Maroc

Blé : le gouvernement gagnera-t-il son pari ?

Dans le but d’encourager les importateurs et les minotiers à acheter la récolte de blé attendue de l’actuelle campagne agricole, qui tournerait autour de 95 millions de quintaux, le gouvernement vient de rétablir la perception des droits d’importation applicables au blé tendre et au blé dur. Cette mesure, entrée en vigueur le 15 mai pour le blé tendre, est-elle pour autant suffisante ?

Le gouvernement se lance dans un pari assez spécial. Pour protéger la future production nationale de céréales, notamment de blé tendre et de blé dur, où il s’attend à une très bonne récolte cette année (environ 95 millions de quintaux), qu’il compte vendre aux importateurs et aux minotiers, l’Éxécutif a commencé à rétablir la perception des droits d’importation applicables à ces deux produits. Pour commencer, le blé tendre importé est taxé à hauteur de 135%. La mesure est entrée en vigueur depuis le 15 courant, alors que le blé dur se verra appliquer un taux de 170%, à partir du 1er juin prochain, pour décourager toute importation. Selon le ministère de l’Économie, des finances et de la réforme de l’administration, qui a institué les deux décrets portant rétablissement de la perception des droits de douane sur ces deux céréales, «ces mesures visent à décourager toute importation de blé tendre et de blé dur d’ici la prochaine récolte. Elles tiennent compte de divers facteurs sur les marchés national et international».

Les opérateurs ont fait le maximum de stock
En effet, suite aux suspensions de perception des droits d’importation applicables au blé tendre et ses dérivés du 1er janvier 2021 au 31 mai 2021 (décret n° 2-20-922 du 25 décembre 2020) et au blé dur depuis le 1er avril 2020 (décret n° 2-20-296 du 27 mars 2020), les stocks minimums permettant l’approvisionnement du marché national dans les meilleures conditions ont été maintenus. Le stock de blé tendre, détenu sur le marché national par les opérateurs céréaliers, a atteint un niveau suffisant pour assurer une couverture des besoins de l’industrie meunière de plus de 3,5 mois. En outre, les bonnes conditions de déroulement de la campagne agricole actuelle, augurent d’une bonne récolte céréalière cette année. À l’échelle internationale, les cours mondiaux du blé tendre ont enregistré un trend haussier depuis août 2020. Toutefois, suite à l’annonce de perspectives favorables à la production mondiale pour la campagne agricole 2021-2022, les prix ont affiché une tendance baissière à partir de mars 2021. Sur la base des niveaux de ces cours observés sur le marché mondial du blé tendre et du taux du droit d’importation de 35%, qui devrait être appliqué à partir du 1er juin 2021, les simulations du ministère ont fait ressortir un prix de revient, sortie ports marocains, d’environ 290-310 DH/QL et 268-287 DH/QL dans le cadre de l’accord d’association Maroc-UE. Un niveau jugé insuffisant pour assurer la protection de la production nationale de blé tendre durant la période de collecte, sachant que la tendance du marché mondial reste baissière. C’est donc compte tenu de ces éléments que le ministère a décidé d’appliquer cette taxe de 135% sur le blé tendre importé.

Des droits de douane suffisamment dissuasifs
Idem pour le blé dur. Les importations réalisées, depuis avril 2020, par les opérateurs économiques ont permis d’assurer l’approvisionnement régulier du marché national et d’atteindre des niveaux de stocks suffisants pour une couverture des besoins de l’industrie meunière dépassant quatre mois. En outre, la campagne agricole actuelle se déroule dans de bonnes conditions, ce qui augure d’une bonne récolte céréalière cette année. À l’échelle internationale, le marché mondial du blé dur a été caractérisé, depuis août 2020, par une forte demande qui s’est traduite par une augmentation des prix en passant de 290 $/TM à 350 $/TM. Toutefois, à fin mars 2021, les prix ont connu une tendance baissière en se situant respectivement autour de 365 $/TM et 350 $/TM pour le blé dur originaire du Canada et de la France. Sur la base des niveaux de ces cours observés sur le marché mondial du blé dur et tenant compte de la suspension actuelle de la perception du droit d’importation, le prix de revient, sortie ports marocains, serait de 348 DH/QL pour l’origine Canada et de 334 DH/QL pour l’origine France, ce qui est insuffisant pour la protection de la production nationale de blé dur. C’est pour ces raisons que le ministère a également décidé d’appliquer un taux de 170% sur l’importation de blé dur en provenance de ces deux pays, en juin-juillet prochains, ce qui entraînerait un prix de revient du blé dur, sortie ports marocains, de 510-525 DH/QL, et permettra une large protection de la production nationale durant la période de collecte.

Plein de questions sur la future production nationale
Bref, la production nationale de blé semble bien protégée par ces mesures. Pourtant, certains opérateurs sondés se posent des questions au sujet de la future récolte. Ils se demandent, entre autres, si le prix qui tournerait autour 260 DH par quintal serait le juste prix ? Les importateurs et minotiers se demandent également si la qualité et les variétés seront au rendez-vous pour leur permettre de produire une bonne farine, nous souffle-t-on parmi les opérateurs. Pour le moment, il n’y a encore aucune visibilité sur ces deux aspects déterminants pour l’achat. Sinon, ils se demandent également si l’État déploiera un effort suffisant sur le prix pour permettre aux opérateurs d’investir facilement sur la partie logistique. En effet, la production nationale de blé est très atomisée et il faut mettre en place une vraie logistique pour faciliter sa commercialisation, préconise-t-on. Cette logistique demande, en effet, beaucoup de moyens pour opérer un bon ramassage dans les quatre coins du pays où il n’y a que quelques rares grands producteurs, ajoutent nos sources. C’est sans doute pour cette raison que les minotiers et les intégrateurs auraient fait le plein de stock. Avec le rajout d’arrivées supplémentaires acquises dernièrement, ils ont actuellement un stock de 3 à 4 mois. Quoi qu’il en soit, les opérateurs du secteur se disent mobilisés et s’attendent à avoir des quantités et des variétés nécessaires pour produire une farine de qualité. 

Aziz Diouf / Les Inspirations Éco


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