Banques participatives : encore du potentiel à exploiter
Les banques et fenêtres participatives ont bouclé cinq ans d’activité. L’encours des financements accordés par le secteur s’établit à 21,5 MMDH, mais demeure encore timide par rapport au marché mondial.
Depuis leur démarrage en 2017, l’encours des financements accordés par les banques participatives n’a cessé de progresser pour atteindre les 21,5 MMDH à fin juin 2022, soit un taux de croissance annuel moyen de 96% entre juin 2018 et juin 2022. C’est ce qui ressort du rapport du cabinet Fineopolis Almaali sur les cinq ans d’activité de la finance participative au Maroc. Des chiffres très positifs pour une activité en pleine expansion dans le Royaume, mais qui n’a pas encore atteint sa vitesse de croisière. Il faut dire qu’au plan international, la finance islamique connaît une progression remarquable depuis des décennies. À fin 2020, le marché mondial de la finance islamique a avoisiné les 3.000 milliards de dollars avec une présence dans plus de 80 pays. Le secteur bancaire en est le principal contributeur, avec un pourcentage estimé à 64% du total des actifs.
Un réseau encore embryonnaire
Selon les indicateurs d’implantation bancaire publiés par Bank al-Maghrib, le réseau bancaire participatif est passé de 44 à 176 agences entre décembre 2017 et décembre 2021, soit une croissance moyenne annuelle de 63%. «Une progression notable mais qui demeure, toutefois, insuffisante pour une couverture raisonnable du marché. La persistance de la situation déficitaire des banques participatives, mais aussi la tendance du «Big crunch» en termes de fermetures d’agences, observée chez les banques conventionnelles, ont fini par freiner l’élan et l’ambition des banques participatives», indique le rapport.
À noter que les banques et fenêtres participatives ont ouvert 33 nouvelles agences par an en moyenne entre 2017 et 2022. En termes de couverture géographique, c’est Casablanca-Settat qui dispose du nombre d’agences le plus élevé (34% du réseau), suivie par Rabat-Salé-Kenitra (18%) et Fès-Meknès (11%). Sur le plan de la productivité par agence, le réseau des banques et fenêtres participatives a encore du chemin à parcourir. Selon les données de l’exercice 2021, ces institutions réalisent, via leurs réseaux respectifs, un encours en «financement» et «dépôts» de 96 et 34 MDH, respectivement, contre 165 et 172 MDH pour les banques conventionnelles.
Les tendances de financement
Deux tendances sont à relever concernant les financements des banques participatives. Les engagements de trésorerie et à la consommation, comprenant principalement la Mourabaha auto, marquent une certaine stabilité dans l’encours global, soit environ 7%. Les financements participatifs immobiliers, bien que toujours prédominants (86% en moyenne sur toute la période), cèdent du terrain aux financements participatifs à l’équipement dont la part dans l’encours global s’inscrit dans une tendance haussière d’année en année (12% à fin juin 2022).
Plus de 5,8 MMDH de dépôts à vue
Les dépôts à vue ont dépassé les 5,8 MMDH, marquant ainsi une progression de plus de 40% par rapport à juin 2021 et un taux de croissance annuel moyen de 63%. Sur les cinq années d’activité, malgré sa croissance à deux chiffres en termes absolus, l’évolution des dépôts à vue des banques et fenêtres participatives se caractérise par un rythme beaucoup moins rapide que celui observé au niveau de l’activité de financement.
«De ce fait, les dépôts à vue ne couvrent qu’une faible part des financements accordés par les banques et fenêtres participatives. Cette situation fragilise le modèle économique de ces institutions, étant donné que les marges qui devraient supporter son développement sont amenuisées du fait de la non-abondance de ressources gratuites, au regard des besoins grandissants de l’activité de financement», est-il indiqué dans le rapport.
Par rapport aux dépôts à vue, l’évolution des dépôts d’investissement est encore plus timide. Depuis le lancement de leur commercialisation en juin 2019, ils n’ont pas franchi le cap des 2 MMDH. Cette situation pourrait s’expliquer par le faible engouement de la clientèle pour ce type de produits en raison du caractère de risque en capital qu’ils comportent. Plusieurs observateurs attribuent cette situation, également, au manque d’efficacité de la communication des banques et fenêtres participatives sur ces produits.
Le capital social, la première ressource
Les ressources des banques et fenêtres participatives se composent des dépôts à vue, des dépôts d’investissement, des contrats de refinancement Wakala bil istithmar ainsi que de leur capital social. Depuis le démarrage de leur activité, les acteurs de la finance participative ont vu leurs ressources augmenter de plus de 50% par an en moyenne. L’analyse de la structure des ressources révèle, en termes de pondérations moyennes sur la période étudiée, que le capital social demeure encore leur première ressource (40%). Il est suivi des dépôts à vue (30%), des contrats de refinancement Wakala Bil Istithmar (20%) et des dépôts d’investissement (10%).
Trend haussier des créances en souffrance
Même les banques participatives ont désormais leur lot de créances en souffrance. Pour rappel, ces dernières ne figurent pas de façon séparée dans les bilans publiables des banques et fenêtres participatives. Elles y sont logées dans le poste «Autres crédits et financements participatifs». À dire d’experts, les créances en souffrance ne représenteraient pas moins de 90% du poste susmentionné.
«Partant de cet ordre de grandeur, elles totaliseraient, au 30 juin 2022, une enveloppe de plus de 70 MDH», selon le rapport.
Sur la durée sous étude, les créances en souffrance ont continué de progresser. Si l’on retraite la tendance en éliminant l’effet report des échéances de juin 2020, imposé par le contexte exceptionnel de la première vague du Covid, la pente de la courbe d’évolution de ces créances perd considérablement de sa vigueur.
Néanmoins, il convient de noter que les créances en souffrances ont, entre juin 2021 et juin 2022, effectué un bond remarquable (+150%) traduisant l’effet de la généralisation progressive, observée sur le marché, de la commercialisation des financements pour entreprises et professionnels. Cela étant, le cabinet Fineopolis Almaali estime dans son rapport qu’«on est encore loin de ce qui est observé sur le marché conventionnel. En effet, le taux de sinistralité s’établit, chez les banques et fenêtres participatives, à un niveau moyen, sur toute la période, de 0,4%». Rappelons qu’il atteint 8,8% dans le secteur bancaire conventionnel classique.