AMO : Les patients passent à la caisse
Les frais engagés par les patients et non remboursés par les régimes d’assurance maladies ne cessent d’augmenter. L’Agence nationale d’assurance maladie (ANAM) tire la sonnette d’alarme face à une courbe ascendante.
Le reste à charge désigne le montant que l’assuré social doit lui-même payer suite aux soins médicaux qu’il a reçus et que l’Assurance maladie obligatoire (AMO) ne prend pas en charge. Selon les dernières données disponibles, la part restante à la charge de l’assuré se situait à 37,2% en 2015 pour le secteur privé, enregistrant ainsi une augmentation de 0,8 point par rapport à 2014 et à 31,9% pour le secteur public, en baisse de 0,2 point comparativement à 2014. Entre 2010 et 2015, la part des dépenses restantes à la charge de l’assuré a connu une augmentation de 5,6 points (voir graphique).
Ces niveaux de dépenses engagés par des assurés inquiètent l’ANAM. «L’évolution de la part supportée par les assurés nous inquiète et elle fait l’objet d’une réflexion entre l’ANAM et les gestionnaires des régimes d’assurance maladie», indiquait le Dr Naoufel El Melhouf, directeur par intérim de l’ANAM, lors du congrès de la Société marocaine de l’économie des produits de santé (SMEPS). Ce rendez-vous scientifique s’est, en effet, tenu le 27 octobre dernier à l’Université Mohammed VI des sciences de la santé. À titre d’exemple, la moyenne des frais restants à la charge d’une personne pour le poste pharmacie est de 303 DH pour le secteur privé. Pour ce qui est du poste de la biologie, le reste à charge est de 282 DH pour le secteur privé. Quant à la radiologie, le reste à charge est de 239 DH pour le secteur public. Sur une année, le montant moyen engagé est de 2.042 DH pour un salarié du public et 1.474 DH pour un salarié du privé (Graphique n°2). «Cette situation s’explique par la pratique de tarifs supérieurs à la Tarification nationale de référence (TNR) ainsi que le recours à des prestations qui ne sont pas remboursables par l’assurance maladie», explique l’ANAM dans son rapport annuel sur l’AMO datant de décembre 2016. Les TNR n’ont pas été revues depuis…2006, ouvrant la voie à la pratique du «noir» par les professionnels de santé du secteur privé et les cliniques privées ou à des tarifs pour les spécialistes largement en décalage avec les prix du marché. À titre d’exemple, les TNR fixent le prix de la consultation d’un spécialiste à 150 DH alors que les tarifs à Casablanca se pratiquent à partir de 300 DH pour une consultation chez un spécialiste. «La contribution des assurés au financement des soins de santé est beaucoup plus importante si on tient compte des prestations non encore couvertes par les assurés ainsi que du paiement au noir», prévient l’ANAM. D’ailleurs, la part restante à la charge de l’assuré pour les dossiers dont les soins sont effectués en ambulatoire (en cabinet) est de 47,8% pour le secteur privé. «Ceci est dû à la différence entre les taux de remboursement de la majorité des prestations réalisées en ambulatoire qui sont de 70%», signale l’ANAM dans le même document.
Dans le cadre de l’hospitalisation, le décalage est moins important mais demeure lourd. La part restante à la charge de l’assuré pour les soins réalisés, dans ledit cadre, est de 24,9% dans le privé. Plus inquiétant encore est la part restante à la charge d’un bénéficiaire atteint d’une affection de longue durée dont la prise en charge est coûteuse. Un patient doit débourser 23% de la facture de soins s’il se dirige vers le privé et 18,3% dans le public. «Ceci pourrait être attribué, entre autres, au fait que dix ALD sont encore non exonérées à la CNSS», pense l’ANAM. Une situation avec des conséquences sur l’accès aux soins. «La part importante des dépenses restantes à la charge des patients couplée à la non généralisation du tiers payant sont susceptibles de peser sur le budget des patients et de constituer une véritable barrière à l’accès aux soins, notamment pour les prestations onéreuses».
«Les négociations s’enlisent»
Dr. Badreddine Dassouli
Président du Syndicat national des médecins du secteur privé (SNMSL)
Les Inspirations ÉCO : Comment expliquez-vous la hausse continue du reste à charge payé par les patients dans le secteur privé ? Afrique ?
Badreddine Dassouli : Pour situer ce dossier dans son contexte, il faut rappeler que la Tarification nationale de référence (TNR) signée en 2006, prévoyait une revalorisation triennale. Sauf que depuis 2009, les tarifs dans le secteur non pas été revus à la hausse, alors que les charges et les équipements ont connu des hausses importantes. Cette situation fait que malheureusement ce sont les patients qui payent la différence. A cela s’ajoute que depuis 2006 de nouveaux actes médicaux et des techniques ont été développés mais non prévus dans la nomenclature existante.
Où en sont les négociations pour la révision des TNR ?
En avril dernier, les négociations se dirigeant vers une issue positive jusqu’à ce que les ennuis judiciaires du DG de l’ANAM bloquent nos rencontres. Le temps que le ministre de la Santé ait donné son feu vert pour relancer les négociations avec le DG par intérim de l’ANAM, le ministre sera limogé à son tour. En gros, on tourne en rond et les négociations s’enlisent à nouveau. Espérons qu’à la reprise des pourparlers, nous ne recommenceronspas dès le début.
Quels ont été les points abordés ?
Il était question de deux axes principaux. Le premier est le passage de La nomenclature générale des actes professionnels vers la Classification commune des actes médicaux. Ce modèle français permet une meilleure codification des actes médicaux et une tarification plus claire et adaptée aux développements de la médecine. Le deuxième axe est relatif aux tarifs. Notre proposition était de fixer 200 DH pour une consultation chez un généraliste et 300 DH chez un spécialiste, pour tourner la page des tarifs dérisoires pratiqués actuellement. De fait, le niveau de remboursement pour la consultation chez un généraliste est de 80 DH.