Accès à l’état civil : des associatifs mobilisés à Chefchaouen
Les associations AIDA et ATED lancent un projet pour la promotion de l’enregistrement à l’état-civil à Chefchaouen. Les résultats du travail élaboré dans le cadre de ce projet indiquent que les obstacles les plus fréquemment rencontrés par les personnes au moment de leur inscription au registre d’état-civil sont liés principalement à des problèmes d’obtention de documentation.
Au Maroc, plus d’un million d’habitants ne sont pas encore inscrits au registre d’état-civil, dont la majorité est concentrée dans les zones rurales. Dans ce contexte, et grâce à un financement reçu par l’Agence espagnole de coopération internationale pour le développement (AECID), l’organisation AIDA «Aide, échange et développement» (ONG internationale) et l’organisation marocaine ATED (Association Talassemtane pour l’environnement et le développement) ont lancé le projet: l’«amélioration de l’accès à l’état civil par la sensibilisation, l’accompagnement et le plaidoyer, Chefchaouen (Maroc)». Par ce projet, l’accès à l’état-civil dans la province de Chefchaouen (communes rurales de Ouaouzgane, Tamorout et Bni Smih) est renforcé par le biais de la sensibilisation, l’accompagnement dans le processus d’enregistrement et le plaidoyer au niveau local et national. C’est ainsi que 78 dossiers ont été accompagnés et résolus en 2016, et 84 autres ont été dénoués en 2017.
Un droit fondamental… pas encore totalement garanti
Le droit de détenir une identité est un droit fondamental, inscrit dans la Convention des droits des mineurs, et dans l’Accord international des droits civils et politiques. Le Maroc les a approuvés ainsi que le reste des conventions internationales traitant des droits de l’Homme et de la protection des mineurs, et a essayé d’adapter sa législation nationale afin de garantir ce droit fondamental, en imposant une obligation d’inscription. Toutefois, de nombreux enfants demeurent sans inscription au registre d’état-civil. «Non-inscrit à la naissance, un enfant est condamné à l’exclusion sociale du fait qu’il n’ait pas droit à une identité officielle, et n’a donc pas d’accès aux services publics fondamentaux tels que l’éducation, la santé, l’accès à la justice et la participation politique», expliquent les membres de l’association AIDA. Les résultats du travail élaboré dans le cadre de ce projet indiquent que les obstacles les plus fréquemment rencontrés par les personnes au moment de leur inscription au registre d’état-civil sont liés principalement à des problèmes d’obtention de la documentation requise. Dans de nombreux cas, il s’agit de l’absence d’acte de mariage des parents, en raison de la prédominance des mariages coutumiers dans le monde rural. Les autres obstacles relevés sont liés à la pratique de la polygamie, à certaines catégories de personnes (mères célibataires et fugitives), ou encore au dépassement du délai de 30 jours prévu par la loi après la naissance d’un enfant pour l’inscription (gratuite) au registre d’état-civil. En fait, dans les zones d’intervention, il est courant que les enfants ne soient pas enregistrés lors de leur premier mois de vie, mais plus tard au tribunal, parfois jusqu’au moment de leur inscription à l’école. Les travaux de ce projet ont dévoilé que les causes qui empêchent l’inscription à l’état-civil sont liées, d’un côté, à des facteurs socio-économiques, comme l’analphabétisation, la pauvreté, l’isolement géographique. De l’autre côté, la difficulté d’accès à la justice contribue à aggraver la portée du phénomène. En effet, au cours des 30 jours suivant la naissance de l’enfant, l’inscription à l’état-civil doit être réalisée au niveau du Tribunal de première instance. Le coût et la lenteur des procédures judiciaires, avec le manque des connaissances de la loi ou à cause de l’influence des tabous sociaux (surtout dans les cas des mineurs nés hors-mariage ou provenant des familles monoparentales) peuvent paralyser l’état d’inscription à l’état-civil. En 2017, l’accès à l’état-civil des enfants en situation de vulnérabilité était loin d’être systématique dans les différentes régions du royaume: 15% de la population rurale n’était pas inscrite à l’état-civil (10% dans les zones urbaines et 20% dans les zones rurales).
Mehdi Idrissi / Les Inspirations ÉCO