Maroc

Assises africaines de l’eau. L’avenir est à la mutualisation des capacités

En Afrique, l’accès à l’eau et à l’assainissement laisse à désirer, avec un déficit énorme et des risques pour la santé publique. La recherche de financements et de formules innovantes pour rattraper le retard est incontournable afin de sauver le continent de la soif et des maladies.

C’est un tableau peu reluisant de l’accès à l’eau et à l’assainissement que les participants aux Assises du conseil scientifique et technique de l’Association africaine de l’eau ont brossé hier à Rabat. Cet événement continental à rayonnement planétaire a jeté toute la lumière sur le déficit en gouvernance et en infrastructures hydriques en Afrique. De plus, ce dernier est heurté de plein fouet par les effets du changement climatique alors qu’il ne participe qu’à raison de 4% au phénomène.

En sa qualité de président de l’Association africaine de l’eau, le DG de l’ONEE, qui abrite ces assises qui se poursuivent jusqu’au 5 avril, a indiqué que 50% des personnes buvant de l’eau insalubre vivent en Afrique. Abderrahim El Hafidi a ajouté que 400 millions d’Africains n’ont pas accès à l’eau potable et 700 millions manquent de services d’assainissement. L’assèchement à 94% du Lac Tchad sonne le tocsin d’une crise hydrique à forte incidence politique sur les pays riverains et le continent dans son ensemble.

En effet, les tensions politiques sur fonds de course aux ressources de l’or bleu ne feront qu’augmenter si rien n’est fait à court terme. Dans ce sens, Loïc Fauchon, président du Conseil mondial de l’eau, a évoqué une «hydro-diplomatie» hautement nécessaire aujourd’hui pour dénouer les crises sur fonds de maîtrise de ressources hydriques. Depuis quatre mois qu’il est aux manettes du conseil, Fauchon s’est fixé pour objectif majeur de changer les mentalités et les idées reçues sur un certain nombre de sujets, et à leur tête celui des barrages. «Les barrages ont mauvaise presse parce qu’on les lie aux déplacements des populations et aux dérèglements des zones agricoles», a-t-il regretté, avant de tonner que le monde aura besoin de milliers d’entre eux durant les années à venir. Joignant la parole à l’acte, Fauchon se trouve aujourd’hui à Washington pour plaider, auprès de la Banque mondiale puis du FMI, pour l’octroi de prêts en faveur de projets de stockage de l’eau. En effet, du fait de cette mauvaise réputation, la BM avait pris la décision, il y a 15 ans, de couper les vannes. Mais l’Afrique en a encore plus besoin aujourd’hui. Et le 9e Forum mondial de l’eau, qui aura lieu en mars 2021 à Dakar, sera l’occasion de réaffirmer cette vocation pour une meilleure gestion hydrique à travers des infrastructures de qualité. Mais sans volonté politique, lois adéquates et financement, les projets hydriques en Afrique resteront des voeux pieux. Dans ce sens, Fauchon a cité le Maroc comme exemple à suivre. Il a affirmé que la loi marocaine sur l’eau est une première dans le monde. Un texte qui englobe notamment les nouvelles solutions mises en application comme le dessalement de l’eau de mer. En effet, la diversification des ressources en eau est désormais le maître mot pour gérer une crise qui point à l’horizon. En plus du dessalement, la réutilisation de l’eau à travers des stations de traitement adaptées s’ajoute à l’arsenal.

Dans cette même veine, Aziz Rabbah, ministre de l’Énergie, des mines et du développement durable, a mis en exergue les vertus de la gestion de l’abondance mais aussi de la rareté, sans perdre de vue la qualité du service. Il a ainsi exhorté les techniciens à proposer des solutions aux politiques pour que ces derniers puissent agir sur les lois, les financements et les projets à mener en connaissance de cause. Détaillant son propos, Rabbah a ajouté que les schémas classiques de financement sont dépassés et qu’il faut réfléchir à des partenariats public-privé, des laboratoires régionaux et une logistique régionale dans le domaine de l’eau. Le ministre a mis le doigt sur la nécessité d’acquérir une expertise en matière de business-plan et type de contrat pour mieux négocier avec les institutions internationales dans le secteur de l’eau. Il faut aussi imaginer une nouvelle forme de coopération entre les pays africains, basée, comme l’a indiqué Mohcine Jazouli, ministre délégué chargé de la Coopération africaine, sur la mutualisation des efforts et des capacités. Engagé dans son prolongement africain, le Maroc accorde un intérêt particulier à la coopération Sud-Sud à travers des projets structurants dans le domaine de l’eau en Guinée-Bissau, au Cameroun, au Sénégal ou encore en Côte d’Ivoire.

Le royaume est également devenu une terre de formation pour les techniciens et ingénieurs africains dans le domaine. Il s’inscrit ainsi dans l’agenda 2063 de l’Union africaine en matière de sécurité hydrique et d’accès à l’assainissement, comme rappelé par Hammou Bensaadout, directeur des affaires administratives et financières au ministère de l’Équipement. Le responsable a expliqué que l’Afrique a besoin de 64 milliards de dollars par an jusqu’en 2025 pour rattraper son accès limité à l’eau et à l’assainissement. Mais pour accélérer la cadence, les PPP, combinés à des garanties gouvernementales, sont nécessaires. L’ONEE a montré le chemin en investissant 5,5 milliards d’euros dont 82,5% concernent l’alimentation en eau potable, le reste étant consacré à l’assainissement. Selon El Hafidi, l’ONEE est arrivé, fin 2018 dans le domaine de l’eau potable, à une production globale de 1.140 millions de m3/an, et le taux d’accès en milieu rural a atteint 97% pour une population rurale de 12,8 millions d’habitants. Dans le domaine de l’assainissement liquide, la capacité d’épuration a atteint 395.000 m3/jour. L’office gère ce service dans 128 localités, et le nombre de ses stations d’épuration s’élève à 107.


Disparités Nord-Sud
Dans le monde, 2,1 milliards de personnes, soit 30% de la population mondiale, n’ont toujours pas accès à des services d’alimentation domestique en eau potable. Pas moins de 4,5 milliards d’individus, soit 60%, ne disposent pas de services d’assainissement. Par ailleurs, la couverture des services d’eau potable gérés en toute sécurité est établie à seulement 24% en Afrique subsaharienne, alors qu’elle culmine à 94% en Europe et en Amérique du Nord. Concernant l’assainissement, le taux d’accès à ce service est de 78% en Europe et en Amérique du Nord, et de seulement 28% en Afrique subsaharienne.



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