Maroc

Abdessamad Merimi : “Comment réduire l’impact de la crise ?”

Le groupe du PJD à la Chambre des conseillers vient de déposer une proposition de loi amendant la loi 47-06 relative à la fiscalité des collectivités locales pour alléger la pression sur certains professionnels lésés par la crise sanitaire. Le point avec Abdessamad Merimi, parlementaire de l’UNTM et rapporteur de la commission des Finances, de la planification et du développement économique à la Chambre haute. Cet ancien membre du CESE s’exprime aussi sur les solutions pour la sortie de crise et l’importance du dialogue social dans le contexte actuel.

Pourquoi avez-vous élaboré une proposition de loi pour amender les dispositions de la fiscalité locale?
La proposition de loi que je viens de déposer tend à compléter la loi 47-06 relative à la fiscalité des collectivités locales ( territoriales ) par des dispositions qui donnent à certains redevables la possibilité de présenter une déclaration de chômage «partiel ou total» sur la base de laquelle la commune leur accorde une exonération liée à la période déterminée. Il faut noter que cette possibilité existe actuellement pour la taxe professionnelle et la taxe sur les débits de boisson et non pas pour la taxe de séjour et la taxe sur le transport public de voyageurs, alors qu’on est dans une conjoncture économique spéciale due à la crise du coronavirus et dans un état d’urgence sanitaire qui interdit strictement le déplacement entre villes en utilisant les transports publics. Et c’est ce qui a engendré le chômage partiel du secteur du transport notamment les taxis et les autocars ainsi que les transports touristiques et le secteur hôtelier. Grâce à l’amendement que nous proposons, les redevables du secteur du transport public seront exonérés de cette taxe.

Quelles sont les mesures qui s’imposent encore sur le plan social pour sortir de la crise avec le minimum de dégâts?
D’abord, il faut reconnaitre que les efforts déployés par le gouvernement suite aux directives de Sa Majesté le roi ont permis de réduire les dégâts de la crise sur le plan social. Le passage à la première phase du déconfinement – bien sûr avec des mesures de sécurité- permet aux entreprises et aux professions libérales de reprendre leurs activités et d’assumer leurs responsabilités envers les salariés. Je pense que les sociétés d’assurances doivent contribuer pour le soutien des salariés au moins ceux qui sont assurés chez elles contre les accidents du travail et qui ont de bas salaires, et aussi présenter des facilités pour le secteur du transport public ( taxis, autocars et transport touristique). On doit aussi mobiliser plus de financements pour ceux qui sont dans l’économie informelle et qui, malgré les aides, ils ont du mal à couvrir les besoins de leurs familles. Il s’agit aussi de réduire les menaces qui pèsent lourdement sur le pouvoir d’achat et le niveau de vie. Cette crise nous a permis de constater l’ampleur des besoins sociaux et, par conséquent, les défis qu’on doit relever. Il faut répondre à la question de la justice sociale pour tous dans un Maroc solidaire à travers l’engagement en faveur d’un contrat social avec un objectif de cohésion sociale. Aujourd’hui, le compte à rebours est enclenché pour la mise en place d’un grand projet qui sera un instrument d’aide sociale : le « Registre social unifié ». Il faut passer, ensuite, à une restructuration du champ social et à une redéfinition des nouvelles missions et des rôles des acteurs publics dont le nombre devra être réduit. La gestion des programmes d’appui social doit être améliorée tant en termes d’efficacité qu’en termes de volume. Et enfin, il faut accélérer l’extension de la couverture sociale en faveur des non-salariés et des indépendants et pour les professions libérales.

Que pensez-vous de la requête de l’activation de l’article 16 du code du travail et de la mise en place du chômage partiel ?
Il faut dire que c’est le moment où le dialogue social et la négociation collective sont les plus essentiels et peuvent tracer le chemin pour se relever d’une crise dévastatrice comme celle du coronavirus. Des décisions convenables s’imposent pour amortir le choc économique et alléger la vulnérabilité économique des ménages. On peut citer notamment la flexibilité périodique du travail et un allègement des charges fiscales et des frais financiers pour réduire le coût du travail. Le contexte actuel marqué par une mutation accélérée du marché du travail et impacté par cette crise à multiples dimensions, qui ne sera certainement pas résorbée dans les plus brefs délais, nécessite de s’appuyer davantage sur le dialogue social. Le code du travail et plus généralement le droit social doit être soumis à une réforme qui repose sur la promotion autant que possible du dialogue social et l’accord entre partenaires sociaux afin que, dans certaines limites, les meilleurs compromis puissent être construits, pour concilier l’évolution de la production et l’efficacité économique et la protection des droits des salariés.

Comment peut-on sauvegarder les emplois dans cette conjoncture spéciale ?
La crise va avoir un impact d’une grande ampleur sur le PIB et sur l’emploi. On s’attend à des changements au niveau de la politique de l’emploi et la gestion de la main-d’œuvre des entreprises qui se traduiront par la création de nouveaux emplois, la réintégration des salariés et des licenciements au niveau de chaque entreprise et dans plusieurs branches d’activités économiques. Ces secteurs doivent faire l’objet de réunions entre les partenaires sociaux et les autorités gouvernementales, non seulement pour amortir les effets de cette crise, mais aussi pour formuler une réponse qui peut être mieux acceptée et mieux gérée sur le plan socioéconomique et sur le plan politique. Quant au secteur informel, même s’il occulte forcément une partie des flux économiques, il contribue dans l’emploi notamment dans les activités de service et de petite production et des activités artisanales. Ce qui nécessite de mettre en place des incitations pour une transition progressive des acteurs de ce secteur vers le secteur formel tel qu’il est cité dans la recommandation n° 204 de l’Organisation internationale du travail (OIT) concernant la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle, notamment la relation entre le niveau de l’éducation et celui de l’informel. D’après un rapport de l’OIT à l’échelle mondiale, le niveau d’éducation est un facteur déterminant du niveau d’informalité. Quand le niveau d’éducation augmente, le niveau d’informalité recule. Les personnes qui ont achevé des études secondaires ou supérieures sont moins susceptibles d’occuper un emploi informel que les travailleurs qui n’ont aucune instruction ou ont seulement terminé leurs études primaires.


Covid-19 : une maladie professionnelle ?

La maladie du covid-19 doit être considérée comme une maladie professionnelle. Abdessamad Merimi vient de saisir, dans ce sens, le ministre du Travail et de l’insertion professionnelle et le ministre de l’Économie, des finances et de la réforme de l’administration pour inscrire la Covid-19 sur la liste des maladies professionnelles à l’instar de ce qui a été fait dans plusieurs pays. Le Maroc est appelé à suivre l’exemple de plusieurs pays qui disposent de leurs propres critères pour déterminer la nature professionnelle d’une maladie et qui reconnaissent désormais le Covid-19 comme une maladie professionnelle. D’après Merimi, il faut indemniser les salariés contaminés dans les lieux de travail (entreprises, administration, hôpitaux …) et modifier le Dahir du 31 mai 1943 sur les maladies d’origine professionnelles, en prenant compte des dispositions de la Recommandation n° 94, et la décision de la cour de cassation n° 129 du 1er mars 2012 qui détermine la responsabilité de l’État de protéger ses employés.


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