Capital humain : quelle place pour le Maroc ? (rapport)
Selon le dernier rapport du Groupe de la Banque mondiale consacré à l’indice du capital humain, à niveaux de revenu identiques, les pays MENA ont de moins bons résultats sur le plan du capital humain que ceux d’autres régions. Le Maroc fait figure de bon élève.
Il y a du nouveau dans le domaine du capital humain ! Le Groupe de la Banque mondiale (BM) vient en effet de publier les résultats de son dernier rapport consacré à l’Indice du capital humain (HCI) (voir encadré). Il ressort de ce rapport qu’«il faut 57 ans pour qu’un enfant né aujourd’hui dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) puisse avoir des capacités productives qu’il ou elle aurait pu avoir plus tôt s’il avait bénéficié d’une éducation complète et d’une parfaite santé». Autrement dit, il y a encore beaucoup de choses à revoir dans les systèmes éducatifs des pays de cette région. En effet, selon le rapport, les performances des pays MENA en termes de capital humain sont très disparates en fonction du niveau de revenu et de l’exposition à la fragilité et au conflit. Les États les plus riches du Conseil de coopération du Golfe (CCG) affichent des valeurs supérieures (indice HCI situé entre 0,56 et 0,57), distançant les pays en situation de conflit comme le Yémen (0,37) et l’Iraq (0,41).
Des pays se distinguent
Certains pays, comme les Émirats arabes unis, le Maroc ou encore Oman ont amélioré leurs performances depuis dix ans, contrairement à d’autres où l’indice n’a pas évolué, comme la Jordanie, le Koweït ou la Tunisie. Globalement, à niveaux de revenu identiques, ces pays MENA ont de moins bons résultats sur le plan du capital humain que les pays d’autres régions. Cela fait dire à Ferid Belhaj, vice-président de la Banque mondiale pour la région MENA, que «face à la pandémie qui risque d’anéantir leurs fragiles progrès dans le développement humain, les pays MENA doivent se mobiliser davantage pour améliorer l’efficacité des investissements dans leurs populations». Et pour cela, poursuit-il, «en plus d’aider tous ceux qui en ont besoin, pendant et après la pandémie, nous nous engageons à accompagner les pays MENA pour qu’ils puissent récupérer ces gains durement acquis, les consolider et les étendre». Cette main tendue de la Banque mondiale est bienvenue, puisque le rapport souligne également que l’utilisation du capital humain existant reste problématique dans la région.
Inadéquation entre compétences et potentiel productif
Les pays ne parviennent pas à traduire les compétences et le potentiel productif de pans entiers de leur population en croissance économique. La valeur moyenne du HCI pour la région MENA baisse de plus d’un tiers (de 0,57 à 0,32) lorsque l’indice prend en compte la part de la population d’âge actif effectivement employée. Les experts de la BM pointent deux principales causes qui impactent le HCI. D’un côté, ils ont remarqué que les tensions sociales en de nombreux points de la région ont entraîné un fort taux de chômage des jeunes, chose qui explique la sous-utilisation du capital humain. De l’autre, ils ont noté un faible taux de participation des femmes à la population active, en particulier parmi les diplômés de l’enseignement supérieur. À ce sujet, les pays MENA et notamment ceux du CCG affichent le plus grand écart de taux d’utilisation hommes/femmes. L’indice de capital humain pour les hommes (0,55) est plus faible que pour les femmes (0,59) au niveau régional et dans la plupart des pays MENA. Ces différences sont à imputer essentiellement aux moins bons résultats éducatifs des garçons, les filles accomplissant plus de la moitié d’une année supplémentaire de scolarité ajustée en fonction de l’apprentissage par rapport aux garçons (8,0 contre 7,4). Ceci étant, Keiko Miwa, directrice régionale pour le développement humain à la Banque mondiale, a exactement le même point de vue que son collègue Ferid Belhaj. «Malgré les progrès obtenus depuis dix ans, les résultats de l’indice du capital humain 2020 montrent que les pays MENA ont encore beaucoup à faire pour améliorer leur niveau de capital humain, son utilisation et l’égalité entre les sexes», relève-t-elle. Avant de poursuivre sur cette note positive : «La pandémie crée des risques, mais elle pourrait aussi être l’occasion de reconstruire en mieux le capital humain des pays MENA. De la réforme éducative ambitieuse de l’Égypte, qui a pu opter rapidement pour l’apprentissage à distance dès les premiers signes de la pandémie, aux opérations de riposte d’urgence pour soutenir les systèmes de santé et de protection sociale à Djibouti, en Jordanie, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, au Yémen et ailleurs, nous avons accompagné les pays, et nous continuerons de le faire, pour qu’ils puissent réaliser tout leur potentiel de développement en s’appuyant sur un capital humain renforcé».
Qu’est-ce que l’Indice du capital humain ?
L’indice du capital humain mesure et compare les principales composantes du capital humain à l’échelle de la planète, à savoir la somme de connaissances et de compétences et la santé qu’un individu accumule tout au long de sa vie. Un capital humain plus élevé est corrélé à des revenus supérieurs, pour les individus comme pour les pays, et à une plus forte cohésion sociale. C’est un levier essentiel pour installer une croissance durable et réduire la pauvreté. Sa mise à jour en 2020 a permis d’intégrer les toutes dernières données disponibles dans 174 pays, soit 17 pays de plus que dans l’édition 2018. L’indice 2020 a calculé le niveau attendu de productivité des futurs travailleurs et proposé un instantané des performances sur le plan du capital humain juste avant la survenue de la pandémie de coronavirus (Covid-19).
Aziz Diouf / Les Inspirations Éco