Campagne agricole : démarrage anticipé ?
Les fortes pluies qui s’abattent depuis plusieurs semaines sur les provinces sahariennes et désertiques du Maroc sont dues à un phénomène météorologique assez exceptionnel. Au-delà des dégâts et pertes déplorés, elles sont probablement annonciatrices d’un début de campagne agricole assez précoce, dans un contexte de succession de sécheresse.
Les pluies diluviennes qui se sont abattues sur une bonne partie du Royaume ce week-end constituent un phénomène assez particulier. Il s’agit de courants venus pratiquement de la zone tropicale, qui sont remontés vers le Nord, apportant une pluie abondante sur une bonne partie du Sahara et surtout dans le sud-est du Maroc. Résultat, des inondations importantes dans plusieurs villes, notamment à Ouarzazate, Tinghir, sans parler des crues de plusieurs oueds, et de routes submergées par les eaux.
Ce qui confirme un bulletin d’alerte météo lancée par la Direction générale de la météorologie (DGM), bien avant l’arrivée de cette dépression qui a traversé le Sahara et qui devrait finir sa route en Europe. Il faut noter que dans des provinces désertiques comme Figuig, Errachidia, Zagora ou encore Tata, les données météo parlent d’une quantité de précipitations dépassant les 60 à 100 mm en presque 24 h, ce qui est énorme pour ces parties habituellement très sèches et très peu pluvieuses du pays.
Ce phénomène rarissime pour les régions sahariennes n’a pas manqué d’effleurer d’autres régions marocaines. C’est le cas dans le Nord, par exemple, où Tanger et sa région ont aussi été arrosées de pluies durant ce week-end.
Nappes phréatiques
Au-delà des dégâts matériels et d’éventuelles pertes en vies humaines signalées, ces pluies marquent un début de saison agricole assez anticipée. Elles arrivent, en tout cas, à un moment crucial pour le démarrage de la saison, surtout après plusieurs années de sécheresse très marquée.
En plus d’alimenter les nappes phréatiques, le taux de remplissage des barrages situés dans ces zones ayant reçu de la pluie devrait sensiblement s’améliorer, puisque dans certains endroits, il a plu l’équivalent de plusieurs mois en quelques jours.
Surtout que cette année, et jusqu’au milieu de l’été, le niveau pluviométrique avait atteint les 240 mm, enregistrant une baisse de 34% par rapport à une campagne normale qui se situe habituellement à 362 mm. Il s’agissait déjà d’une baisse de 3% en comparaison avec la campagne précédente à la même date qui s’était située à 247 mm. Quant au niveau de remplissage des barrages à usage agricole à l’échelle nationale, il est en baisse de près de 1% par rapport à l’année précédente, se situant à presque 29%, soit 4.025 millions de m³ de capacité de remplissage contre 30% l’année dernière.
Situation critique
Selon Mohamed Saddiki, ministre de l’Agriculture et du Développement rural, cette situation critique a une nouvelle fois obligé le gouvernement à arrêter l’irrigation à partir des barrages. Et cela, au niveau de la plupart des périmètres de la grande hydraulique, irrigués à partir des barrages.
En fait, cela équivaut à un total de 550.000 hectares, représentant 78% de la superficie totale des principaux districts d’irrigation. Donc, la plupart de ces districts subissent des restrictions sévères, voire un arrêt de l’irrigation depuis plusieurs mois, et, certains, depuis plus de quatre ans.
Actuellement, l’espoir porte sur les dernières récentes pluies – qui se poursuivent toujours d’ailleurs – dans plusieurs régions. De quoi réalimenter légèrement les nappes phréatiques, notamment dans les régions du Haut et de l’Anti-Atlas, en plus de certaines régions du sud. En parallèle, l’interconnexion des différents bassins contribuerait à venir en appoint à certaines zones, surtout pour la consommation d’eau potable destinée aux ménages.
Météo : Des phénomènes extrêmes
Depuis plusieurs semaines, on assiste à un phénomène rarissime. De très fortes averses orageuses accompagnées de grêle et de rafales de vent sous orages se sont abattues dans les provinces désertiques du Maroc.
«L’instabilité météorologique récente dans le sud du Maroc est principalement dû aux remontées du front tropical vers le nord», explique Houcine Youaabed, responsable de la communication à la Direction générale de la météorologie.
Il parle d’un phénomène naturel, accentué par le changement climatique. Cette montée est un peu exceptionnelle. Le réchauffement climatique entraîne généralement des perturbations dans les schémas météorologiques habituels. Il y a une augmentation de la fréquence et de l’intensité des phénomènes extrêmes tels que les orages violents ou les vagues de chaleur.
Abdellah Benahmed / Les Inspirations ÉCO