Agadir. Une catastrophe frôlée de justesse à la décharge de Tamellast
Un important incendie s’est déclaré dans les dépôts des trieurs de la décharge. Le déclenchement accidentel de feu, causé par le stockage de matières recyclables, aurait provoqué un gigantesque incendie si les flammes avaient atteint le système de dégazage actif du biogaz.
Plus de quatre années après l’éboulement de 550.000 tonnes de déchets sur l’un des bassins stockant le lixiviat à la décharge de Tamellast, le risque d’une nouvelle catastrophe est remis sur le devant de la scène. Si l’incident de février 2017 est survenu à cause d’un facteur naturel (pluie et secousse tellurique), celui survenu mardi dernier, à 17h, dans la zone des trieurs, relève d’un facteur humain. De ce fait, le constat à émettre réside, aujourd’hui, dans l’omniprésence de plusieurs facteurs à haut risque dans cette décharge contrôlée de Tamellast. Tout d’abord, en raison de l’emplacement actuel de la décharge, située à seulement trois kilomètres d’Agadir et de son futur pôle urbain (voir leseco.ma).
Ensuite du fait de deux autres paramètres, encore plus périlleux, qui s’ajoutent à cette équation. Il s’agit, à la fois, du réseau, conduites et puits de biogaz présents à l’intérieur de la décharge, et, également, des quantités de lixiviat actuellement emmagasinées dans les sept bassins de stockage. Ces quantités sont toujours en net accroissement avec la réalisation d’un 8e bassin de stockage dans cette décharge.
Pour rappel, depuis sa mise en service, en avril 2010, les quantités accumulées y ont dépassé 255.380 m3 de lixiviat. Aujourd’hui, le stock emmagasiné dans les sept bassins frôle les 100.000 m3 (après le glissement de 550.000 tonnes de déchets précité en 2017), ce qui constitue un risque permanant d’instabilité physique de la décharge.
Un risque omniprésent pour les installations de biogaz
Le débat lié à la question du risque a été ravivé par cet incendie et la zone des trieurs. Cette zone abrite un stock important de matières plastiques et de cartons, selon le rapport établi par la Société gestionnaire. Favorisées par la nature des matières stockées (très inflammables) et la forte température qui a prévalu dans la région, les flammes se sont propagées au delà du mur de clôture, en direction de la zone en cours d’exploitation. Heureusement, le casier n°1 a été déjà réhabilité.
Au total, l’incendie qui a été contrôlé le lendemain, vers 7Hh45, a ravagé sept ha et 22 arganiers, provoquant en outre un début de pollution atmosphérique (voir les photos).
A cet égard, bien que les dommages des membranes géo synthétiques (jouant un rôle de barrière étanche entre l’infiltration du lixiviat à la nappe phréatique) aient été réduits en raison de la profondeur des couches de déchets, le risque, pour les installations de biogaz, a été omniprésent. Grâce à la mobilisation de toutes les parties prenantes (pompiers, autorités locales, gendarmerie, société exploitrice, conducteurs d’engins et établissement de coopération intercommunale), la décharge est passé à deux doigts d’une vraie catastrophe. Dès le déclenchement du feu, les vannes assurant le dégazage du biogaz ont été immédiatement fermés.
Il est à noter que le déclenchement accidentel des feux, causés par le stockage des matières recyclables dans les dépôts des trieurs a failli provoquer un gigantesque incendie si les flammes avaient atteint le système de dégazage actif.
Installé au niveau des casiers de la décharge de Tamellast, c’est ce système qui collecte et brule le biogaz issu de la biodégradation des déchets. A noter aussi que ce gaz combustible est riche en méthane.
Une prolifération anarchique des dépôts de trieurs
Sur le terrain, les dépôts de trieurs qui ont causé cet incident, ont connu, depuis la mise en service de la décharge, une prolifération anarchique. Une situation qui a entraîné un impact négatif sur l’environnement et la salubrité publique, notamment à travers l’existence des déchets éparpillés sur la route d’accès sur une longueur d’1 km et la dégradation du mur de clôture de la décharge.
Ce n’est pas tout, certains trieurs stockent leurs matières recyclables au sein de casier en exploitation. De ce fait, ce stockage de déchets dans les zones destinées à l’enfouissement, porte atteinte à l’exécution des travaux d’exploitation et peut aussi endommager les ouvrages réalisés (systèmes de dégazage et de drainages des lixiviats).
A cela s’ajoutent, les retards et les malfaçons concernant l’exécution des travaux causés par cette situation. En attendant la future gestion déléguée, la durée de vie de la décharge est de l’ordre de 25 ans depuis sa date de mise en service. Actuellement, le mode d’exploitation est étalé seulement sur une année.
C’est pourquoi, la future gestion déléguée qui sera inscrite à long termes devra répondre à l’ensemble des défis posés. Il s’agit en l’occurrence de trouver une solution technique et pérenne à la question de lixiviat. Sur ce dernier point, l’accumulation de cette substance avec l’évaporation naturelle ne permet pas sa résorption complète.
Les valeurs moyennes des paramètres physico-chimiques montrent que le lixiviats dispose d’une forte charge minérale et organique polluante (teneurs en DCO, DBO5). Aussi, ce stock a un impact négatif sur l’environnement en particulier sur la qualité de l’air des quartiers de la ville d’Agadir et qui sont avoisinants du site. Les odeurs désagréables issues principalement de ce stock et les conditions météorologiques (vents) sont l’origine de nuisances olfactives.
Yassine Saber / Les Inspirations ÉCO