Maroc

bataille autour des enseignants

Plus de 2.000 enseignants du privé ont quitté leur poste pour signer comme contractuels dans le public. Les patrons des écoles privées comptent poursuivre en justice leurs ex-salariés et les académies régionales d’éducation et de formation (AREF).

Retournement de situation dans le secteur éducatif au Maroc. Les instituteurs des cycles primaire et secondaire travaillant dans le secteur privé démissionnent au profit du  secteur public, et massivement de surcroît. Ce changement de trajectoire a démarré avec le lancement des opérations de recrutement des contractuels en 2016. L’Alliance de l’enseignement privé au Maroc (AEPM) a inscrit ce point sur son agenda 2018. Ses dirigeants veulent «mettre fin à cette hémorragie par les voies légales», annonce Abdelhadi Zouitene, président de l’AEPM. Dans le contexte de la discussion de la loi-cadre sur le système d’éducation, l’alliance appelle «à mettre en place une vision de la formation des RH dans l’ensemble du secteur, public comme privé».

Bataille juridique en vue
Les contractuels étaient au nombre de 10.000 en 2016-2017 et de 24.000 pour 2017-2018. Ces concours massifs attirent les jeunes diplômés sans emploi ainsi que ceux qui travaillent déjà dans le secteur privé. «Aujourd’hui, nous assistons à une concurrence sur les RH entre le public et le privé, avec comme conséquence le non-respect des contrats par nos salariés qui quittent au courant de l’année scolaire», affirme Zouitene. À partir de cette année scolaire, l’alliance promet de porter l’affaire devant la justice. «Nous exigerons de nos salariés le remboursement des frais de formation, comme le stipulent les contrats signés avec eux et le Code du travail», avance Zouitene. Face aux AREF, l’Alliance brandit l’article 42 du Code du travail. Rappelons-le, ce texte de loi prévoit que «le nouvel employeur est solidairement responsable du dommage causé à l’employeur précédent dans les cas suivants […]: quand il a embauché un salarié qu’il savait déjà lié par un contrat de travail». Les enseignants du privé sont attirés, naturellement, par les conditions -même temporaires- du public. Le contractuel bénéficie du régime mutuel de la couverture médicale des fonctionnaires (CNOPS), ainsi que des prestations de la Fondation Mohammed VI de promotion des œuvres sociales de l’éducation-formation. «Nous perdons de notre attractivité. Nos salariés doivent avoir accès aux services de la fondation comme l’ensemble du personnel enseignant au Maroc», revendique Zouitene. Ce dernier réclame un plan de formation des ressources humaines dans l’ensemble du secteur.

Colmater les brèches
Le projet de loi-cadre sur l’enseignement tente de mettre de l’ordre dans le secteur avec des mesures et des engagements à respecter par le privé (Cf Leseco.ma). Sur le plan de la formation, un délai de 6 ans a été fixé pour le tissu privé afin de combler le déficit en ressources humaines pédagogiques et administratives qualifiées. Ce délai n’est pas accepté par les représentants du secteur. «On ne peut pas fixer un délai sans faire des évaluations préalables et avoir une idée précise sur les engagements du MEN, ainsi que nos besoins futurs», précise le président de l’alliance. La formation des enseignants pour le secteur de l’enseignement privé avait fait l’objet par le passé de nombreux désaccords. L’alliance campe sur sa position: «Nous sommes des employeurs, non des établissements de formation d’enseignants. C’est à l’État d’assurer cette mission, comme le fait le ministère de la Santé», compare-t-il. Pour le président de l’Alliance, il s’agit surtout de ne pas reproduire «les erreurs du programme 10.000 cadres, qui a produit des chômeurs et nous conduit, à chaque rentrée scolaire, à faire appel à des étudiants pour colmater les brèches». 


Abdelhadi Zouitene
Président de l’Alliance de l’enseignement privé au Maroc (AEPM)

Notre secteur emploie 140.000 personnes dont 90.000 enseignants. Nous avons pu combler nos besoins dans le primaire et le collège. Nous faisons appel aux enseignants du public pour les lycées uniquement. 6.500 enseignants du public travaillent dans nos établissements. Le secteur privé veut une reconnaissance de ce personnel avec un statut d’«enseignant» et mettre fin à la concurrence entre le ministère de l’Éducation nationale (MEN) et le secteur privé. Le MEN doit être notre tutelle et non un concurrent».


Loi-cadre, l’alliance prépare sa réponse

«Ce projet de loi-cadre est une étape essentielle pour appliquer la Vision stratégique 2030. C’est une très bonne chose d’avoir inséré ce texte dans le circuit législatif, afin de lui donner une légitimité démocratique et une valeur obligatoire. Nous sommes en train de faire notre lecture globale de ce projet de loi. Ensuite, un document sera élaboré pour être ensuite présenté au chef de gouvernement, au président du Conseil supérieur et aux présidents des groupes parlementaires», détaille Zouitene, président de l’alliance. Pour rappel, cette dernière a été créée en 1991. Elle compte 56 sections au Maroc et 2.000 établissements affiliés, avec une représentation au Conseil d’administration dans les 12 AREF du pays.


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