Bientôt un dispositif d’indemnisation
Le projet de loi, toujours au stade de draft, compte s’aligner sur la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de responsabilité.
En dépit des progrès de la médecine, la responsabilité des médecins en cas d’erreur médicale est toujours régie par le Code des obligations et des contrats datant d’un siècle. Lors de la présentation de sa feuille de route, le ministre de la Justice, Mohamed Aujjar, a indiqué vouloir poser les jalons d’une nouvelle législation relative à l’erreur médicale. Il a ainsi plaidé pour «un cadre référentiel pour fixer les bases de la valeur de l’indemnisation pour le préjudice, de sorte à éviter les différences flagrantes concernant certains jugements rendus par nos tribunaux pour les indemnisations suite à des erreurs médicales».
En effet, seul le Code civil régit la responsabilité du médecin, et confère à ce dernier une «obligation de moyen», c’est-à-dire ne garantissant pas un résultat précis, au vu de l’aléa qui caractérise la prestation médicale. Et c’est justement dans ce sens que la Cour de cassation a pris les devants en imposant au médecin une «obligation d’information», sans laquelle le médecin est «présumé responsable». En matière de définition des responsabilités, ce nouveau cadre juridique, encore au stade de draft selon la direction des affaires civiles, s’alignera sur la jurisprudence de la Cour de cassation. Cette dernière pose le principe selon lequel «le contrat d’assurance conclu entre la compagnie d’assurance et la clinique pour garantir les dommages subis par les malades, en raison de fautes médicales commises par un médecin au cours d’une intervention chirurgicale intervenue à l’intérieur de la clinique, autorise le patient à appeler en cause l’assureur de la clinique». En somme, un patient victime d’une faute médicale constatée judiciairement pourra saisir directement l’assureur de l’établissement en réparation. La «stipulation pour autrui», et selon lequel un tiers (le patient) peut agir à l’encontre du promettant (assureur de la clinique) aux fins de le contraindre à exécuter son obligation, dès lors que la volonté des parties au contrat d’assurance est d’indemniser les malades de la clinique. C’est ainsi que le contrat d’assurance devient à «effet triangulaire». Si l’assurance n’exécute pas son obligation à l’égard du tiers bénéficiaire, l’établissement peut agir en résolution de contrat ou en exécution forcée.
Le patient dispose, de son côté, à l’encontre de l’assureur d’un droit personnel et direct. Les créanciers de la clinique ne peuvent saisir les sommes dues par l’assurance au tiers bénéficiaire, qui lui aussi peut demander l’exécution du contrat, même forcée. Par contre, il ne peut pas obtenir la résolution du contrat, car il n’en est pas une partie au sens premier du terme. Cette décision se base sur une condition: la preuve de la faute médicale impliquant la responsabilité du médecin. Là encore, la jurisprudence présume la responsabilité du professionnel de santé. On peut citer, à titre d’exemple, les transfusions sanguines, la vaccination obligatoire, les dommages résultants d’infections nosocomiales, la défectuosité d’un produit de santé…Selon le «draft» du projet de loi, il appartient au professionnel de santé de rapporter la preuve que l’information a été délivrée au patient dans les conditions prévues par le Code civil. Cette preuve peut être apportée par tout moyen: «Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l’exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d’impossibilité de la retrouver».
L’action pénale peu envisageable
La loi 08-12 relative à l’Ordre national des médecins ne donne aucune définition à la faute pénale, sauf dans son article 63 qui stipule que «lorsque l’action publique est exercée contre les médecins soumis à la présente loi inscrits au tableau de l’Ordre national des médecins, pour des faits relatifs à l’exercice de leur profession, le président du conseil régional auprès duquel est inscrit le médecin concerné, ou son représentant, est appelé à assister à toutes les étapes de la procédure et à donner l’avis du conseil sur le comportement du médecin du point de vue professionnel». Cet article insiste sur la nécessité du parquet de vérifier si les faits commis par le médecin en cause ont un caractère délictuel ou non. Aussi, la circulaire du ministère de la Justice en date du 25/06/1986 souligne la nécessité de consulter le Conseil régional des médecins pour le parquet, sur la nature des faits commis par le médecin en cause et avoir son avis.