Maroc

Avocats : Quand la profession dérape

Le bâtonnier de Casablanca s’indigne des propos tenus par certains de ses confrères, notamment dans le cadre de l’affaire Bouachrine. Certains se prévalent du principe d’immunité, qui n’est pourtant pas applicable en dehors du prétoire.

«Quiconque suit de près le déroulé du procès de Taoufik Bouachrine, soit comme assistant ou à travers les médias, constatera que certains avocats, de part et d’autre, se sont éloignés du bon sens et perdu la sérénité et la clairvoyance qu’un avocat est tenu d’observer en exerçant son devoir». Dans une note publiée vendredi dernier, le bâtonnier de Casablanca, Hassan Birouaïne, a fait connaitre son désaccord avec le déroulé des procès dits «médiatiques». Il accuse les mandataires des protagonistes de «déshonorer l’uniforme de la profession» lorsqu’ils «s’échangent des grossièretés» et conclut: «les avocats du barreau de Casablanca dénoncent ces comportements enragés, hystériques et sans précédant dans l’histoire de la profession». Il en appelle à la responsabilité de son barreau à l’égard  des institutions professionnelles et judiciaires , mais aussi de «l’opinion publique qui a exprimé son agacement vis-à-vis des propos obscènes qu’il entend, regarde et lit». Il faut dire que «l’immunité de la robe», principe qui régit la «liberté d’expression» des avocats, fait un peu tourner la tête à certains confrères.

La cour de cassation ne reconnaît pas une immunité absolue aux avocats lors de l’audience, mais lui confère une liberté d’expression élargie; de nature à garantir le libre exercice de sa profession et le droit de son client à un procès équitable. Elle juge ainsi que les restrictions à la liberté d’expression de l’avocat doivent rester «exceptionnelles» et traiter avec rigueur les sanctions prononcées à l’encontre des avocats qui doivent répondre d’abord à un besoin social impérieux, puis à un juste équilibre entre la nécessaire protection du pouvoir judiciaire, d’une part, et sa liberté d’expression confortée par le principe du droit au procès équitable d’autre part. Néanmoins, cette immunité ne s’étend pas à la faute disciplinaire.

L’avocat est tenu de respecter en toute circonstance, les principes essentiels qui guident la profession d’avocat définie par le règlement intérieur du barreau de Casablanca, dont les principes de dignité, d’honneur, de délicatesse, de modération et de courtoisie, ainsi que le secret professionnel rappelé en son article 2. «Des propos outrageux, injurieux ou diffamatoires prononcés ou écrits par l’avocat, peuvent bénéficier de l’immunité de l’article 41 et faire concomitamment l’objet de poursuites disciplinaires fondées sur la violation de ces principes essentiels», nous explique ce membre du conseil. L’avocat s’expose volontairement ou involontairement à une médiatisation qui ne se limite plus à la typique déclaration de sortie d’audience, mais constitue parfois une étape du procès. «Le danger de la sur-médiatisation de l’avocat est d’abord l’influence de celle-ci sur l’image de l’institution judiciaire et professionnelle. Il est donc important que l’avocat soit à nouveau soumis sur le palier de la juridiction à des règles strictes limitant sa liberté d’expression», d’autant plus que le ministère public peut se mêler de l’affaire. Si ce dernier considère les propos tenus par les robes noires lors de la manifestation comme «violation des dispositions légales de la profession et de ses règles de probité et d’honneur», l’infraction passe donc sous le joug de l’article 68 de la loi sur les avocats et qui énonce que: «Le procureur général du roi veille à l’exécution des peines disciplinaires entraînant la suspension ou la radiation». Ainsi, cette «imperméabilité» de l’avocat aux infractions prévues par le code de la presse n’est pas absolue. Son article 57 prévoit même une exception: «Les faits diffamatoires étrangers à la cause donnent ouverture; soit à l’action publique ou civile». Une disposition qui s’aligne sur la jurisprudence européenne. En effet, les cours de cassation française et européenne des droits de l’Homme, ont tour à tour rappelé que: «Les abus justifiés de la liberté d’expression de l’avocat, doivent avoir pour objet le fond même du procès sans excéder les limites des droits de la défense».


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