Acte de mariage dans les hôtels : la décision déjà en marche
Le débat en cours au sujet de la suppression de l’obligation de présenter un acte de mariage pour les couples souhaitant séjourner dans des établissements hôteliers continue de susciter des réactions diverses et passionnées. L’annonce du ministre de la Justice à ce sujet a été suivie d’une série d’actions sur le terrain, bien que de manière sporadique pour l’instant. Malgré cela, les professionnels du secteur ne semblent pas tous convaincus de la pertinence de cette démarche.
Le débat sur la suppression de l’exigence d’un acte de mariage pour les couples par les établissements hôteliers continue de faire couler beaucoup d’encre. La cacophonie au sein du débat public sur le sujet règne également auprès des professionnels. Nous avons tenté de réserver une chambre pour deux au sein d’une dizaine d’hôtels et même de grandes chaînes nationales et internationales. À notre grande surprise, la quasi-totalité des établissements interrogés ont nié cette possibilité, nous affirmant qu’une fois sur place, la réception exigera un acte de mariage ou nous permettra alors de prendre deux chambres séparées. C’est le cas notamment à l’hôtel Riu Tikida Palmeraie à Marrakech, ainsi que dans les hôtels du groupe Kenzi.
Des coups de fil et des rondes
Toutefois, un hôtel installé à Agadir finira par répondre à notre demande, en nous expliquant qu’après «consultations avec les autorités», ils ne sont plus tenus de demander un acte de mariage. Contactée par nos soins, une source au sein du groupe Accor ayant requis l’anonymat nous explique qu’ils «commençaient à recevoir des instructions dans ce sens».
Selon des sources sécuritaires, la fin de cette exigence n’a pas été officiellement formulée par écrit. Mais les professionnels affirment avoir reçu des instructions dans ce sens, par coup de fil ou après la visite surprise de la part des Renseignements généraux (RG) dans leurs locaux. C’est le cas notamment à Agadir, où des visites ont eu lieu jeudi et vendredi derniers dans «tous les hôtels».
Contacté par nos soins, Zouhair Bouhout, expert en tourisme et ancien président CRT Ouarzazate, soulève pour sa part le manque de clarté et de précision concernant cette annonce.
«Nous ne savons pas encore quand cette décision rentrera en vigueur et qui elle concernera au juste, il faudrait un peu plus de détails dans ce sens», dit-il. De plus, ceux qui pourraient bénéficier de cette décision ne sont pas «très nombreux» et «ce n’est pas un secret personnel, ceux qui peuvent se permettre des hôtels 5 étoiles n’étaient même pas vraiment confrontés à ces exigences», poursuit l’expert, pour qui cette décision n’est «ni révolutionnaire», ni «une priorité».
D’autres priorités
Selon Zouhair Bouhout, la priorité est de rendre plus accessibles les établissements hôteliers aux résidents marocains. Une priorité qui semble être reléguée au second plan, selon notre expert. Chiffres à l’appui, le tourisme local n’a pas encore atteint son plein potentiel, poursuit-il. En 2023, un peu plus de 14,5 millions de touristes ont visité le Maroc et quelque 17 millions de nuitées ont été réalisées par des non-résidents dans les établissements d’hébergement touristique classés (EHTC). Au cours de la même période, un peu plus de 8,5 millions de nuitées ont été réalisés par des Marocains résidents au Royaume.
Selon Zouhair Bouhout, cette décision n’est pas révolutionnaire et ne devrait pas nécessairement stimuler davantage le tourisme local. Il estime que la priorité devrait être de rendre les établissements hôteliers plus accessibles à tous les résidents marocains, plutôt que de se concentrer sur des mesures qui pourraient bénéficier principalement à une partie privilégiée de la population. La décision prise par le ministre soulève inévitablement un débat plus large. Une source au sein du CRT d’Agadir ayant requis l’anonymat qualifie cette mesure de «satisfaisante».
Toutefois, elle souligne qu’elle devrait être accompagnée d’une dépénalisation de l’article 490 du code pénal, qui criminalise les relations sexuelles entre des personnes de sexe différent non unies par les liens du mariage, ainsi que l’adultère.
Faiza Rhoul / Les Inspirations ÉCO