant les juridictions compétentes constitue une garantie supplémentaire pour les deux parties, assurant ainsi le respect de leurs droits et l’équité du processus», ajoute-t-il.

Un impact fiscal potentiellement conséquent
Derrière cette extension des compétences des CLT aux «autres revenus et gains» se cache un double objectif : améliorer le recouvrement de l’impôt sur ces revenus jusqu’alors peu encadrés, et lutter plus efficacement contre la fraude et l’évasion fiscales qui peuvent y être associées.

En effet, ces «autres revenus et gains» constituent une catégorie particulièrement opaque, qui peut faciliter la dissimulation de revenus imposables. En confiant le traitement des recours y afférents aux CLT, l’administration fiscale espère mieux appréhender ces revenus et assurer une imposition plus équitable. Revenons à l’exemple des gains réalisés sur des plateformes de jeux en ligne étrangères.

Auparavant, le flou juridique entourait la commission compétente pour traiter les éventuels recours des contribuables. Désormais, la CLT pourra examiner ces dossiers de manière approfondie, notamment en sollicitant des justificatifs auprès des contribuables, afin de s’assurer de la bonne déclaration de ces gains. Cependant, cet élargissement des attributions des CLT représente un défi opérationnel de taille.

Ces commissions, composées de représentants de l’administration fiscale et de contribuables, devront faire face à un surcroît de travail significatif, avec un afflux de nouveaux dossiers à traiter dans des délais légaux contraignants. Pour absorber cette charge supplémentaire, les membres des CLT devront certainement faire preuve de la plus grande rigueur et d’une organisation sans faille. Ils devront se former aux spécificités de ces «autres revenus et gains», afin de pouvoir les appréhender avec expertise et rendre des décisions motivées et équitables.

De plus, un renforcement des effectifs et des moyens alloués à ces commissions pourrait s’avérer nécessaire pour éviter un engorgement préjudiciable au bon traitement des dossiers. Des investissements en ressources humaines et en outils numériques pourraient s’imposer pour fluidifier les procédures et respecter les délais légaux.

Déroulement de la procédure de recours

• Réception de la requête du contribuable : le contribuable souhaitant contester une rectification portant sur l’un des nouveaux types de revenus ou gains devra déposer une requête auprès de la CLT compétente, généralement celle de son lieu de résidence.

• Convocation des parties : le secrétaire-rapporteur de la CLT convoquera le contribuable et l’administration fiscale au moins 30 jours avant la date de réunion de la commission.

• Délai pour statuer : la CLT devra se prononcer dans un délai de 12 mois à compter de la réception de la requête.

• Notification de la décision motivée : la décision de la CLT, qu’elle soit favorable ou pas au contribuable, devra être motivée et notifiée aux parties dans un délai de quatre mois suivant la date à laquelle elle a été rendue.

Une réforme cohérente avec la stratégie fiscale globale

Cette réforme s’inscrit dans la dynamique de lutte contre l’évasion fiscale engagée ces dernières années au Maroc. En renforçant le contrôle et le recouvrement de l’impôt sur toutes les catégories de revenus, y compris les plus opaques, le gouvernement vise à accroître les recettes fiscales tout en restaurant l’équité entre les contribuables.

«Cette clarification des règles du jeu fiscal participe d’une démarche d’assainissement du climat des affaires et de moralisation de la sphère économique. C’est un signal fort envoyé aux opérateurs pour encourager la transparence et la bonne gouvernance», réagit un analyste.

Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO



Taux directeur : le marché réclame une baisse !


Recevez les actualités économiques récentes sur votre WhatsApp Suivez les dernières actualités de LESECO.ma sur Google Actualités

Rejoignez LesEco.ma et recevez nos newsletters




Bouton retour en haut de la page