Maroc

Arriérés d’impôts : la traque jusqu’au bout !

Les vieux arriérés des cotisations à la CNSS et d’impôts sont un véritable cauchemar pour les pouvoirs publics. Les plus anciens de ces impayés remontent à plus de cinquante-trois ans pour la CNSS, et plus de trente ans pour les créances fiscales, rangées dans la catégorie «Reste à recouvrer». Dans les deux cas, les montants se chiffrent à plusieurs dizaines de milliards de DH. Certains responsables prêchent le réalisme et proposent de passer l’éponge, du moins sur une partie.

Au 31 décembre 2023, le stock des restes à recouvrer au fisc était constitué de 3,1 millions de cotes (taxations d’office), en hausse de 17%. Côté cotisations sociales, un rapport d’enquête explosif d’une commission de la deuxième Chambre du Parlement sur la CNSS avait fait grand bruit au tout début des années 2000. Les parlementaires s’y étaient étonnés avec un peu de démagogie, il est vrai, du «peu d’énergies mises pour aller chercher l’argent des travailleurs».

D’audit en audit, ces arriérés de cotisations sociales (estimés à plus de 25 milliards de dirhams en principal) pourrissent la vie du management de la CNSS, quel qu’il soit. Avec le feu vert du Conseil d’administration où siègent à parité les représentants des syndicats et du patronat (CGEM), chaque dirigeant y va de son amnistie en concédant l’abandon de pénalités de retard pour tenter de récupérer ce qui peut l’être encore.

En 2023, la CNSS a pu récupérer 4,68 milliards de dirhams suite à la mise en place des programmes de remise totale et partielle des pénalités de retard de paiement des cotisations dans le cadre de la gestion de ses créances qui s’étalent sur une période de 53 ans.

Dans une entreprise privée, ces vieilles créances seraient tout simplement reclassées en pertes, mais les créances du Trésor obéissent à des règles bien spécifiques. Le comptable public ne peut rien lâcher car il est personnellement responsable des deniers publics. Il a donc l’obligation de continuer à dérouler les diligences pour recouvrer les créances fiscales même si la probabilité est proche de zéro.

Hors micro, nombre de responsables au ministère de l’Économie et des Finances prêchent le réalisme et assurent qu’il va falloir passer l’éponge sur ces «actifs fictifs» en adoptant une loi spéciale, car il n’y a plus de trace des milliers de débiteurs. Et ce ne sont pas que les entreprises ayant fait faillite qui sont redevables au Trésor, car derrière ces milliards de DH d’impayés, se cachent en effet des sociétés créées dans le seul but de tricher à l’impôt.

Selon nos informations, le fisc avait identifié 300.000 sociétés fictives, dites «cadavres», pendant le travail d’assainissement du fichier des sociétés immatriculées dans la base de données de l’administration fiscale. Ces «cadavres» sont des entités fictives créées de toutes pièces, et qui disparaissent dans la nature sans déclarer ni dépôt de bilan ni de faillite comme les y oblige la loi.

La démographie de ces sociétés «cadavres» a été alimentée par des montages de fraude à l’impôt. Deux «activités» apparaissent comme particulièrement «porteuses», notamment l’importation des biens d’équipement en franchise de TVA, et la création d’un véhicule d’investissement où sont logés des villas et des pavillons. Les inspecteurs du fisc avaient découvert, avec stupéfaction, que plusieurs sociétés disparaissaient après seulement deux ou trois opérations d’importation de conteneurs de biens d’équipement profitant de l’exemption de la TVA.

Ces mêmes sociétés ne réglaient ni l’IS, ni la taxe professionnelle, et encore moins l’I.R. Ces montages, qui se sont accélérés dans la foulée de l’euphorie sur le marché immobilier, étaient réalisés avec l’assistance des conseils, mais, surtout, des «industriels» de fausses factures estimées à 40 milliards de DH, soit l’équivalent de 8 milliards de TVA «volés» au Trésor. Par type d’impôt, le «reste à recouvrer» fiscal est concentré sur l’impôt sur le revenu (IR) à hauteur de 30%, l’impôt sur les sociétés pour 21%, la TVA pour 19% et 20% sur la taxe professionnelle.

Le plus gros des impayés sont des petits montants de moins de 100.000 dirhams (95,3%). A l’autre extrême, les arriérés de plus de 100 millions de dirhams représentent 0,01%. La tranche allant de 500.000 dirhams à moins d’un million de dirhams représente 0,5% du total. Mais la lecture de cette cartographie peut ne pas traduire la photographie exacte de la situation car un seul contribuable défaillant peut concentrer à la fois des arriérés de TVA, d’IS et de la taxe professionnelle.

Le fisc intensifie la traque via des partenariats

Pour apurer une partie du « Reste à recouvrer » à enjeu (ndlr : de gros montants), l’administration fiscale peut compter sur son partenariat avec la Douane. L’accord entre les deux parties prévoit l’exploitation des recoupements sur les importations via un canal d’échange mis en place en juillet 2018.

Ainsi, la situation fiscale de plus de 397 contribuables a été régularisée au titre de 2023 pour un montant de 95,2 millions de dirhams. Autant dire, une goutte d’eau dans l’océan des milliards de vieux impayés. Avec la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN), le canal d’échange avec la DGI a permis de recueillir les informations pour la notification des actes de recouvrement à plus de 17.506 contribuables « fugitifs ».

Avec la Conservation foncière, les échanges de renseignement en 2023 ont porté sur 114 recoupements de titres fonciers communiqués à la DGI appartenant à 114 débiteurs envers le Trésor.

Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO

 


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