Maroc

Assistance technique : un baromètre des IDE sous haute surveillance

Le Maroc a acheté en moyenne 12,3 milliards de dirhams de prestations d’assistance technique au cours des quinze dernières années. Ce poste est, quelque part, un baromètre de l’investissement. Plus le Maroc draine des IDE et ses entreprises investissent, plus ces dépenses d’assistance technique augmentent. Ces prestations peuvent revêtir plusieurs formes qui vont du contrat classique de services après-vente jusqu’aux licences d’exploitation de droits de propriété intellectuelle et au personnel détaché par un groupe auprès de sa filiale marocaine.

À fin 2023, le stock d’investissements directs étrangers (IDE) captés par le Royaume est estimé à 605,65 milliards de dirhams (MMDH) par l’Office des changes. Le record a été battu l’année dernière avec 16,415 milliards de DH d’«autres services aux entreprises» réglés en devises aux prestataires étrangers. Cette rubrique correspond aux prestations d’assistance technique, précise l’Office des changes.

Au sens de la réglementation, l’assistance technique peut revêtir plusieurs formes : l’usage ou la concession de l’usage d’un brevet, d’une licence, d’une enseigne ou d’une marque de  fabrique ou de commerce, l’utilisation d’une formule, d’un procédé secret ou d’informations relatives à une expérience acquise dans le domaine industriel, commercial ou scientifique, un transfert de savoir-faire pouvant contribuer au développement de l’entité marocaine et à l’amélioration de ses performances, etc. Mais plusieurs multinationales incluent aussi les contrats de prestataire de certains cadres (parfois d’ex-MRE) dans ce lot, un montage qui leur permet de leur verser une partie de leurs rémunérations sur un compte basé à l’étranger.

Modalités
L’Office des changes émet par ailleurs des lignes directrices pour fixer le schéma de la facturation de ces prestations d’assistance technique. La rémunération et/ou les redevances dues peuvent être forfaitaires et/ou calculées selon le cas sur la base du chiffre d’affaires hors taxes contractuel ou de la valeur ajoutée réalisée au Maroc. «Les montants ou les modalités de leur détermination doivent tenir compte des connaissances acquises et des résultats obtenus par l’entreprise et le cas échéant s’inscrire dans le sens de la dégressivité».

Pour les transactions portant sur l’usage ou la concession de l’usage d’un brevet, d’une licence, d’une enseigne ou d’une marque de fabrique ou de commerce, l’utilisation d’une formule, d’un procédé secret de fabrication, la réglementation exige que l’entité résidente au Maroc recourt à un dispositif de dégressivité des redevances. A défaut, elle s’expose à de lourdes sanctions de l’Office des changes. Pour rappel, il n’existe pas de prescription aux infractions à la réglementation de change.

Contrôle renforcé
Dans certains cas, les frais d’assistance peuvent cacher une remontée des bénéfices d’une filiale marocaine auprès de sa maison-mère. C’est pour cette raison qu’elle cristallise l’attention des inspecteurs des impôts et de l’Office des changes à l’occasion des contrôles. Pour certains secteurs, la DGI ouvre aux opérateurs la possibilité d’un rescrit (ndlr : une validation préalable de la déductibilité de la dépense) afin de prévenir un éventuel contentieux, sans compter le problème récurrent posé par la retenue à la source sur des paiements effectués aux entités non-résidentes.

Depuis plus de dix ans, la DGI et l’Office des changes coordonnent leur action pour traquer des irrégularités en s’appuyant sur une convention entre les deux parties. Le résultat de cette coordination est que le rejet de la déductibilité d’une dépense liée aux prestations d’assistance technique à la suite d’un contrôle fiscal peut déboucher sur un redressement de la part de l’Office des changes assorti des pénalités.

Cette double peine, les experts-comptables la connaissent parfaitement. Elle est contestée par les milieux économiques qui la jugent contre-productive, mais ni la DGI ni l’Office des changes n’entendent se priver de cette arme de dissuasion.

La DGI a balisé la piste à ses inspecteurs

En cas de contrôle, le fisc a émis un guide destiné à ses inspecteurs. Pour les transactions sur biens incorporels, voici ce qui leur est recommandé : analyser les contrats portant sur la cession, la concession ou la mise à disposition d’actifs incorporels (brevet, marque, procédé de fabrication…) pour identifier la nature, l’étendue, la durée des actifs ou des droits transférés, la zone géographique, l’exclusivité, le mode de rémunération, etc.; analyser les modes de rémunération des droits incorporels tels que les redevances basées sur un pourcentage du chiffre d’affaires, ou sur un accord de répartition des coûts.

La rémunération du droit incorporel peut parfois être comprise dans le prix de vente de marchandises ou d’une prestation de service; vérifier la part des redevances dans les charges d’exploitation, la normalité des taux de redevances et la conformité aux contrats conclus avec les entreprises liées.

Pour les prestations de services : analyser les services intra-groupes d’ordre administratif, technique, informatique, financier, commercial, etc. Une attention particulière est accordée aux conventions de «management fees» ou frais de gestion, généralement facturés par la société mère à sa filiale; examiner l’effectivité des prestations; vérifier si la prestation est engagée dans l’intérêt de l’entreprise et si elle ne fait pas double emploi avec des services de même nature supportés par l’entreprise; vérifier la conformité du prix de ces services au prix du marché, c’est à dire le prix qui aurait été fixé dans des conditions normales (c’est le cas, par exemple, des frais d’assistance technique sans facturation ou anormalement excessifs, des commissions excessives, des surfacturations de loyers…).

Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO



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